Les jeunes Juifs de la diaspora s’identifiant comme de gauche, sont minoritaires, cependant, ils font face à une terrible crise d’identité. Leurs idéaux juifs de gauche sont maintenant en contradiction avec les idéologies progressistes dominantes parmi leurs camarades d’université. De nombreux étudiants ressentent confusion, frustration et trahison par rapport aux alliés des luttes sociales passées.
Aujourd’hui, les activistes de gauche voient les Juifs comme un groupe privilégié et oppresseur.
De nombreux jeunes Juifs, en Amérique et en Europe, élevés dans une tradition socialiste, se retrouvent aujourd’hui en porte-à-faux. Leurs engagements progressistes sont de plus en plus incompatibles avec le discours dominant dans les milieux militants universitaires, notamment depuis le massacre du 7 octobre 2023.
Dans de nombreuses familles juives laïques, on apprend que le judaïsme implique une exigence morale : tikkoun olam (réparer le monde), défendre les opprimés, lutter contre les discriminations (les familles religieuses ne font pas cette inversion, car elles sont plus près des valeurs juives, et savent que le judaïsme impose d’abord de s’occuper de soi, puis de sa famille, puis de ses proches, de son pays, et en bout de chaîne, du monde). Ces jeunes ont donc grandi dans une culture où soutenir les droits civiques, l’égalité raciale et les luttes LGB allait de soi.
Mais depuis quelques années, et surtout depuis 2023, un fossé grandissant se creuse.
Sur X, j’ai relevé ces témoignages, ils résument bien la tragédie que vivent ces jeunes générations :
- Maya, étudiante à NYU, New York University : « J’étais militante dans un club progressiste antiraciste. Après le 7 octobre, j’ai osé dire que tuer des civils israéliens, ce n’était pas de la résistance. On m’a traitée de colon et de raciste. Depuis, je me sens trahie. »
- Adam, en master à Londres : « Je suis antisioniste depuis longtemps, mais voir mes camarades manifester aux cris d’Intifada jusqu’à la victoire, sans nuance, sans compassion pour les victimes israéliennes, m’a fait prendre conscience que je ne suis plus à ma place. »
- Sarah, militante LGB à Montréal : « On m’a dit que je devais choisir entre ma judéité et mon militantisme queer. Comme si c’était incompatible. Comme si être Juive signifiait soutenir un “État d’apartheid” et donc ne plus mériter ma place dans le mouvement. »
L’antisionisme s’est transformé en antijudaïsme décomplexé
- Le rejet d’Israël dépasse désormais la critique politique pour devenir une essentialisation des Juifs en tant que collectif complice. Cela provoque un malaise profond chez les jeunes qui ne se reconnaissent pas dans la politique israélienne, car ils sont, quel que soit leur refus, réduits à cela.
La vision binaire du monde militant
- Le schéma oppresseur/opprimé est sans nuance, il amène à considérer les Juifs blancs, occidentaux et de milieux bourgeois comme « privilégiés » ou « colonialistes », et les Juifs non européens (Mizrahim, Éthiopiens, etc comme des êtres « invisibles », réveillant les traumatismes historiques familiaux.
La peur de prendre la parole
- Sur les campus, afficher sa judéité, ou exprimer une position nuancée sur Israël et la “Palestine”, est devenu tabou, danger, interdit. Certains étudiants sont exclus de clubs militants, même s’ils se censurent par peur d’être stigmatisés, simplement parce qu’ils sont juifs, donc « suspects ».
Cette crise d’identité n’est pas simplement une affaire idéologique. Elle touche à l’intime, au besoin d’appartenance, de reconnaissance, de sécurité, et à l’inverse, renvoie au sort des juifs dont les progressifs pensaient être très éloignés. Pour ces jeunes, la douleur ne vient pas uniquement des attaques extérieures, mais de la sensation d’avoir perdu leurs alliés naturels. Imaginez : ils sont aujourd’hui victimes du racisme et de la haine et sont opprimés par ceux avec qui ils ont précisément milité contre le racisme, la haine, et l’oppression.
Dans ce contexte, un défi nouveau s’impose à eux : comment défendre les valeurs juives dans un monde de gauche où ils ont perdu leurs droits, comment exister dans les coalitions progressistes traditionnelles qui rejettent leur judaïsme ?
Au bout du compte, la morale de cette histoire est qu’Israël est le sauveteur de tous les juifs, car il n’existe qu’un seul pays au monde pour ces jeunes : Israël, où il est possible d’être de gauche sans voir son judaïsme être rejeté.
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24/7.org
