C’est le clash : la conseillère juridique accuse Netanyahou d’être dans « l’illégalité », et exige qu’il se taise sur le sujet qui déchire la Nation qu’il dirige

Benjamin Netanyahou

Jeudi soir, le Premier ministre Netanyahou a fait une déclaration à la nation concernant la réforme judiciaire. Mais il y a quelques jours, la conseillère judiciaire Gali Baharav-Miara le lui avait interdit, au prétexte qu’étant accusé de corruption, toute intervention de sa part dans la réforme judiciaire le placerait en position de conflit d’intérêts, car il pourrait avoir un intérêt à faire avancer une réforme qui le libérerait des menaces judiciaires qui pèsent sur lui.

Jusque là, le Premier ministre s’était conformé aux interdictions de la conseillère juridique, sans pour autant s’empêcher de se moquer publiquement de cet incroyable pouvoir anti-démocratique, unique en son genre dans les pays occidentaux, que la Cour suprême, dont la conseillère est issue, s’est octroyé sur les élus de la nation : le droit de censurer, d’interdire à un Premier ministre, de parler librement de la marche du pays qu’il dirige.

Pourquoi Netanyahou a décidé de rompre le silence qui lui était imposé ?

Le vote par la Knesset, jeudi 23 mars, en seconde et troisième lecture, d’une loi qui interdit à la Cour suprême de destituer un Premier ministre, a libéré Netanyahou du risque d’un impeachment (entre nous, il était temps, et cela montre qu’une réforme était urgente : c’est scandaleux, du point de vue de la démocratie, que des juges non élus, choisis par un groupe de 9 personnes elles-mêmes non élues, se soient octroyé le droit de démettre un Premier ministre, qui lui a été élu par le peuple).

Netanyahou a déclaré être libéré par le vote de la Knesset, mais la Haute cour n’a pas dit son dernier mot : elle ne reconnaît pas les lois votées, c’est même là tout le problème. Et la notion de conflit d’intérêts qu’elle impose au Premier ministre, elle ne se considère pas liée par elle. Elle est au-dessus des lois, au-dessus des principes démocratiques, et donc au-dessus des conflits d’intérêts, qui sont juste bons pour le menu fretin c’est-à-dire les 120 membres de la Knesset, y compris le Premier ministre. Parce qu’ils se conduisent en dictateurs, les juges de la Haute cour se sont accordé le droit d’être en conflit d’intérêts – prendre des décisions et rejeter les lois qui les affectent directement.

Aussi, ce matin, la conseillère juridique a informé le Premier ministre Netanyahou dans une lettre que « votre déclaration d’hier soir constituait un conflit d’intérêts illégal et violait une décision de la Cour suprême. »

Le vrai combat judiciaire commence

Ce que vous voyez dans les rues depuis 3 mois, c’est du bruit et du désordre ; des gens manipulés et des gens sincères ; des Israéliens inquiets et des professionnels de l’agit-prop ; une extrême minorité qui a lu le projet de réforme judiciaire, et une écrasante majorité qui ne sait pas ce qu’il contient et s’en fiche : ils sont là pour faire tomber le gouvernement contre qui ils ont voté.

La rue agitée est là pour une seconde chance : ils ont perdu le pouvoir lors des élections démocratiques, ils espèrent le reprendre dans la rue. Par le procédé de l’inversion, ils appellent ça démocratie.

Qui a intérêt à tout ce remue-ménage ?

A qui profite le crime ? Bien évidemment, à Yair Lapid et personne d’autre. La rue veut faire tomber le gouvernement. Si Netanyahou tombe, Lapid a une chance à saisir. Des élections auront lieu, il espère les gagner, et reprendre le poste de Premier ministre auquel il a goûté pendant si peu de temps, avec sa coalition qui allait des extrémistes de gauche aux islamistes en passant par lui.

Que va faire la Cour suprême ?

La Haute cour n’a pas pour principe qu’on lui désobéisse mais qu’on se soumette. Va-t-elle ordonner à la police d’arrêter le Premier ministre parce qu’il a « violé » ses ordres ? C’est peu probable, cela déclencherait des émeutes dans tout le pays, et je doute que cela tourne au bénéfice des opposants.

La Haute cour pourrait prendre un ordre de destitution du Premier ministre, et ce dans un scénario machiavélique destiné à soutenir les foules de manifestants.

Si la Haute cour prend ce genre de décision, elle enverra un message clair aux manifestants, qui réclameront la tête du Premier ministre. La Haute cour aura offert sur un plateau un nouveau souffle, un nouveau slogan, pour leurs prochaines manifestations : « nous n’obéirons pas à un Premier ministre illégitime. »

C’est peut-être là que le gouvernement va s’apercevoir que la Haute cour est un agent perturbateur, mais qui seule n’a pas d’ailes, et que si elle outrepasse les prérogatives habituelles des Cours suprêmes des pays démocratiques, il est peut-être plus sain d’ignorer ses décisions et d’affronter une crise constitutionnelle…

Nous sommes, chers lecteurs, à une croisée des chemins

La condamnation du Premier ministre et la demande qu’il se récuse immédiatement de toute discussion sur la réforme judiciaire montre clairement que la Haute cour ne se sent pas liée par le vote de ce jeudi de la Knesset qui lui interdit de destituer un Premier ministre, qu’elle ne se sent pas liée par les lois votées démocratiquement, qu’elle se considère au-dessus des lois, au-dessus des députés, au-dessus du peuple.

Un bras de fer va se dérouler sous nos yeux.

Il est peu probable que la Haute Cour, qui a l’habitude d’être obéie à la lettre, qui ordonne la marche du pays depuis une trentaine d’années, dont la présidente et les membres sont imbus d’une arrogance qui n’a d’égal que le pouvoir qu’ils se sont arrogés, qui dirigent le pays sans partage et sans concessions lorsque le gouvernement prend des décisions qui ne correspondent pas avec l’agenda de la gauche israélienne, qui ordonne sans tolérance, il est peu probable qu’elle accepte de se coucher.

Mais le Premier ministre, qui n’a pas la réputation d’affronter les problèmes de manière frontale et brutale, vient pourtant de déclencher les hostilités.

Tentera-t-il de calmer le jeu dans ses commentaires, ou va-t-il s’adosser aux éléments durs et intraitables de son gouvernement, comme ce fut le cas hier soir, lorsqu’il a obtenu du ministre Galant qu’il annule son projet d’appel à annuler la réforme judiciaire ?

Ses manœuvres politiques suffiront-elles à calmer les foudres des tyrans de la Haute cour ?

© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24 7.org

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