Les sales « coups tordus » contre l’État juif

Manifestations anti-Netanyahou

La situation de crise politique et institutionnelle, inédite, qui prévaut actuellement en Israël interroge beaucoup de citoyens : comment et pourquoi en sommes-nous arrivés à ce stade ?

Les causes et les responsabilités sont multiples.

Il est en effet difficile de prendre toute la mesure des dysfonctionnements, crises et ruptures en cours au moment même où nous les vivons. C’est ce qui active des tensions, des inquiétudes et des interrogations qui sont alimentées par des informations qui commencent à filtrer sur les circonstances troubles qui ont œuvré à la chute du gouvernement de B. Netanyahou, et sur les décisions qui sont prises par l’actuelle coalition laissant entrevoir comment et pourquoi les fondements et l’identité de l’Etat juif sont menacés.

On entend de plus en plus dans la rue, comme on le lit sur les réseaux sociaux, des mots comme «complot», «coup d’Etat», «coup tordu», «putsch», «scandale d’État», pour qualifier le fait que nous serions en présence d’une attaque en règle qui ne dit pas son nom contre la nature des institutions et l’intégrité de l’État en tant qu’État juif.

Il y avait déjà eu des signes avant-coureurs avant les élections : des manifestations à caractère séditieux pendant rue Balfour et ailleurs ; des fausses accusations et des discours trompeurs destinés à berner l’opinion et qui ont commandé à la constitution de l’actuelle coalition gouvernementale ; l’obscure «affaire d’espionnage» de citoyens ; de fortes implications de personnalités haut placées de la police et de la justice, etc. Au point que parmi ceux qui ont confié les yeux fermés leur bulletin de vote aux opposants de Netanyahou se disent aujourd’hui : «tout ça pour ça» ?!

On peut toujours s’enorgueillir qu’Israël ne soit pas l’Afrique, ni l’Asie, ni même un pays arabe où il arrive que ces phénomènes fassent partie des mœurs politiques.

Mais la réalité présente, peu glorieuse pour Israël, confirme l’augure de Ben Gourion selon que l’État juif serait devenu «un pays normal comme les autres».

Que penser de ce qui se passe en Israël ?

Comment opérer une relation de cause à effet entre les différents éléments manifestes dans la situation socio-politique en Israël ?

Comment stimuler une pensée analytique pour comprendre et retrouver une maîtrise de la situation ?

Tenter d’y répondre est un impératif pour minimiser les incidences négatives que cette situation exerce sur le pays, l’engagement civique et sur les relations sociales des citoyens d’Israël.

Israël, chacun le sait, est une terre idéalisée depuis les temps anciens et jusqu’à aujourd’hui, et pour ceux qui font ou envisagent de faire leur alyah pour y refaire leur vie, les bouleversements en cours sont vécus comme une injure.

Pour tenter d’y voir plus clair moi-même, j’ai ressorti un livre de ma bibliothèque que j’avais déjà lu il y a des années. Le livre en question s’intitule «Considérations politiques sur les coups d’État» de Gabriel Naudé (1600-1653) qui était considéré comme le penseur du coup d’État et qui reste une référence. L’ouvrage a été réédité il y a quelques années.

Je souhaite partager de manière très concise quelques éléments de cet ouvrage qui vient faire écho à la situation ici en question, non pour proposer un diagnostic, mais pour éventuellement servir de grille de lecture.

Quelques définitions

L’auteur, Gabriel Naudé, nous dit que c’est «la conspiration des médiocres», une «coalition d’égos ambitieux», sans principe, qui ne peuvent accéder au pouvoir par leurs seuls talents en tentant de donner de l’importance à leur existence en faisant des «coups d’État».

C’est aussi ce qui peut en faire des individus dangereux, car prêts à tout pour parvenir à leurs fins.

L’origine et la genèse du terme «coup d’État» laisse apparaître un calque de l’expression «coup fourré», qui signifie «un coup qu’on porte avec furie», un coup contre l’État et ses citoyens. L’acception généralement admise définit le «coup d’État» comme étant l’abolition ou le renversement d’un pouvoir politique, d’un régime et des institutions en place par toutes sortes de stratagèmes, en faisant fi de la morale, des principes et de l’éthique (démocratique en l’occurrence).

Le «coup d’État» est une machine simple pour être opérationnel. Il ne nécessite que quelques escouades d’individus déterminés, qualifiés et aux ordres, faisant de la conquête d’un État (moderne) une question technique pour : organiser le noyautage des organes d’État, le parlement, les ministères, la police, la justice, l’armée, et les médias (majoritairement de gauche et souvent inféodés dans les sociétés modernes), quelques points stratégiques à contrôler et enfin, cibler et compromettre pour les neutraliser des personnalités pouvant représenter un obstacle à la prise du pouvoir.

