Le Jerusalem Post est un média anti-Trump de la première heure. Il affirme avoir obtenu une lettre de l’ancien président américain Donald Trump, en exclusivité, ce qui ne permet pas de vérifier si c’est vrai, et si la lettre existe (elle n’est pas reproduite dans l’article). Si elle existe donc, elle contredit les propos tenus par son gendre, Jared Kushner, dans son livre à paraître ces jours-ci, Breaking History: A White House Memoir. Si la lettre existe et qu’elle est authentique, elle dit que Trump a autorisé le Premier ministre de l’époque, Benjamin Netanyahou, à annexer des parties de la Judée Samarie. En fait, l’article coupe les cheveux en quatre, et ressemble à une sorte de jeu de ping-pong politique et de guerre d’égo.
Je reproduis ci-dessous l’article du Jerusalem Post.
Dans une lettre de trois pages datée du 26 janvier 2020, deux jours avant que Trump ne présente sa Vision pour la paix à la Maison-Blanche, le président a résumé certains de ses détails :
• Israël serait en mesure d’étendre sa souveraineté à certaines parties de la Judée Samarie, comme délimité dans la carte incluse dans le plan
• A condition que Netanyahou accepte un État palestinien dans le territoire restant sur la carte.Dans la lettre, Trump demande à Netanyahou d’adopter « les politiques décrites dans… la Vision [de paix] concernant les territoires de Judée Samarie identifiés comme devant faire partie d’un futur État palestinien. »
« En échange de la mise en œuvre de ces politiques par Israël, et de l’adoption formelle de plans territoriaux détaillés qui ne sont pas incompatibles avec la carte conceptuelle jointe à ma Vision – les États-Unis reconnaîtront la souveraineté israélienne dans les zones de la Judée Samarie que ma vision envisage comme faisant partie d’Israël. »
La lettre ne fixe pas de date pour la reconnaissance de cette souveraineté.
Netanyahou aurait répondu qu’Israël ferait avancer les plans de souveraineté « dans les prochains jours », selon son porte-parole.
La lettre remet en question le récit présenté dans Breaking History: A White House Memoir, le nouveau livre du gendre et ancien conseiller principal de Trump, Jared Kushner. Dans son livre, dont Israel247.org a publié plusieurs extraits, Kushner affirme que l’ancien ambassadeur américain en Israël, David Friedman, a agi dans son dos et dans celui du président Trump et « a assuré à Bibi qu’il obtiendrait de la Maison-Blanche un soutien plus immédiat à l’annexion. »
Autrement dit, la lettre affirme que Trump promet une partie de la Judée Samarie à Netanyahou, et Kushner dit que Trump n’a rien promis, et que l’ambassadeur a fait cette promesse dans son dos, et dans celui du président Trump.
Le représentant spécial de Trump pour les négociations internationales, Jason Greenblatt, a déclaré que pendant son séjour à la Maison Blanche,
« il a toujours compris de l’ancien Premier ministre Netanyahou que la reconnaissance américaine de l’extension de la souveraineté d’Israël sur les zones destinées à faire partie d’Israël envisagées par le plan de paix publié par le président Trump était nécessaire pour que Netanyahou accepte notre proposition de plan de paix.
David Friedman a participé à la plupart, voire à la totalité, de ces discussions et je pense qu’il l’a également bien compris. Je ne travaillais plus à la Maison Blanche au moment où le plan de paix a été publié, donc je ne sais pas ce qui a pu changer ; mais étant donné la position du Premier ministre Netanyahou sur la question tout au long de nos discussions, je ne suis pas surpris que Netanyahou ait cru que cette condition restait en place. »
Une source de l’administration Trump étroitement impliquée dans la lettre du président a déclaré que « c’était un élément clé de l’acceptation par Israël de la Vision pour la paix comme cadre de négociations [avec les Arabes] que l’Amérique accepte la souveraineté d’emblée, conformément au processus de cartographie et au plan, et que toutes les communautés juives de Judée et Samarie et de la vallée du Jourdain soient incluses ».
« Il était très clair que c’était un élément essentiel », a déclaré la source.
Les discours des dirigeants dans la salle Est de la Maison-Blanche le 28 janvier 2020 démentent également la version des faits de Kushner.
Trump a déclaré dans son discours – que Kushner dit avoir lu et revu avec le président avant de le prononcer – « Les États-Unis reconnaîtront la souveraineté israélienne sur le territoire que ma vision prévoit de faire partie de l’État d’Israël. C’est très important. »
Trump a déclaré qu’Israël et les États-Unis travailleraient ensemble « pour convertir la carte conceptuelle en un rendu plus détaillé et calibré afin que la reconnaissance puisse être immédiatement réalisée. »
« Nous travaillerons également à la création d’un territoire contigu au sein du futur État palestinien pour le moment où les conditions pour la création d’un État seront remplies, y compris le rejet ferme du terrorisme », a déclaré Trump.
