L’interlocuteur de cet article affirme que la corruption endémique, l’absence d’horizon politique et le fossé grandissant entre les dirigeants de l’Autorité Palestinienne et les Palestiniens ont gravement affaibli le leadership du vieux maître de Ramallah.
Des miliciens palestiniens des Brigades des martyrs d’al-Aqsa du Fatah participent à un spectacle militaire alors qu’ils protestent contre l’accord entre Israël et les Émirats arabes unis. 22 août 2020.
Les trois terroristes que les membres du Yamam, unité antiterroriste israélienne -récemment couronnée comme telle -, ont abattu mardi 8 février, à Naplouse : Ibrahim Nabulsi, Adham Mabrouk and Muhammad Dakhil, étaient tous membres des Brigades des Martyrs d’Al Aqsa.
Ce groupe terroriste émanant directement du Fatah a connu son heure de gloire durant la Seconde Intifada et existait sous la première en portant le sigle et les armes des Tanzim. Il continue la «lutte armée», selon la terminologie employée par les tueurs d’enfants et de femmes dans les territoires, tandis que les forces de sécurité liées à l’Autorité de Mahmoud Abbas coopèrent avec Tsahal, dans le cadre des Accords dits de coordination sécuritaire…
D’où l’institution d’un jeu de Poker menteur plutôt compliqué et épineux, où Abu Mazen doit tenter de conserver le leadership, en maintenant des points d’accord de coulisse avec Israël, impliquant des forces de sécurité dans l’identification et les traques, alors qu’il tiendra des discours incendiaires contre l’Etat hébreu pour incarner une «popularité» presque totalement disqualifiée…
Est-ce à laisser entendre que des franges rebelles au sein des Brigades pourraient passer à l’action contre Abbas et éjecter de son poste celui qu’elles considèrent comme le pantin des «Américano-Sionistes» ? Ce seraient vendre la «peau de l’Ours» avant de l’avoir tué.
Mais leur dirigeant absolu, celui qui détient les véritables leviers de commande au sein des «Martyrs d’Al Aqsa», n’est autre que Marwan Barghouti -emprisonné pour l’équivalent de cinq peines de la même durée de cinq vies en Israël -. Ceci explique la perpétuation de ces attentats sur les routes de Judée-Samarie, dont l’un des objectifs serait d’obtenir la libération de prisonniers historiques dont Barghouti, en même temps que démontrer que le fil rouge de la «lutte armée» n’a jamais été abandonné, malgré la ligne officielle de l’Autorité. Celle-ci s’énoncerait comme suit :
- Verser des pensions aux prisonniers sécuritaires en Israël et aux familles des terroristes physiquement éliminés par Tsahal,
- tout en poursuivant la gestion courante avec l’Etat Hébreu, notamment, pour se préserver de tout coup d’Etat du Hamas dans le territoire contrôlé par l’AP, comme cela s’est passé à Gaza en juin 2007.
Les Brigades des martyrs d’al-Aqsa sont un élément essentiel du Fatah, le parti au pouvoir, a déclaré samedi Jamal Tirawi, un haut responsable du Fatah étroitement lié au groupe armé.
«Les membres des Brigades des martyrs d’al-Aqsa sont nés au sein du Fatah et font toujours partie de son entité», a déclaré Tirawi dans une interview au Jerusalem Post.
Ibrahim Nabulsi
L’Autorité palestinienne, dit-il, est profondément affaiblie en raison de la corruption endémique, de l’absence d’horizon politique et du fossé grandissant entre ses dirigeants et les Palestiniens.
Adham Mabrouk
Tsahal a déjà arrêté Tirawi, résident du camp de réfugiés de Balata près de Naplouse, parce qu’il était soupçonné d’avoir dirigé l’un des groupes des Brigades des martyrs d’al-Aqsa et d’être impliqué dans le terrorisme. A cause de cela, il a passé plusieurs années en prison.
Muhammad Dakhil
Balata est réputé depuis longtemps comme foyer de divers groupes armés affiliés au Fatah, en particulier les Brigades des martyrs d’al-Aqsa.
Cela signifie qu’il existe les sigles «officiels», marques de fabrique qui ont acquis leur réputation au cours de conflits armés, comme lors des deux Intifadas historiques et, en arrière-fond, un marécage en zones grises, fait d’alliances provisoires et d’influences diverses et ouvertes, en proximité du Hamas et du Djihad Islamique, ou des Comités Populaires de Résistance. On en glane un aperçu en observant le look des djihadistes récemment éliminés, dont tous les aspects extérieurs sont ceux de l’islamiste pur jus. Si «la lutte armée» (nom de code pour «terrorisme») est le point commun de toutes les factions, il n’en demeure pas moins que le groupe issu du Fatah conserve son ambivalence et évite de prendre fait et cause contre l’AP, comme l’explique le «dissident» Tirawi : ils «défient» l’Autorité, mais n’appellent pas ouvertement à son renversement. Comprenne qui pourra.
