L’enquête de Direct Polls publiée vendredi, après huit semaines de manifestations, deux jours de colère du président, les menaces de l’Allemagne et le chantage de l’opposition, donne un aperçu de ce qui se passe réellement dans le camp de ceux qui protestent contre la réforme. A supposer qu’ils protestent contre la réforme, car des doutes planent sur le fait qu’il pourrait bien s’agir d’un prétexte pour exprimer leur rejet de Benjamin Netanyahou et tenter de le déboulonner de son poste.
L’enquête révèle deux chiffres intéressants dans le camp opposé au gouvernement, deux chiffres dont les médias ne se vanteront pas.
- Le premier, c’est le pourcentage de ceux qui sont favorables au changement dans le système judiciaire promu par la coalition – vu le ramdam que font les manifestants et la chambre d’écho que leur donnent les médias, on pourrait s’attendre à ce que chiffre soit proche de zéro. Il n’en est rien. De plus, le pourcentage a augmenté de façon spectaculaire ces derniers jours.
- Le second concerne la génération des 30-44 ans, et il révèle qu’ils sont bien moins intéressés à participer aux protestations ou de sympathiser avec son message.
L’enquête a porté uniquement sur les électeurs qui ont voté aux dernières élections pour les partis siégeant dans l’opposition : Havoda, Meretz, Yesh Atid, le camp de l’Etat et Israel Beitenu.
- Question : « Quelle est votre position de principe concernant les amendements et les changements dans les pouvoirs du système judiciaire israélien ? »
- En février, 51 % des électeurs de l’opposition étaient d’accord pour dire que « des changements et des corrections sont nécessaires dans le système judiciaire, mais ils doivent être acceptés par un large consensus ».
- Après un mois d’interminables efforts médiatiques et l’ébauche de compromis du président, le soutien à la réforme n’a pas baissé, il a au contraire grimpé à 79 %.
- Aujourd’hui, ils ne sont plus que 12 %, dans l’opposition, à penser qu’ « il n’est pas nécessaire de modifier les pouvoirs du système judiciaire ».
En février, 42 % d’entre eux étaient de cet avis. C’est une chute spectaculaire.
- Environ 8% des électeurs de l’opposition pensent que « des changements et des corrections sont nécessaires dans le système judiciaire, et la coalition devrait les promouvoir même sans un large accord ».
- Lorsqu’on regarde le détail des données des électeurs de l’opposition, on découvre cependant un chiffre étonnant : parmi les 30 – 44 ans, 23% soutiennent la promotion de la réforme – même sans un large accord !
Direct Falls avance l’explication suivante : il s’agit d’une protestation de vieux, dont beaucoup ont plus de 50 ans.
Une protestation de vieux, jusqu’à quel point ?
- Direct Falls a demandé aux partisans de l’opposition : « Avez-vous participé à l’une des actions de protestation contre la réforme ? »
- Environ 53 % des plus de 45 ans ont répondu qu’ils avaient participé.
- Contre seulement 27 % chez les 30-44 ans, ce qui corrobore le point 2 du sondage.
- « Que pensez-vous de la proposition de compromis du président Herzog »
L’enquête a examiné ce que les partisans de l’opposition pensent de la proposition du président :
- 68 % ont déclaré que la proposition était équilibrée,
- 9 % ont affirmé qu’elle était biaisée en faveur des partisans de la réforme, et
- 17 % ont admis qu’elle était biaisée en faveur des opposants à la réforme.
- Mais la même question posée à l’échantillon des jeunes âgés de 30 à 44 ans a donné des résultats très différents.
- 34% de la jeune génération de l’opposition pensent que le président a présenté un plan biaisé en faveur des opposants à la réforme. C’est le double du résultat général.
Conclusion
Direct Falls résume ainsi ce que l’étude a mis en lumière :
« Tout le monde parle d’une guerre fratricide. D’après les données de l’étude, il semble que de nombreux enfants de ceux qui bloquent les routes ne rejoindront pas leurs parents ».
Si vous m’avez lu ces dernières semaines, j’ai régulièrement affirmé que la guerre civile, la dictature, la révolution, la scission du peuple juif en deux camps ennemis est largement exagérée par des médias alarmistes qui cherchent monter les uns contre les autres à des fins idéologiques – et à faire du clic. Je suis allé jusqu’à avancer – ce qui n’est pas mon habitude – que si la réforme passe sans grande modification, l’après-réforme pourrait en surprendre plus d’un : je m’attends à ce que le pays revienne à « business as usual ».
Je peux me tromper. Je ne crois pas. Je me base en partie sur le vote ces dernières semaines à une forte majorité, avec l’opposition donc, d’un certain nombre de lois très controversées. J’ajoute à mes arguments le présent sondage.
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24 7.org
L’échantillon a été réalisé par Shlomo Filber et Zuriel Sharon par l’intermédiaire de Direct Falls Ltd. le 16 mars 2023, à l’aide d’un système numérique combiné à un panel, auprès de 993 adultes échantillonnés (18+) qui constituent un échantillon représentatif de la population générale en Israël. L’erreur statistique d’échantillonnage est de -3,4% avec une probabilité de 95%.