Netanyahou, pour sa part, a publiquement accepté un État palestinien dans les conditions fixées par le plan de Trump.
« Vous reconnaissez la souveraineté d’Israël sur toutes les communautés juives de Judée et de Samarie, qu’elles soient grandes ou petites », a-t-il déclaré. « Monsieur le Président, en raison de cette reconnaissance historique, et parce que je crois que votre plan de paix trouve le bon équilibre là où d’autres plans ont échoué, j’ai accepté de négocier la paix avec les Arabes sur la base de votre plan de paix ».
« Israël veut que les Arabes… aient un avenir de dignité nationale, de prospérité et d’espoir. Votre plan de paix offre aux Arabes un tel avenir. Votre plan de paix offre aux Arabes un chemin vers un futur État », a déclaré M. Netanyahou.
Le Premier ministre a également déclaré qu’il « se réjouit de travailler avec vous pour parvenir à une paix qui protégera la sécurité d’Israël, offrira aux Palestiniens la dignité et leur propre vie nationale, et améliorera les relations d’Israël avec le monde arabe ».
Immédiatement après ces discours, Netanyahou a déclaré qu’il soumettrait l’extension de la souveraineté israélienne sur certaines parties de la Judée Samarie à un vote du cabinet la semaine suivante. David Friedman, alors ambassadeur en Israël, a déclaré aux médias qu’Israël pourrait commencer à travailler à l’annexion dès qu’il aurait terminé son processus interne. Ce sont ces déclarations qui, selon Kushner, ont été une surprise, bien qu’aucune ne soit incompatible avec la lettre ou le discours de Trump.
Dans le livre de Friedman, Sledgehammer, publié plus tôt cette année, l’ambassadeur a écrit que l’administration Trump ne savait pas que Netanyahou avait déjà tracé la vallée du Jourdain pour l’annexion. Le porte-parole de Netanyahou, cependant, a déclaré que la lettre du Premier ministre à Trump avant l’événement à la Maison Blanche précisait qu’il irait de l’avant dans quelques jours.
La source de l’administration Trump impliquée dans la lettre a déclaré que le différend portait uniquement sur la question de savoir si les mouvements de souveraineté pouvaient être effectués en quelques jours ou semaines. Kushner lui-même a déclaré aux journalistes à l’ONU quelques jours après la présentation du plan que les équipes de cartographie prendront « quelques mois » avant que l’annexion n’avance.
Kushner a également affirmé à plusieurs reprises dans son livre qu’il « s’est battu pour convaincre Bibi, un maître négociateur, d’accepter un compromis qui apporterait des améliorations tangibles à la vie des Arabes. » En revanche, Netanyahou a concédé qu’un État palestinien serait créé dans son discours ; en outre, Friedman a déclaré que Netanyahou a accepté de ne pas autoriser la construction israélienne dans les zones réservées aux Arabes dans la carte du plan, aucun des deux n’étant mentionné par Kushner dans le livre.
Selon une source de l’administration Trump, M. Kushner a tenté de ralentir M. Netanyahou après avoir mesuré la réaction des alliés des États-Unis au Moyen-Orient, en particulier dans le Golfe, qui ont exprimé leur enthousiasme à l’égard du plan général mais pas de l’élément d’annexion.
M. Greenblatt a déclaré que, malgré les différends concernant la Vision pour la paix, « je pense que l’accomplissement historique des Accords d’Abraham est ce sur quoi il est le plus important de se concentrer, ainsi que la publication d’un plan de paix réaliste, applicable entre Israéliens et Arabes et basé sur la vérité. »
Le jour de l’annonce du plan de paix a été chargé et difficile pour l’administration Trump, ce qui peut avoir contribué au malentendu. Le Dow Jones a chuté de 450 points à cause des restrictions dues au coronavirus en dehors des États-Unis. Puis, comme l’a rapporté le journaliste Bob Woodward, l’ancien conseiller à la sécurité nationale Robert O’Brien a dit à Trump que la pandémie serait « la plus grande menace pour la sécurité nationale à laquelle vous serez confronté au cours de votre présidence. »
Au même moment, le Sénat était en pleine procédure de destitution du président, et le manuscrit du livre de l’ancien conseiller à la sécurité nationale John Bolton, The Room Where It Happened, a été divulgué avec des détails pertinents.
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24 7.org