B’nai Brith demande l’annulation du spectacle du rappeur néo-nazi français Freeze Corleone

Le concert montréalais du rappeur français Freeze Corleone, dont certains textes sont jugés ouvertement antisémites, doit être annulé, soutient B’nai Brith Canada.

L’organisation de défense des droits de la communauté juive entend «  aviser les autorités  » pour qu’elles vérifient si la performance prévue le 4 décembre à l’Olympia de Montréal incite publiquement à la haine ou fomente volontairement de l’antisémitisme, deux infractions criminelles.

« Nous appelons le théâtre Olympia à faire ce qu’il faut et à annuler le spectacle de Corleone », écrit Marvin Rotrand, directeur de la Ligue des droits de la personne au sein de la plus vieille organisation juive du pays, dans une lettre transmise aux responsables de la salle et obtenue par La Presse. « La décision de l’accueillir normalise l’antisémitisme et donne un podium à la haine », déplore-t-il.

B’nai Brith souligne avoir été « alertée par des membres de la communauté juive de Montréal » sur la venue de Freeze Corleone, « ouvertement antisémite et haineux ». Le propriétaire de la salle privée, Patrick Levy, lui-même de confession juive, n’avait pas répondu à leur demande d’entrevue au moment de publier.

C’est en 2020, face au succès de l’album LMF – pour La menace fantôme –, que les rimes du populaire rappeur ont provoqué un tollé médiatique dans l’Hexagone. En première ligne : la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), qui a publié une compilation d’extraits de vidéoclips laissant peu de place à l’imagination.

Entre autres références juives ou nazies :

C’était suffisant pour que Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur français, demande au gouvernement de saisir la justice pour « provocation à la haine raciale » et « injure à caractère raciste ». « Apologie du nazisme et antisémitisme… Ces propos sont inqualifiables », a-t-il écrit sur Twitter.

Pourtant, l’affaire a été classée sans suite l’an dernier.

Il n’en demeure pas moins que Freeze Corleone a perdu, dans la foulée, la majorité des dates de sa tournée 2020-2021 et une lucrative collaboration avec le géant Universal Music. Aussi boudé par les radios, LMF a tout de même été certifié disque platine, donc vendu à plus de 100 000 exemplaires en France – il n’est pas très difficile de trouver 100 000 antisémites en France où l’extrême gauche et les communistes représentent, avec une partie de l’extrême droite et une majorité de musulmans, le réservoir de l’antisémitisme actuel, comme l’a montré un sondage qui a fait grincer des dents Mélenchon à l’époque.

Le chanteur de 30 ans, qui affiche par ailleurs son allégeance aux théories du complot, a accumulé plus de 200 millions d’écoutes en continu.

Depuis la controverse de 2020 en Europe, Freeze Corleone s’est fait rare sur scène, mais il a participé l’été dernier à des festivals en France, en Suisse et en Belgique. Voilà qu’il prépare ses valises pour le Canada.

Selon M. Rotrand, les « remarques haineuses » de Freeze Corleone n’ont rien à voir avec la liberté d’expression. Sur ce point, hélas, il se trompe totalement et ne comprend pas que la liberté d’expression est précisément destinée à protéger les propos les plus scandaleux, avec une limite : qu’ils n’appellent pas directement à tuer où à agresser physiquement une personne ou un groupe de personnes.

« L’Olympia se cache derrière le fait qu’il n’y a pas encore de condamnation pénale contre ce rappeur pour discours haineux pour prétendre qu’il n’a pas la responsabilité d’annuler sa présentation », regrette celui qui croit que le rappeur pourrait néanmoins contrevenir à la loi canadienne, « plus sévère en la matière ».

Selon le Code criminel, il est notamment interdit de nier ou de minimiser l’Holocauste « autrement que dans une conversation privée ».

En entrevue avec La Presse, M. Rotrand, ancien conseiller municipal de Montréal, explique que B’nai Brith se prépare ainsi à porter plainte à la police. « Ses paroles nient et déforment l’Holocauste », dit-il.

Dans un email, il indique qu’il va « suivre la situation ».

« Notre gouvernement dénonce tout propos antisémite et toute provocation à la haine n’a pas sa place dans notre société », écrit le ministère de la Lutte contre le racisme.

Un message « plus poignant »

Plutôt que de demander l’annulation du concert à Montréal, Eta Yudin, vice-présidente québécoise du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, s’en remet au jugement de ses compatriotes.

« J’ai confiance en eux, dit-elle. J’espère vivement que les Québécois ne vont pas appuyer [le rappeur] avec beaucoup de chaleur, ne vont pas lui accorder beaucoup d’importance. Ce serait un message beaucoup plus poignant. »

Mme Yudin, tout comme B’nai Brith, croit que Corleone risque de contrevenir au Code criminel si le «  discours  » qu’il livre durant son concert à Montréal n’a pas changé depuis la polémique de LMF.

Elle invite par ailleurs l’Olympia à remettre les recettes du spectacle à des causes qui soutiennent l’éducation et luttent contre l’ignorance envers le peuple juif, comme le Musée de l’Holocauste de Montréal.

« J’ai énormément de respect pour l’expression et la créativité artistiques, mais là, on va au-delà de ça. Reste à voir s’il va vraiment venir au Québec, » ajoute Yudin.

Pour ma part, ma position est bien connue : je suis un partisan de la liberté d’expression et non de la censure, et je crois qu’elle est le meilleur moyen pour faire reculer la haine des juifs. Débattre pour exposer la haine de son message, détailler le côté honteux et mensonger des propos, discuter publiquement de la laideur des idées, montrer à quel point l’artiste a une âme laide, moche et pourrie, et établir un parallèle avec la façon dont ce genre de propos a découlé, a rendu acceptable, l’extermination de 6 millions de juifs, est pour moi bien plus efficace que la censure.

© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24 7.org

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