À cette définition s’ajoutent les critères du mode opératoire : un «coup d’État» s’opère, par définition, en subvertissant la légalité de manière secrète, par un petit nombre d’individus ligués entre-eux dans un même but qui est la prise du pouvoir pour imposer un projet inavoué.

Cette définition prend en compte trois éléments : le fait (abolition, renversement, modification de la légalité étatique), les modes opératoires (éventuellement violent, au moins symboliquement, contre ses opposants, rapide ou étalé dans le temps selon les nécessités, secret) et les variantes (putsch, révolution).

Il existe des «coups d’État» qui s’étendent dans la durée avant de réussir ou d’échouer, le temps pour l’opposition de se remobiliser.

Un «contrecoup d’État» peut ne pas recourir à la violence directe, mais provoquer, avec tous les moyens licites et légaux à sa disposition, de nouvelles élections démocratiques et transparentes. Dans ce cas, il est dit «pacifiste».

Il est un autre type de «coup d’État» qui peut venir se rajouter et qui ne vise que la survie ou la préservation d’un pouvoir installé frauduleusement, usant de tous les moyens pour cette finalité qui est de tenter de se donner une légitimité après avoir démontré l’ampleur du mépris qu’il a de la légalité. Car ce pouvoir ne vise essentiellement que ses intérêts personnels et celui de ses affidés, et non ceux du pays, quand bien même il invoquerait la défense de l’État et de la démocratie alors que, de manière cynique à la manière de Machiavel, cette dernière a été bafouée sans limite morale aucune, sans respect des institutions, de la culture et des traditions de référence qui sont celles du peuple et de ses valeurs, etc., quel qu’en soit le prix. 

C’est, en somme un vrai «coup politique tordu» qui est porté au nom du bien public, sans se soucier des conséquences et de la justification légale ou morale de l’acte.

Pour opérer un «coup d’État», toutes les branches du vice sont mobilisées : alliances conjoncturelles contre-nature, artifices, intoxication par de fausses accusations, mobilisations de groupes de partisans, rumeurs et mensonges, ruses inouïes, stratagèmes, tours et grands mensonges, tromperies, pièges, etc. Toutes ces actions participent d’un «coup d’État», car seuls le but et le résultat importent, la fin justifie tous les moyens selon Gabriel Naudé.

Afin de fonder leur pouvoir en faisant croire à leurs concitoyens qu’ils seraient missionnés pour sauver le pays et pour mesurer leur efficacité politique, les candidats à la prise du pouvoir nourrissent une représentation méprisante du peuple traité comme la «populace» :

Signalons que G. Naudé assortit ces «coups d’État» d’importantes et indispensables précautions : savoir se prévaloir du «bien public» et du «droit commun» pour, prétendument, assurer l’établissement d’un nouveau régime, prétendre restaurer le crédit de l’Etat ; affaiblir les privilèges dont jouissent certains sujets ou groupes au préjudice du peuple ; ruiner un parti représentant un danger ; réduire une toute-puissance dangereuse du prince par le nombre de ses partisans, ce qui leur est impossible par des voies légales.

Il est encore souligné que s’emparer du pouvoir est une chose, le conserver dès lors que le peuple réalise qu’il a été grugé est une autre affaire. Dans cette dernière catégorie, il différencie trois moments dangereux lors d’une conspiration : avant l’exécution, pendant et surtout après, ce qui ne manque pas de hanter le sommeil des complotistes.

En guise de conclusion

Entendons-nous bien : questionner l’hypothèse d’un «complot» ou autres coups tordus qui constitueraient «une entente secrète entre des politiciens afin de renverser une personne et/ou de s’emparer du pouvoir» n’est pas confondable avec le phénomène complotiste qui constitue une altération de la réalité.

Toute interrogation, légitime, sur la réalité complexe et confuse qui prévaut en Israël n’est pas du «complotisme», ni du «conspirationnisme».

Une accusation qui, si elle était portée, ne servirait qu’à détourner et faire taire la critique.

Il y a encore des biais qu’il faut essayer d’éviter pour une bonne compréhension de la situation comme : surestimer ou sous-estimer les causes intentionnelles des événements actuels, lier des événements qui ne sont pas corrélés entre eux, juger sans avoir les éléments objectifs suffisants, chercher à attribuer au camp adverse la responsabilité totale d’une défaite (électorale) et de ses conséquences, mais plutôt de réfléchir à partir d’indices avérés.

A chacun de se faire son opinion, de prendre ses responsabilités pour agir et réagir en tant que citoyen.

© Schlomo Goren pour Israël 24/7.org. Diplômé en sociologie, en Sciences de l’Education et en psychologie. A exercé de nombreuses années en France comme Intervenant indépendant dans tous les secteurs (éducatifs, prisons, psychiatrie, etc.) sur les problèmes de violence.

Quitter la version mobile