Faut-il signer ou ne pas signer l’accord avec le Liban ?

Unité flottante de production, de stockage et de déchargement de Karish et Tanin

Signer ou ne pas signer l’accord sur la frontière maritime, et la délimitation de la zone économique exclusive âprement négocié depuis des années, et arraché en toute dernière minute malgré les obstacles ? C’est la question qui agite l’opinion au Liban et à Jérusalem.

Tandis qu’experts et juristes s’entredéchirent sur la question, les politiques s’en mêlent. Au Liban certains plastronnent : « les Israéliens ont accepté toutes nos revendications » tandis que d’autres se lamentent devant cette porte entrouverte à la normalisation avec l’ennemi. En Israël, les dirigeants militaires et le chef du Mossad, comme celui du Shabak, se félicitent de ce qu’ils considèrent comme un succès qui renforce la sécurité du pays ; toutefois en cette période électorale, l’opposition tire à boulets rouges sur l’accord qui se dessine et qui concrétiserait, selon leurs dires, un abandon de souveraineté sur une partie des eaux territoriales nationales et des ressources éventuelles qu’elles contiennent.

Il n’y a pas de relations diplomatiques entre le pays du Cèdre et l’Etat juif dont il se refuse à reconnaitre l’existence et avec lequel il est toujours en état de belligérance.

La « frontière » de facto entre les deux pays est celle des lignes d’armistice de 1949 – marquant la fin de la guerre d’indépendance d’Israël à laquelle le Liban avait participé. Il n’y a pas de contentieux territorial à proprement parlé, ce qui n’a pas empêché une série de confrontations armées avec le mouvement terroriste Hezbollah, qui contrôle le pays grâce à l’assistance de l’Iran, qui lui assure financement, armement et entraine ses militants. Les dirigeants du mouvement multiplient les menaces. Une nouvelle confrontation semble n’être qu’une question de temps.

Seulement, la découverte de vastes réserves de gaz en Méditerranée, et plus précisément à proximité des côtes libanaises et israéliennes, a créé une situation nouvelle. 

Israël exploite déjà le gisement Karish qui est tout entier dans sa zone, et le Liban voudrait explorer le gisement Cana tout proche, qui assurerait à l’économie exsangue du Liban, aujourd’hui en faillite, les revenus dont il a un besoin impératif. Problème, ce gisement empiète sur la zone israélienne.

Les grandes sociétés qui investissent des milliards dans la prospection et l’extraction de ces ressources ont besoin de savoir à qui appartiennent les gisements qui les intéressent, et plus précisément, si cette appartenance fait l’objet d’un consensus entre les pays riverains. 

Mais comment mener des négociations sur ce qui est un différend frontalier entre deux pays qui n’entretiennent pas de relations ?

La solution ? Amos Hochstein, coordinateur des Affaires énergétiques internationales au département d’État américain, a fait la navette entre Beyrouth et Jérusalem. Il n’a pas eu la tâche facile. Le Hezbollah a multiplié les incidents, allant jusqu’à tenter une attaque sur la plateforme Karish qui, si elle avait réussi, aurait entrainé un regain d’hostilités.

En définitive, l’accord actuel entérine l’abandon de 860 km2 de la zone où se trouverait le gisement par Israël, qui recevrait en compensation une partie des revenus éventuels.

Il parait évident que cet accord éloigne la perspective d’un renouveau des hostilités, au cours desquelles les infrastructures offshore des deux pays seraient les premières touchées. Le Hezbollah, qui a donné son consentement, l’aurait-il fait sans l’aval de l’Iran ?    

Surtout, difficile de ne pas voir qu’il s’agit d’une reconnaissance de facto d’Israël par son voisin : le président du Liban et le Premier Ministre israélien apposeront leur signature sur l’accord définitif.

Le jeu en vaut-il la chandelle ? A chacun sa réponse.

© Michèle Mazel pour Israël 24 7.org

Michèle Mazel est diplômée de Sciences-Po et licenciée en Droit, et a été boursière Fullbright en science politique. Pendant plus de trente ans, elle a accompagné de par le monde son mari, le diplomate Zvi Mazel, qui fut notamment ambassadeur d’Israël en Egypte, en Roumanie et en Suède. Elle en a tiré la matière de nombreux ouvrages – thrillers et romans. Elle contribue régulièrement à plusieurs organes de presse.

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