Jamal Tirawi
De plus, le camp est connu comme abritant plusieurs responsables mécontents du Fatah qui, comme Tirawi, n’hésitent pas à défier ouvertement les dirigeants depuis plus longtemps à la tête du Fatah et de l’AP.
Tirawi, un membre élu du parlement palestinien, le Conseil législatif palestinien (CLP), s’exprimait quelques jours après que Tsahal a tué trois hommes armés du Fatah responsables de plusieurs fusillades contre des soldats de Tsahal et des civils israéliens dans la région de Naplouse ces dernières semaines.
En 2016, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a publié un décret privant Tirawi de son immunité parlementaire. Cette décision est intervenue après que Tirawi et d’autres responsables du Fatah et des membres du CLP ont publiquement critiqué la direction de l’AP.
L’élimination ciblée des trois hommes armés du Fatah à Naplouse la semaine dernière est considérée par de nombreux Palestiniens comme un sérieux embarras pour Abbas et la direction de l’AP, en particulier à la lumière des critiques croissantes contre la coordination de la sécurité entre les forces de sécurité de l’AP et l’armée israélienne.
La direction de l’AP a entretenu une relation complexe avec les Brigades des martyrs d’al-Aqsa. Alors que les forces de sécurité de l’AP ont, à plusieurs reprises, arrêté ou affronté des membres du groupe, elles se sont abstenues de prendre des mesures drastiques contre les hommes armés du Fatah, comme la confiscation de leurs armes.
«Soyons clairs : ce groupe représente la jeune génération de jeunes rebelles nés après les accords d’Oslo», a déclaré Tirawi, faisant référence aux Brigades des martyrs d’al-Aqsa, qui compteraient des centaines de membres dans la seule région de Naplouse.
Les brigades disposent de M-16 et M-4, dont on peut soupçonner qu’ils ont été détournés des bases de Tsahal, comme récemment, fin janvier 2022, peu de temps avant le grave incident de «tir ami», où la sentinelle d’une deuxième patrouille, devant ratisser un secteur en proie au vol d’armes, a fait feu sur deux officiers de l’unité Egoz des Golani : le major Ofek Aharon et le major Itamar Elharar. Ce trafic arme donc le terrorisme et fait même, par erreur, le «sale boulot» à sa place.
«Ces hommes croient en la culture de la «résistance» et de l’appartenance au Fatah. Ils en ont hérité des générations précédentes. La génération actuelle des membres des Brigades des martyrs d’al-Aqsa n’a pas vécu la première ni la deuxième Intifada, mais ils ont hérité de l’idée de se révolter contre l’occupation [israélienne]. Ce sont les fils du Fatah. Quiconque dit qu’elles sont en dehors du cadre du Fatah et qu’elle a un agenda (voir ci-dessus : libérer Barghouti et d’autres, entretenir la flamme dont Abbas s’est éloigné, tout en ne la condamnant pas), je lui dis que vous vous trompez. Tout le monde sait que ces jeunes hommes appartiennent au Fatah.
Lorsqu’on lui a demandé si le groupe agissait contre l’AP, Tirawi a répondu : «Les Brigades des martyrs d’al-Aqsa n’ont jamais été contre l’Autorité palestinienne ; d’autre part, l’Autorité palestinienne n’est pas responsable du groupe. L’Autorité palestinienne n’est pas un vivier pour le groupe.
On pourrait en déduire qu’elles sont précisément le reflet de la Taqqiya palestinienne, avec une branche officielle «en anglais» pour préserver les bénéfices d’Oslo (échanges commerciaux, main-d’œuvre autorisée, bénéfices en tous genres, dont les fruits de la corruption mise de côté par les proches d’Abu Mazen), tout en traînant Israël devant les tribunaux de l’opinion mondiale et de l’ONU (ou CPI), et une branche officieuse, non seulement en «arabe», mais surtout à l’image des aspirations djihadistes communes à l’islam radical global : la «libération d’Al Aqsa».
Tirawi reprend :
«Les Brigades des martyrs d’al-Aqsa sont une branche du Fatah et n’appartiennent pas à l’Autorité palestinienne. L’Autorité palestinienne est une entité politique et, malheureusement, jusqu’à présent, elle n’a pas reçu le statut d’État. Le Fatah est fier des Brigades des martyrs d’al-Aqsa. Elles font partie de l’entité du Fatah. Elles font partie du cadre organisationnel du Fatah.
Comme de nombreux responsables de l’AP et du Fatah, Tirawi a condamné l’exécution des trois hommes armés à Naplouse, la qualifiant de « crime horrible ».
