Le 18 décembre 2021, une vive controverse a vu le jour au Portugal, lorsque les médias ont rapporté que le milliardaire russo-israélien Roman Abramovich avait obtenu la nationalité portugaise, suite à des dons à la communauté juive d’Oporto.
Les chars de guerre de Poutine étaient alors massés à la frontière de l’Ukraine, et le moment fut saisi par ceux qui voulaient abroger la loi portugaise accordant la nationalité aux descendants des juifs portugais. Ce débat enflammé avait commencé deux ans plus tôt.
Roman Abramovich, dont la communauté de Porto a toujours allégué n’avoir reçu que 250 euros à titre de frais de constitution de dossier, était devenu le point de focalisation des détracteurs de la loi portugaise du retour qui, pendant sept ans, a permis d’accorder la nationalité à plus de 60 000 personnes, principalement des Israéliens issus de familles nord-africaines traditionnelles et de l’ancien Empire ottoman.
- Le 11 mars 2022, la police arrête le rabbin de Porto et quelques jours plus tard, le gouvernement publie un décret légicide qui vide la loi de son contenu et revient à une abrogation sans en porter le nom.
- Cependant, le 27 septembre, la cour d’appel déclare que l’affaire est fondée sur du « néant » et la communauté élève l’intensité de ses protestations contre ce qu’elle qualifie d’ »antisémitisme de style soviétique » qui « n’attaque que la communauté juive la plus active » basée sur les mythes du « juif riche », de « l’argent » et du « rabbin orthodoxe » dépeint comme un agent sioniste..
L’auteur de cet article a eu accès au dossier témoignant des origines séfarades de Roman Abramovich, que la communauté de Porto a récemment envoyé au Président d’Israël, Isaac Herzog. Ce dossier constitue une excellente illustration de la mosaïque d’origines qui compose l’histoire d’une famille de migrants forcés au fil des siècles à l’exil. Les grands-parents paternels d’Abramovich étaient issus de riches familles lituaniennes, aux noms et origines séfarades. Ils ont été victimes de Staline, qui les a exilés en Sibérie dans les années 1940, après les avoir dépouillés de tout ce qu’ils possédaient.
La famille d’Abramovich porte des noms d’origine séfarade tels que Rosa, Leiva et Leon, mentionnés dans la loi portugaise du retour de 2015. Ils ont des souvenirs familiaux qui ont été confirmés par des rabbins russes et israéliens, qui connaissent sa famille depuis 30 ans et qui connaissent l’histoire des familles séfarades.
La Lituanie elle-même et l’organisation religieuse Chabad-Lubavitch sont également impliquées. Ce pays accorde la nationalité aux enfants et petits-enfants de Lituaniens et les propres enfants du milliardaire sont lituaniens. Chabad, fondée par le petit-fils du rabbin Baruch Portugali, a toujours bénéficié du soutien financier du milliardaire russe, israélien et désormais portugais.
Étonnamment, le dossier va plus loin. Lorsque la communauté juive de Porto a confirmé les origines séfarades de Roman Abramovich, elle a informé le gouvernement de la possibilité qu’il réalise des investissements au Portugal et a demandé la reconnaissance urgente de sa nationalité pour des raisons d’intérêt national. En avril 2021, le milliardaire est devenu citoyen portugais et a continué de voyager en Europe avec son passeport israélien. Tout semblait alors paisible, mais en réalité, il n’en est rien.
En décembre de la même année, une presse portugaise a stigmatisé l’affaire de manière grossière, dédaignant même prendre attache avec la communauté juive de Porto, provoquant une vague d’antisémitisme au Portugal. Le musée juif de Porto montre ce qui s’est passé à cette époque, avec la persécution de la communauté. Les vieilles chansons antisémites sur la crise du logement et le coût de la vie en raison de la naturalisation de riches juifs se murmuraient comme aux temps jadis, les croix gammées rapidement recouvertes de peinture blanche sont apparues à l’entrée du quartier fréquenté par les juifs, seule rue de Porto avec une Mezouza sur la porte extérieure d’une maison.
Tout s’est passé comme si l’antisémitisme qui se cherchait un contenant, s’était soudain réincarné dans une Russophobie-antisémite dont la caricature était devenue Roman Abramovich.
La famille de l’auteur de cet article n’a jamais autant ressenti l’antisémitisme pendant deux intifadas et une guerre en Israël, la révolution et coup d’État militaire en Thaïlande, ni les élections démocratiques en Birmanie sous la junte militaire. Il a fallu attendre Oporto pour qu’une fillette de 11 ans soit qualifiée de « terroriste israélienne » en 2020, qu’en 2021, sa maison soit souillée de peinture rouge, défigurant la mézouza.
Le débat autour de l’affaire Abramovich révèle la complexité de l’héritage séfarade et de la citoyenneté au Portugal. Chaque individu impliqué a des milliers d’ancêtres remontant 19 générations depuis l’expulsion des Juifs du Portugal. Remettre en question l’ascendance séfarade d’une personne est une fausseté mathématique, qui est aggravée lorsqu’il a des souvenirs et des patronymes reconnus en vertu de la loi portugaise.
La question de l’ascendance juive est un sujet chargé d’implications personnelles, historiques, politiques et géostratégiques. Le Portugal a tenté de corriger des erreurs historiques en accueillant les descendants des Juifs séfarades qui avaient été injustement expulsés. Après sept ans, par un triste bégaiement de l’histoire le même pays se retrouve à chasser les Juifs russes (fussent-ils d’ascendance séfarade) comme il avait précédemment expulsé les juifs de la Péninsule ibérique réfugiés d’Espagne.
© David Nataf pour Israel247.org
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Merci pour ces précisions. Dans le récent documentaire « Abramovitch, un oligarque dans l’ombre de Poutine », disponible sur Francetv, on y affirme (68ème minute) que les origines séfarades d’Abramovitch sont imaginaires, et qu’il a obtenu un passeport portuguais de complaisance grâce à un système de corruption élaboré…
Bonjour,
C’est vrai que nous sommes nombreux a avoir des ancêtres Portugais, bien que ce soit difficile d’y voir clair assez souvent.
Dans ma généalogie, qui est récente pour moi, j’ai aussi une famille qui vient d’Espagne. j’ai de la famille de partout . Vincent n’est pas mon nom de naissance !