Sept fragments d’une lettre hébraïque, écrite sur des morceaux de poterie brisés, constituent l’inscription découverte par l’archéologue de l’Université hébraïque Joseph Naveh (1928-2011) à Metsad Hashavyiahu en 1960.
Reconstitué avec soin, l’ensemble du document de forme trapézoïdale ne mesure pas plus de 20 centimètres sur 17, soit un peu moins qu’un iPhone, mais il contient une information incroyablement rare : il s’agit du plus ancien exemple documenté de la manière dont les Juifs moyens incorporaient les lois du judaïsme dans leur vie quotidienne, trouvé dans un texte extrabiblique.
Ironiquement, c’est une plainte.
Plus précisément, ce texte en argile vieux de 2600 ans, appelé ostracon, enregistre la plainte d’un ouvrier agricole contre son employeur abusif. Il s’agit du tout premier procès aux prud’hommes intenté par un Juif ordinaire qui invoque l’autorité de la Torah pour soutenir une plainte.
L’ostracon, également connu sous le nom de lettre de Yavneh-Yam parce qu’il a été découvert près du port de l’ancienne Yavneh sur la côte méditerranéenne, a été analysé en profondeur par le professeur Naveh. L’écriture paléo-hébraïque précoce assez précise et d’autres facteurs archéologiques lui ont permis de dater l’ostracon de la fin du VIIe siècle, probablement du règne du roi Josias, pendant la période du Premier Temple. Les fautes de grammaire dans le texte suggèrent que l’écrivain professionnel a transcrit mot pour mot le récit de l’ouvrier, avec toutes ses erreurs, pour le soumettre au gouverneur local.
Que s’est-il passé exactement ?
Nous devons lire entre les lignes pour reconstituer le problème initial. Il semble que l’ouvrier prenait une pause bien méritée dans le champ après avoir terminé son quota de travail d’avant Shabbat. Dans le texte, adapté de la traduction d’Anson F. Rainey (Posen Library of Jewish Culture and Civilization, Vol 1), l’ouvrier des champs se désigne lui-même à l’humble troisième personne comme « serviteur » :
Que le seigneur, le gouverneur, écoute la parole de son serviteur ! Quant à ton serviteur, il faisait la récolte à Hatsar-asam. Et ton serviteur a récolté et terminé et stocké dans le grenier comme toujours avant le sabbat.
Quelques instants plus tard, il fut accosté par Hoshayahu ben Shobay, apparemment un superviseur ou un contremaître de quelque sorte, qui punit le serviteur anonyme pour sa paresse présumée en saisissant son manteau et en le prenant comme garantie pour une durée indéterminée, ou peut-être contre une mesure de la récolte à faire.
Alors que ton serviteur avait mesuré sa récolte et l’avait stockée dans le grenier comme toujours, Hoshayahu fils de Shobay est venu et a pris le manteau de ton serviteur. C’est quand j’ai terminé ma récolte comme toujours, qu’il a pris le manteau de ton serviteur !
L’ouvrier des champs est rempli d’une juste indignation, insistant sur le fait qu’il avait déjà accompli son quota de travail, et que Hoshayahu – dont le nom, 26 siècles plus tard, est retenu comme le premier patron abusif de l’histoire juridique juive mentionné dans un texte hébreu extra-biblique – a imposé une punition sévère et illégale. Bien que l’ouvrier ait déjà terminé son travail et qu’il ait donc droit à un moment de répit, le mauvais patron a pris la mesure draconienne de saisir le manteau de l’ouvrier !
Il ne faut pas oublier qu’au 7e siècle avant Jésus-Christ, les ouvriers pauvres ne possédaient probablement qu’un seul vêtement de rechange, la cape servant à la fois de protection contre les éléments le jour et de couverture la nuit. L’ouvrier est prêt à étayer son affirmation par des témoins :
Et tous mes compagnons témoigneront en ma faveur, ceux qui moissonnent avec moi dans la chaleur du soleil… mes compagnons confirmeront mon témoignage. Je suis innocent de toute culpabilité.
Rendez-moi mon manteau !
Depuis que le professeur Naveh a fait cette remarquable découverte, de nombreux grands spécialistes ont consacré leur énergie à extraire chaque bribe de sens possible de cette plainte brève et fragmentaire. L’observation la plus profonde est peut-être la compréhension implicite de l’ouvrier que l’action disciplinaire du contremaître allait au-delà des règles de conduite acceptables, telles qu’elles sont enseignées dans la Torah elle-même.
Même si l’ouvrier des champs était analphabète, il connaissait apparemment les directives strictes à suivre pour saisir un vêtement, décrites dans le Deutéronome 24:10-13 et ici dans l’Exode 22:25-27 :
Si tu prends en gage le vêtement de ton prochain, tu le lui rendras au coucher du soleil, car c’est sa seule couverture, c’est son vêtement pour sa peau ; où dormira-t-il ? Et s’il crie vers Moi, J’entendrai, car Je suis miséricordieux.
Il est ironique que la plus ancienne preuve d’application de la loi juive, en dehors du texte de la Bible hébraïque, soit un procès contre un mauvais patron. Mais ce que cela révèle de la société juive à l’époque du Premier Temple est fascinant : même un ouvrier agricole pauvre et illettré savait que la Torah prévoyait des protections pour son niveau de vie de base, et il était prêt à faire valoir ses droits auprès du gouverneur lui-même. Et ne craignait pas de le faire.
Le phénomène de la chutzpah juive a des précédents anciens.
© Equipe de rédaction Israel247.org.
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Source : https://aish.com
C’est très réconfortant !
Admirable, l’appel à cette justice qui est au cœur de la civilisation
judéo-chrétienne. Demander justice n’est pas de la chutzpah, aujourd’hui comme jadis c’est pour tous, riches ou pauvres, un droit absolu, de même que rendre justice en toute équité est le devoir suprême de ceux qui ont autorité sur eux.