On se souvient de l’émoi que suscita il y a trois ans l’affaire Khashoggi, ce dissident saoudien, chroniqueur au Washington Post, mort dans des circonstances plus que suspectes lors de sa visite au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul.
Aujourd’hui encore, on ne sait pas tout sur ce qui s’est passé. Plus exactement le grand public est dans l’ignorance. Pourtant l’événement a été enregistré en temps réel par le système d’écoutes installé dans les locaux de cette représentation diplomatique – en violation de la souveraineté saoudienne et des usages – par les autorités turques.
Quoi qu’il en soit, le prince héritier Mohammed Ben Salman, plus connu sous ses initiales MBS, a été immédiatement montré du doigt et jugé responsable de l’assassinat du journaliste. Il n’a pas été question de la responsabilité des autorités turques, coupables à tout le moins de non-assistance à personne en danger.
Populaire et charismatique, le prince, jusqu’alors encensé par les médias pour sa volonté d’ouvrir et de moderniser son pays, a senti un moment le sol vaciller sous ses pieds. Des éditoriaux vengeurs exigeaient son arrestation – où ? comment ? – tout en étant prêts à se contenter de sa destitution.
Seulement l’Arabie saoudite est une monarchie absolue, et son roi ne s’est apparemment pas trop ému du sort d’un journaliste impertinent qui s’était permis de critiquer le régime. Rasséréné, MBS a retrouvé le sourire. Les autres monarchies du Golfe n’ont pas compris ce qu’on reprochait à MBS dont le seul tort à leur avis, avait été de se faire prendre. Alors les grands de ce monde ont pris leurs distances un temps, mais sans plus.
Pour les Etats Unis, Ryad est un partenaire incontournable, d’autant que la société Aramco est la première productrice mondiale de pétrole ; l’Arabie saoudite est un client de choix pour les industries d’armement de l’occident. De fait, la France vient de réussir un coup spectaculaire, en passant avec le royaume une série de contrats à faire pâlir de rage ses rivaux américains.
- 26 Hélicoptères, 149 moteurs d’avions, gestion des services d’eau potable et d’assainissement pour la capitale Ryad et sa périphérie.
- Les sociétés françaises Airbus, Véolia et Safran se partagent l’essentiel ce gâteau estimé à des milliards de dollars.
Bref, une bonne, une très bonne nouvelle pour les finances et pour l’emploi en France, d’autant qu’elle intervient après la signature avec les Emirats Arabes unis d’un accord pour l’acquisitions de 80 avions de combats de type rafale, pour un montant de pour 14 milliards d’euros.
Mais à quel prix, se lamentent les médias de l’hexagone ?
Jugez-en :
Le président français a dû se rendre à Canossa – pardon, à Djeddah, pour rencontrer le prince maudit, qui l’a accueilli pour un déjeuner sans doute fastueux, dans l’un de ses nombreux palais.
Emmanuel Macron a eu beau dire plus tard que tous les sujets avaient été abordés lors de leur conversation, le communiqué commun diffusé plus tard ne mentionne pas les droits de l’homme. Pire, alors que la presse française accuse MBS d’effectuer des bombardements sans discernement sur les milices houthistes au Yémen, ce communiqué condamne « les attaques aux missiles balistiques et aux drones que commettent les milices houthistes » sans évoquer les sanglantes représailles saoudiennes.
Moralité ? Il n’y en a pas au fond…
© Michèle Mazel pour Israël 24 7.org
Michèle Mazel est diplômée de Sciences-Po et licenciée en Droit, et a été boursière Fullbright en science politique. Pendant plus de trente ans, elle a accompagné de par le monde son mari, le diplomate Zvi Mazel, qui fut notamment ambassadeur d’Israël en Egypte, en Roumanie et en Suède. Elle en a tiré la matière de nombreux ouvrages – thrillers et romans. Elle contribue régulièrement à plusieurs organes de presse.