Des chercheurs de l’université d’Ariel, de l’Autorité israélienne des antiquités, de l’université d’Exeter (Royaume-Uni) et de l’Institut Weizmann des sciences ont effectué une série de tests scientifiques sur d’anciens étuis à tefillin provenant du désert de Judée, et ont découvert que, contrairement à la halakha (loi juive), qui exige que les étuis à tefillin soient colorés en noir, aucune couleur n’a été appliquée aux anciens tefillin.
Ces résultats, publiés dans la prestigieuse revue Plos One, remettent en question des hypothèses de longue date sur la pratique de l’observance des tefillins.
Les tefillins, pour les non-juifs qui nous lisens, sont de petits étuis en cuir contenant de minuscules parchemins sur lesquels sont inscrits des versets bibliques. Ils sont portés par les juifs pratiquants pour les prières matinales, l’un sur la tête et l’autre sur le bras.
Selon la loi juive, les étuis de tefillin doivent être de couleur noire. Cependant, une équipe de chercheurs d’Israël et de Grande-Bretagne a effectué une batterie de tests scientifiques qui ont montré que les anciens tefillins n’étaient pas noirs. Les recherches ont été menées par le professeur Yonatan Adler, de l’université d’Ariel, en collaboration avec les docteurs Ilit Cohen-Ofri et Yonah Maor, de l’Autorité israélienne des antiquités, Theresa Emmerich Kamper, de l’université d’Exeter, et Iddo Pinkas, de l’Institut Weizmann des sciences.
En 1949, des archéologues ont découvert plusieurs étuis de tefillin en cuir dans une grotte près de Qumran, où ont été trouvés les premiers manuscrits de la mer Morte. Par la suite, d’autres étuis de tefillin ont été mis au jour dans d’autres grottes près de Qumran, à Wadi Murabba’at et à Nahal Se’elim, toutes situées dans le désert de Judée. Ces découvertes sont datées de la même époque que les manuscrits de la mer Morte, c’est-à-dire vers la fin de la période du Second Temple, soit il y a environ 2 000 ans. Le climat aride du désert a permis à ces objets de survivre pendant des millénaires jusqu’à leur découverte.
Aujourd’hui, les étuis à tefillin sont conservés dans la réserve de l’Unité des manuscrits de la mer Morte de l’Autorité des antiquités d’Israël à Jérusalem, où les conditions climatiques des grottes sont reproduites.
« Il s’agit d’une découverte très importante », explique le professeur Yonatan Adler de l’université d’Ariel, qui a dirigé l’étude. « C’est la première fois que des tefillins sont examinés scientifiquement pour déterminer leur couleur. Dans certains tefillins anciens, le cuir a une couleur brune naturelle. Cependant, dans d’autres, la couleur très foncée du cuir était auparavant considérée comme le résultat d’une teinture artificielle, réalisée pour se conformer à la loi qui exige que le cuir des étuis de tefillin soit noir. Nos tests ont montré que lorsque le cuir apparaît foncé, c’est le résultat d’un processus naturel et non d’une teinture ».
Selon le Dr Ilit Cohen-Ofri, chef du laboratoire de conservation de l’unité des manuscrits de la mer Morte de l’Autorité israélienne des antiquités,
« dans l’Antiquité, il y avait deux types de manuscrits et deux méthodes principales pour teindre le cuir en noir. La première méthode utilisait des matériaux à base de carbone – le suif ou le charbon de bois – pour donner au cuir une couleur noire. La seconde méthode était basée sur une réaction chimique entre le tanin, un composé organique complexe présent dans de nombreuses plantes, et des oxydes de fer. Nos tests nous ont permis d’exclure la possibilité que les étuis de tefillin aient été teints en noir à l’aide de l’une ou l’autre de ces méthodes ».
Les chercheurs ont utilisé diverses techniques, notamment l’imagerie multispectrale, la spectroscopie Raman, le FTIR-ATR et le SEM/EDX, pour examiner le cuir des étuis de tefillin et y déceler des traces de teinture ou de peinture noire. Les résultats des analyses n’ont révélé aucune trace de colorant noir.
« Dans les fragments sombres que nous avons examinés », déclare le Dr Yonah Maor du laboratoire d’analyse de l’Autorité israélienne des antiquités, « la couleur semble être le résultat du vieillissement naturel du cuir plutôt que d’une teinture intentionnelle. De légères fuites d’eau dans les grottes au cours des 2 000 ans de présence des objets pourraient avoir accéléré le processus de vieillissement du cuir. Par le passé, nous avons constaté que certains manuscrits de la mer Morte avaient subi un processus similaire, ce qui a malheureusement entraîné un assombrissement du parchemin ».
Les chercheurs pensent que la pratique consistant à colorer les étuis de tefillin en noir est probablement due à une tradition plus tardive.
Ils suggèrent que la loi exigeant que les tefillins soient colorés en noir n’était peut-être pas en vigueur à l’époque du Second Temple, lorsque les anciens tefillins examinés dans le cadre de l’étude étaient utilisés.
« Il est probable qu’à l’origine, la couleur des tefillins n’avait aucune signification halakhique », explique le professeur Adler. « Ce n’est que plus tard que les rabbins ont décidé que les tefillins devaient être de couleur noire. Cependant, même après cela, les autorités halakhiques ont continué à débattre de la question de savoir si l’obligation de colorer les étuis de tefillin en noir était une obligation absolue ou si elle était simplement préférable pour des raisons esthétiques.
On pense généralement que la loi juive est statique et qu’elle n’évolue pas. Nos recherches en cours sur les tefillins anciens montrent que c’est exactement le contraire qui est vrai ; la loi juive a toujours été dynamique. À mon avis, c’est ce dynamisme qui fait la beauté de la halakha ».