« Ce crime odieux », a déclaré Tirawi, « a été commis d’une manière inimaginable. C’est un crime de guerre.»
Tirawi reproche à l’AP, prétend-il, de ne pas avoir porté l’incident de Naplouse à l’attention de la communauté internationale.
«Où est le ministère palestinien des Affaires étrangères ? a-t-il demandé. «Où est le ministre palestinien des Affaires étrangères ? Où sont nos ambassadeurs dans le monde ? Chacun des hommes a été touché de 30 à 40 balles. Ceux qui gardent le silence sont complices du crime».
Lorsqu’on lui a demandé s’il partageait les critiques généralisées contre l’Autorité palestinienne à la suite des éliminations, Tirawi a pris soin de ne pas s’en prendre aux dirigeants basés à Ramallah.
Il a mentionné, cependant, que lui et d’autres Palestiniens s’attendent à ce que les forces de sécurité de l’Autorité Palestinienne « protègent les combattants [du Fatah] dans les zones qui sont sous le contrôle de l’Autorité Palestinienne« .
« Personne ne peut dire avec certitude que les «meurtres» étaient le résultat de la coordination de la sécurité », a ajouté Tirawi, faisant référence à ce type d’allégations populaires. «Mais lorsque nos gens parlent de la nécessité de mettre fin à la coordination de la sécurité, ils font également référence à l’aspect politique et aux implications de cette coordination. De toute façon, les Israéliens n’ont pas besoin de permission et n’ont pas besoin de se coordonner avec qui que ce soit. Malheureusement, nous sommes arrivés à une situation où les Israéliens contrôlent la mer, le ciel et la terre. Ils contrôlent les villes. Nous n’avons pas d’État palestinien. Nous n’avons pas d’autorité. La seule autorité que nous ayons n’est que l’un sur l’autre (hiérarchie interne au Fatah).
Tirawi a néanmoins critiqué la récente réunion du Conseil central palestinien (PCC), un organe décisionnel clé de l’OLP. Comme de nombreux critiques, Tirawi a déclaré qu’il pensait que l’objectif principal de la réunion était d’approuver la nomination d’un certain nombre de fidèles d’Abbas à des postes avantageux au sein de la direction palestinienne.
« Les rendez-vous étaient fixés à l’avance et étaient connus de tous », a-t-il déclaré. «C’est pourquoi le conseil a été convoqué, à savoir pour décider qui entrerait au Comité exécutif de l’OLP et qui deviendrait le président du Conseil national palestinien (l’organe législatif de l’OLP).
Les nominations n’ont pas tenu compte de l’intérêt général du peuple palestinien. Il n’y avait pas de mécanisme de prise de décision. C’était une réunion pour distribuer des emplois à un groupe de personnes triées sur le volet. Je suis triste que nous ayons atteint ce stade de népotisme.
Tirawi a également rejeté comme non pertinentes les décisions prises par le PCC, en particulier, en regard de la suspension de la reconnaissance d’Israël par l’OLP et l’exigence consistant à mettre un terme à la coordination sécuritaire avec Israël.
«Les décisions annoncées la semaine dernière sont une copie des décisions précédentes prises par le conseil en 2018», a noté le haut responsable du Fatah. «Je le sais parce que j’ai assisté à la réunion précédente. Ce sont les mêmes décisions, et elles resteront au stade de l’encre sur papier.
Tirawi a dit qu’il était gêné par le fait que la direction de l’AP avait dépensé 2,5 millions de dollars pour la session du PCC de la semaine dernière. «Si cela ne tenait qu’à moi, je n’aurais pas convoqué cette réunion. Ils ont dépensé 2,5 millions de dollars pour la réunion juste pour approuver certaines nominations. Quel gaspillage d’argent; C’est une grosse somme. Je pense qu’il aurait été préférable qu’ils distribuent l’argent à notre peuple, aux résidents des camps de réfugiés, aux familles des martyrs, aux familles des prisonniers. Cela aurait été plus bénéfique pour notre peuple au lieu de mettre tout cet argent dans une pièce de théâtre.
Lorsqu’on lui a demandé s’il partageait l’opinion selon laquelle l’Autorité Palestinienne était affaiblie, Tirawi a déclaré :
«La vérité est que la performance de l’Autorité palestinienne sur le terrain, l’absence d’horizon politique visant à conduire vers la fin de l’occupation [israélienne], la grande fracture entre le peuple et la direction [de l’AP] à la lumière des conditions internes difficiles, de la corruption, de l’absence d’un système judiciaire indépendant, de l’absence de maintien de l’ordre et d’un parlement fonctionnel, l’ont considérablement affaiblie. Oui, l’Autorité palestinienne est très, très, faible. »
© Marc Brzustowski pour Israël 24/7
Source : A partir d’une interview de Khaled Abu Toameh dans le Jérusalem Post du 12 février 2022.