Après la reconnaissance par Israël du Somaliland, le Qatar a publié un communiqué rejetant la décision israélienne. Le communiqué commence par les mots suivants :
« L’État du Qatar rejette catégoriquement l’annonce de reconnaissance mutuelle entre les autorités d’occupation israélienne et la région du Somaliland. »

En réaction, le ministre israélien de la Diaspora et de la Lutte contre l’antisémitisme Amichai Chikli, que personne n’accuse d’être d’extrême droite (il est membre du parti de centre droit Likoud), a déclaré sur son compte X :
Je rejette catégoriquement la reconnaissance du Qatar en tant qu’État.
Le Qatar n’est pas un État.
C’est une entreprise familiale, un État mafieux dont toutes les soi-disant réalisations sont le résultat d’une corruption et de pots-de-vin méprisables.
Il finance le terrorisme et les effusions de sang et exporte l’endoctrinement islamiste à travers l’Occident.
En général, il faut du cran pour dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Mais quand on est ministre, il faut plus que du cran, il faut un courage politique en acier trempé. Je doute que vous puissiez citer beaucoup de ministres français, présent ou passé, qui ont le dixième de son courage et osent tenir des propos aussi polémiques.
Examinons-les si vous le voulez-bien.
1. « Le Qatar n’est pas un État » / « entreprise familiale » / « État mafieux »
- C’est exagéré, mais ce n’est pas totalement faux.
- Le Qatar est un État souverain et indépendant, mais seulement depuis le 3 septembre 1971 date à laquelle il a mis fin à son statut de protectorat britannique.
- Le qualificatif « entreprise familiale » est exact : c’est une monarchie absolue dirigée par le clan Al Thani depuis le XIXe siècle.
- Le terme « mafia » est hyperbolique pour dénoncer la corruption généralisée, l’achat d’influence (par exemple, via des investissements, du lobbying ou l’organisation de la Coupe du monde) et des activités illicites.
2. « Chaque soi-disant réussite est le résultat de pratiques de corruption et de pots-de-vin. »
- Assez bien étayé par des allégations et des scandales multiples. Le Qatar a fait l’objet d’accusations crédibles de corruption dans des contextes tels que :
- Candidature/organisation de la Coupe du monde de football 2022 (enquêtes en cours sur des allégations de corruption).
- Opérations d’influence et lobbying en Occident (par exemple, les scandales en Europe impliquant des influenceurs ou des assistants rémunérés).
- Qatargate (Scandale de corruption du Parlement européen), qui a éclaté en décembre 2022 et reste actif en 2025.
- Rapports faisant état de l’utilisation de la richesse comme moyen d’exercer une influence douce (par exemple, financement d’universités, de médias comme Al Jazeera ou d’organisations caritatives).
- Accusations de corruption, blanchiment d’argent, et participation à une organisation criminelle pour influencer le Parlement européen en faveur du Qatar (et aussi du Maroc et de la Mauritanie).
- Les allégations de corruption sont souvent minimisées par Doha comme étant motivées par des raisons politiques (par exemple, par des rivaux tels que l’Arabie saoudite/les Émirats arabes unis pendant le blocus de 2017-2021).
3. « Il finance le terrorisme et les effusions de sang »
- Allégations étayées par des preuves solides, avec des confirmations partielles. Le Qatar est depuis longtemps accusé par de multiples sources (États-Unis, Israël, bloc dirigé par l’Arabie saoudite, groupes de réflexion tels que FDD, Counter Extremism Project) de fournir un soutien financier et politique à des groupes désignés comme terroristes par les États-Unis, l’UE, Israël et d’autres :
- Le Hamas : le Qatar accueille les dirigeants du Hamas, a envoyé des centaines de millions de dollars à Gaza.
- Les Frères musulmans (et leurs affiliés) : le Qatar leur apporte un soutien important (refuge financier/politique), notamment à des personnalités telles que Yusuf al-Qaradawi (décédé). Les Frères musulmans sont désignés comme terroristes par l’Égypte, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, l’Etat du Texas et de la Floride ; le Hamas est leur branche arabe.
- Autres groupes : les accusations historiques comprennent une application laxiste de la loi à l’égard des financiers d’Al-Qaïda, des talibans, du Front al-Nosra (Al-Qaïda en Syrie) et d’autres (désignations par le Trésor américain/l’ONU de personnes basées au Qatar).
4. « Exporte l’endoctrinement islamiste à travers l’Occident »
- Soutenu par des allégations substantielles. Le Qatar est accusé de promouvoir l’idéologie islamiste par le biais :
- Du financement de mosquées, d’organisations caritatives et d’institutions en Europe/aux États-Unis liées aux réseaux des Frères musulmans/salafistes (par exemple, rapports de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de la France sur le financement de prêches extrémistes).
- La couverture médiatique d’Al Jazeera (les critiques affirment qu’elle amplifie les opinions des Frères musulmans/du Hamas).
- L’accueil/la promotion de personnalités liées à des interprétations radicales (par exemple, les liens historiques avec les wahhabites/salafistes, bien que l’islam national du Qatar soit influencé par les hanbalites/wahhabites, mais distinct du puritanisme saoudien).
- Les rapports des services de renseignement (par exemple, fuites du BND/BfV allemand, préoccupations américaines) établissent un lien entre le financement qatari/koweïtien/saoudien et l’extrémisme salafiste en Occident.
Ni un Etat, ni une monarchie
Cerise sur le gâteau, le titre de monarchie est sorti de nulle part en 1971, au moment de l’indépendance.
- C’est un processus classique des monarchies du Golfe : un chef tribal plus violent que les autres combat puis soumet les tribus, obtient la reconnaissance d’une grande puissance (ici les Britanniques en 1868), consolide son pouvoir par les opérations sanglantes, le rend héréditaire dans sa lignée.
C’est exactement le même schéma que pour les Al Sabah (Koweït), Al Khalifa (Bahreïn) ou Al Nahyan (Abou Dhabi) : des cheikhs tribaux devenus émirs/monarques grâce à la diplomatie coloniale britannique du XIXe siècle.
En conclusion :
Le message de Chikli est un discours politique incendiaire qui ne manque pas de culot, mais ses propos ne sont pas mensongers. Le Qatar est bien un acteur majeur du Hamas et de l’instabilité régionale. Les allégations de financement du terrorisme et d’exportation de l’islamisme sont largement étayées par les faits. Les termes « pas un État » et « mafia » sont des attaques rhétoriques qui ne cherchent pas à se reposer sur les faits, mais sur la perception du petit pays.
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24/7.org

