Le vice‑ministre arménien des Affaires étrangères Vahan Kostanyan s’est rendu en Israël la semaine dernière pour une série de rencontres visant à étudier l’ouverture d’un nouveau chapitre dans les relations entre les deux pays. L’une des principales initiatives à l’étude est le projet TRIPP (pour « Trump Route for International Peace and Prosperity« ), une version américaine remaniée d’un corridor de transport de Zangezur promu ces dernières années par le président d’Azerbaïdjan, destiné à relier des pays d’Asie centrale à l’Europe via l’Azerbaïdjan et l’Arménie.
Un diplomate a exposé les points de tension entourant la tentative d’améliorer les relations entre Israël et l’Arménie.
« Le président Trump a apporté un soutien diplomatique au projet l’an dernier, et Israël y voit une opportunité d’explorer la coopération régionale, ainsi qu’un rapprochement mesuré avec Erevan, qui entretient des liens stratégiques avec l’Iran. »
Selon la source, s’il existe une volonté de promouvoir des projets conjoints, mais plusieurs enjeux clés continuent d’affecter les relations.
« Ces dernières années, on a signalé des actes de vandalisme contre le centre juif et la synagogue d’Erevan, notamment des tentatives d’incendie et des graffitis haineux. »
Des membres de la communauté juive d’Arménie ont indiqué que certains auteurs ont présenté leurs actes comme des protestations contre les ventes d’armes israéliennes à l’Azerbaïdjan. Cependant, une enquête de l’Anti‑Defamation League relève un taux élevé d’opinions antisémites parmi les adultes arméniens. Les représentants locaux insistent néanmoins sur le fait que la vie religieuse juive en Arménie se déroule librement et que les autorités n’adoptent pas de politique hostile.
Un autre enjeu sensible, selon la source, est le litige au sujet d’un terrain dans le Quartier arménien de la vieille ville de Jérusalem.
« Il y a quelques années, le Patriarcat arménien a signé un bail avec un entrepreneur israélien pour construire un hôtel, mais en septembre dernier il a annoncé l’annulation complète de l’accord. »
Le conflit a dégénéré en confrontation publique comprenant des manifestations, des messages virulents sur les réseaux sociaux et des actions d’organisations liées à la diaspora arménienne. Certaines campagnes ont employé des termes tels que « nettoyage ethnique » pour décrire le différend foncier — expressions qu’Israël rejette totalement, présentant l’affaire comme un conflit civil entre l’Église et une société privée, sans implication gouvernementale. Cependant l’attention publique rend cette question particulièrement sensible dans les relations bilatérales.
Sur le plan régional, les relations d’Erevan avec l’Iran restent un facteur central dans ses rapports avec Jérusalem. En raison de son isolement géographique, Erevan coopère régulièrement avec Téhéran dans les domaines de l’énergie, de la logistique et du commerce. L’accord « gaz contre électricité » est en vigueur depuis des années et prolongé jusqu’en 2030 ; le volume des échanges bilatéraux atteint environ 700 millions de dollars par an, l’Arménie visant à dépasser les 3 milliards.
Des rapports occidentaux, dont des publications de l’OFAC du Trésor américain, indiquent que l’Iran utilise l’Arménie comme corridor pour transférer marchandises et équipements afin de contourner les sanctions, bien que le gouvernement arménien nie l’existence d’un accord d’armement. La sensibilité liée à la relation avec Téhéran demeure un élément majeur des difficultés dans les relations israélo‑arméniennes.
Parallèlement, le lobby arménien aux États‑Unis, qui influence la politique étrangère américaine depuis des décennies, a récemment critiqué la coopération sécuritaire entre Israël et l’Azerbaïdjan. Dans plusieurs articles publiés par des médias liés au lobby, certains ont demandé que chaque dollar d’aide américaine à Israël soit conditionné à l’arrêt vérifiable des ventes d’armes à Bakou. En Israël et en Azerbaïdjan, ces demandes sont perçues comme une tentative de saper la relation stratégique entre les deux pays, fondée notamment sur la confrontation commune à la menace iranienne.
Au milieu de tout ça, la visite actuelle de Kostanyan à Jérusalem est scrutée à la loupe par les analystes.
Israël souhaite voir s’il peut lancer des projets économiques et régionaux plus larges mais comprend que tout progrès exigera d’aborder des sujets sensibles :
- la sécurité de la communauté juive en Arménie,
- le litige au Quartier arménien de Jérusalem,
- les relations d’Erevan avec l’Iran et
- la manière dont Israël est présenté sur la scène internationale.
« Si les deux parties parviennent à réduire certaines tensions et à créer une base pour un dialogue permanent, la visite pourrait marquer le début d’un changement dans les relations. Sinon, elle restera peut‑être une étape importante qui n’aura pas surmonté des conflits profondément enracinés accumulés au fil des ans. »
Pour l’heure, aucune décision concrète n’est sortie de la visite du vice-ministre arménien des Affaires étrangères en Israël les 26 et 27 novembre 2025.

