En cette soirée du mardi 3 juin, le journal des quatre grandes chaînes de télévision israéliennes fait le plein d’audience. L’actualité est dominée par les ravages de la guerre qui s’éternise et le refus du Hamas d’accepter la dernière proposition du médiateur.
- Il y a d’abord les funérailles de trois soldats tombés la veille, dont deux infirmiers militaires qui avaient à peine vingt ans. Le porte-parole de l’armée vient expliquer ce qui était arrivé, et au passage, dément, vidéos à l’appui, les accusations de l’organisation terroriste selon lesquelles les soldats auraient tiré sur la foule se pressant pour recevoir l’aide alimentaire.
Sur le plateau de la chaîne Keshet, « la Douze », les commentateurs évoquent le fait que l’information « ne passe pas » et se plaignent de l’inefficacité des services officiels.
- Soudain la diffusion s’interrompt : des missiles viennent de frapper le nord du pays. Une première depuis plus de deux ans.
Les correspondants de la chaîne interviennent par téléphone. Il s’avère rapidement que ce sont des tenants de l’ancien régime en Syrie qui ont tiré. Il n’y a eu ni dégâts ni victimes et l’alerte est levée.
- On passe au sujet suivant : la crise politique. Les pauses publicitaires annoncent un nouvel épisode de « Danser avec les étoiles », l’émission de téléréalité phare de la chaîne qui bat des records d’audience. Elle commence par un pasodoble éblouissant exécuté par un couple vedette et qui est salué par d’excellentes notes.
- Une valse doit suivre mais tout à coup l’application défense passive des smartphones se déclenche : flashes et alerte sonore. Une spécificité israélienne. Nouvel arrêt. Cette fois il s’agit d’un missile lancé par les Houthis du Yémen. Le quarantième en trois mois.
Le hurlement des sirènes se fait entendre du nord de Tel Aviv aux faubourgs de Jérusalem. Heureusement il est encore relativement tôt, même les enfants ne sont pas couchés. Des centaines de milliers d’Israéliens se lèvent à la hâte. Pas plus de deux minutes pour courir se mettre à l’abri.
Les plus chanceux disposent d’un espace sécurisé dans leur appartement ou à l’étage, les autres doivent descendre précipitamment au sous-sol. Les plus prévoyants se sont munis d’une radio pour se tenir au courant. Pour ceux qui se trouvent dans la rue ou en voiture, il faut se coucher au sol et se couvrir la tête. Les uns et les autres doivent attendre dix minutes.
On apprend que le missile a été abattu mais que le risque de débris est encore là. Au bout des dix minutes, l’alerte est levée. Pas de drames, de gros débris sont bien tombés non loin de Jérusalem mais les rues étaient vides.
- Sur la Douze, l’émission reprend et on assiste à une valse entraînante. Il n’y aura pas d’autre incident ce soir-là.
Phénomène curieux, en dépit de la présence de centaines de correspondants étrangers en Israël, on ne trouvera aucune trace de ce missile dans les médias.
La conférence de presse du porte-parole de l’armée et son démenti a été également passée sous silence.
Mais il y en a que ces tirs inquiètent : les compagnies aériennes qui annulent leurs vols vers Israël.
© Michèle Mazel pour Israël 24 7.org
Michèle Mazel est diplômée de Sciences-Po et licenciée en Droit, et a été boursière Fullbright en science politique. Pendant plus de trente ans, elle a accompagné de par le monde son mari, le diplomate Zvi Mazel, qui fut notamment ambassadeur d’Israël en Egypte, en Roumanie et en Suède. Elle en a tiré la matière de nombreux ouvrages – thrillers et romans. Elle contribue régulièrement à plusieurs organes de presse.
