Le ministre de la Culture et des Sports Miki Zohar a commenté ce matin dimanche 15 janvier le discours politique de la présidente de la Cour suprême Esther Hayut et a déclaré :
« Ce n’est pas le rôle de Hayut de prononcer tel ou tel discours politique, c’était un pas de trop ».
Ce qu’il dit est exact : la démocratie repose sur la séparation des trois pouvoirs que sont le judiciaire, le législatif et l’exécutif, contrairement aux régimes totalitaires.
Suite au discours de la présidente de la Cour suprême Esther Hayut, le Mouvement pour la gouvernance et la démocratie a déposé une plainte contre elle auprès de la Commission des plaintes des juges et du Commissaire de la fonction publique. La Commission aurait dû d’elle-même déclencher la plainte.
Le mouvement pour la gouvernance et la démocratie a déclaré :
« L’État de droit signifie que la loi s’applique à tous les citoyens du pays de manière égale, sans distinction entre petits et grands. Dans son discours, la présidente Hayut a violé de manière flagrante les règles d’éthique des juges et le règlement de la fonction publique, qui interdisent aux fonctionnaires de s’impliquer dans le domaine politique et de critiquer le travail de la Knesset et du gouvernement. »
La plainte fait suite au discours prononcé par Mme Hayut jeudi dernier, dans lequel elle a ouvertement et durement attaqué le ministre de la Justice Yariv Levin et ses propositions de réforme législative.
J’ai vérifié :
1 Dans la liste des membres du gouvernement, dans la liste des 120 députés de la Knesset, ne figure nulle part le nom de Esther Hayut. Cette femme n’a été élue par personne. Elle ne représente aucun Israélien. Elle n’a reçu aucune délégation pour s’exprimer au nom du peuple israélien. Les Israéliens ne lui ont confié aucune mission exécutive et encore moins législative. Elle a été embauchée comme n’importe quel fonctionnaire pour appliquer les lois votées par la Knesset, et certainement pas pour donner son avis sur les décisions de l’exécutif. A moins qu’elle aspire à la destruction de la démocratie israélienne.
2 la clause 42.321 des dispositions du règlement de la fonction publique (Takshir) énumère les juges, les juges rabbiniques, les membres des tribunaux religieux et tout autre titulaires d’une fonction judiciaire parmi les employés de l’État à qui il est interdit d’organiser une réunion publique à caractère politique, de s’asseoir sur l’estrade d’une telle réunion et d’y prendre la parole. Il leur est également interdit de participer à une manifestation ou à un cortège à caractère politique.
Et puis il y a la clause 42.537 :
- Il est interdit aux employés énumérés au paragraphe 42.321 de critiquer le gouvernement et ses ministères, y compris leurs politiques, lors d’une conférence de presse, d’une interview avec un journaliste, d’un discours dans un lieu public, d’une émission, d’un journal ou d’un livre.
- Il est interdit aux employés énumérés au paragraphe 42.321 de critiquer un gouvernement ayant servi dans le passé ou les politiques antérieures des ministères du gouvernement, lors d’une conférence de presse, d’une interview de presse, d’un discours dans un lieu public, d’une émission, d’un journal ou d’un livre.
- Il est interdit aux employés, quel que soit leur rang, de critiquer, de manière insultante ou blessante, le gouvernement en place à ce moment-là et ses ministères, et/ou tout gouvernement qui était en place dans le passé et/ou les politiques précédentes des ministères.
Conclusion
Hayut, emploie le classique procédé de l’inversion pour lancer ses flèches empoisonnées contre le projet de réforme judiciaire, en reprochant au gouvernement exactement ce qu’elle est en train d’enfreindre.
- Elle viole sans hésitation l’état de droit, pour reprocher au gouvernement « d’attenter à l’état de droit ».
- Elle dénonce une « attaque contre les droits individuels », en niant les droits démocratiques des électeurs, qui ont décidé qu’ils voulaient une réforme de la justice.
- Elle reproche au projet du nouveau ministre de la Justice de « porter un préjudice mortel à l’indépendance et à l’autosuffisance des juges, ainsi qu’à leur capacité à remplir loyalement leurs tâches de fonctionnaires », en portant elle-même préjudice à l’indépendance de l’exécutif, et à sa capacité à remplir loyalement la tâche pour laquelle ils ont été élus.
- Elle considère que la tâche « loyale » des fonctionnaires n’est pas d’obéir aux règles, et se place ainsi au dessus des élus, du gouvernement, de la Knesset et du peuple – raison précise pour laquelle les Israéliens ont dit non et ont réclamé, avec leur bulletin de vote, une réforme de la justice.
Conclusion de la conclusion
Un tel comportement justifie à lui seul le besoin urgent de modifier en profondeur le système judiciaire, et souligne la lucidité des citoyens israéliens qui l’ont réclamé de manière indépendante et indiscutable lors des élections de novembre.
Cette femme mérite d’être licenciée. Si elle ne l’est pas, ce sera précisément parce que le système judiciaire que le gouvernement a pour mission de modifier est corrompu par son mode de fonctionnement non démocratique. Croisons les doigts pour que le gouvernement réussisse sa réforme, et non une version diluée qui n’aurait plus de sens.
Et rappelons que si le juges ne se croyaient pas, ce qui est exécrable, au dessus du peuple, ils apprécieraient le fait qu’au delà du vote, un récent sondage montre que les Israéliens n’ont pas changé d’avis et qu’ils soutiennent massivement les réformes judiciaires du ministre Levin.
Si Hayut pense qu’elle est dans son bon droit en prononçant un discours politique contre le gouvernement, alors il y a urgence à réformer la Cour suprême.
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24 7.org