Le président Trump s’est irrité contre le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, lorsque ce dernier a refusé de s’engager à normaliser officiellement les relations avec l’État d’Israël lors de leur rencontre le 18 novembre dernier, selon « plusieurs » sources, certes anonymes, ce qui encourage à la prudence, même si l’information ne surprend pas trop.
La rencontre, au départ conviviale, est devenue tendue quand le dirigeant américain a constaté la rigidité de son interlocuteur quant à une reconnaissance publique de l’État d’Israël, ce qui marquera une avancée diplomatique historique très importante pour Israël, au-delà des liens discrets déjà existants entre Jérusalem et Riyad.
Bien que les deux responsables étaient tout sourire et aient affiché l’unité en public, ils se seraient affrontés en privé sur l’opportunité d’une annonce. La source a expliqué que Trump était « déçu » et « irrité » par le refus de ben Salmane de s’engager, notant que le président tenait beaucoup à l’extension des Accords d’Abraham et à la sécurité d’Israël.
En public
Tout s’est passé avec faste – survol d’avions de chasse (F-35 et F-15), dîner de gala au Kennedy Center avec des invités comme Elon Musk et Tiger Woods, et des annonces de méga-deals : vente de F-35 à l’Arabie saoudite (version « similaire » à celle d’Israël, selon les déclarations publiques de Trump que les gens qui ne le comprennent pas ont pris au pied de la lettre), partenariat en IA, énergie nucléaire civile, et désignation de l’Arabie saoudite comme « allié majeur non-OTAN ».
Trump et MBS se sont mutuellement encensés devant les caméras, avec Trump qualifiant MBS de « fort et intelligent » et MBS louant la « relation historique » USA-Arabie saoudite.
Derrière les portes closes
C’est là que ça a chauffé. Trump, qui voit l’expansion des Accords d’Abraham (signés en 2020 sous son premier mandat, normalisant les relations entre Israël et des pays arabes comme les Émirats, Bahreïn, Maroc et Soudan) comme un pilier de sa diplomatie post-guerre à Gaza et son rêve de voir Israël, un pays qu’il a déclaré, plusieurs décennies avant de devenir président, comme « celui qu’il aime le plus au monde après l’Amérique », profiter de la paix et de la stabilité, d’où son intervention pour tenter d’anéantir le programme nucléaire iranien.
Trump a poussé fort pour que Riyad rejoigne le club. Il a insisté sur un engagement concret, espérant une percée maintenant que la guerre à Gaza est quasiment terminée. MBS a fermement repoussé la demande, provoquant le clash :
- Il a argué que l’opinion publique saoudienne est « très anti-israélienne » après la guerre à Gaza, et la société n’est « pas prête » pour une normalisation immédiate. L’argument est fallacieux, car il en est de même pour l’Egypte et la Jordanie, qui ont pourtant signé des traités de paix avec Israël.
- Toute adhésion aux Accords exigerait un « chemin irréversible, crédible et limité dans le temps » vers un État palestinien, ce que le gouvernement israélien, l’opposition et la majorité écrasante de la population, même la gauche, rejettent catégoriquement, car ce serait un Etat terroriste.
Le prince aurait dit qu’il est favorable à une normalisation à titre privé, mais que le contexte n’est pas propice. Un responsable américain a précisé que ben Salmane n’avait pas catégoriquement exclu la possibilité et que la porte restait ouverte, la solution à deux États étant néanmoins un point de friction.
Suite à cela, le secrétaire d’Etat a contacté le Premier ministre israélien et lui a dit que les F-35 qui seront livrés à l’Arabie saoudite seront technologiquement « dégradés » par rapport à ceux qu’Israël possède afin de conserver à Israël la supériorité technologique.
Relevons cependant que la décision n’appartient pas au Secrétaire d’Etat ou au président. La loi américaine Qualitative Military Edge (QME) impose cette supériorité technologique et que la décision finale de l’équipement vendu à l’Arabie saoudite dépend du Congrès.
Les États-Unis sont légalement tenus de veiller à ce qu’Israël conserve une supériorité militaire qualitative sur tous les autres pays de la région, y compris ses alliés. Cela s’applique particulièrement aux ventes d’armes sophistiquées comme le F-35.
- Les versions saoudiennes seront effectivement « castrées » sur plusieurs points critiques par rapport aux F-35I « Adir » israéliens :
- Accès limité ou refusé à certains codes sources du logiciel de mission (ce qui empêche des modifications locales).
- Intégration restreinte ou impossible de systèmes d’armes israéliens (comme les missiles Rafael Python/Derby ou les pods de brouillage locaux).
- Capteurs et systèmes de guerre électronique moins performants sur certains aspects.
- Restrictions sur l’interopérabilité complète avec les réseaux de commandement israéliens ou américains les plus sensibles.
Enfin, Israël a un droit de regard quasi-officiel : toute vente majeure à un pays arabe (Émirats, Arabie saoudite, Qatar, etc.) doit recevoir l’aval tacite ou explicite de Jérusalem, et le Congrès américain bloque systématiquement toute proposition qui pourrait menacer le QME.
Conclusion
- Pour Trump : C’est un coup dur pour son « deal du siècle 2.0 ». Il misait sur les Accords pour « refaçonner » le Moyen-Orient et sécuriser Israël, mais sans l’Arabie saoudite, c’est incomplet et n’ira pas très loin. Ça montre aussi les limites de son talent « deal-maker » : il faut être deux pour danser le tango.
- Pour les Saoudiens, c’est un succès : ils ont eu leurs concessions (armes, IA, nucléaire) sans rien lâcher sur Israël.
- Pour la région, Riyad gagne en influence sans aliéner son opinion publique.
- Pour Israël, c’est une occasion manquée, les avantages des Accords Abraham ne font pas la Une des journaux, donc beaucoup pensent qu’ils n’apportent rien – ils se trompent grandement.
Bref, la rencontre a été un succès économique pour les deux, mais un échec diplomatique sur le cœur du sujet. Et ce n’est pas le premier échec diplomatique du président américain au Moyen-Orient : il a notamment échoué à convaincre l’Egypte et la Jordanie d’accepter massivement de reloger les civils Arabes de Gaza, et malgré ses menaces à répétition, il a mis des mois à convaincre le Hamas de restituer les derniers otages en une seule fois, et il a jusqu’à présent échoué à obtenir du gouvernement libanais qu’il respecte les accords de cessez-le-feu avec Israël et désarme le Hezbollah. Disons tout de même, pour être totalement neutre, que sa compréhension limitée des mentalités des Arabes du Moyen-Orient ne doit pas faire oublier des réussites qu’aucun autre dirigeant occidental que lui n’a obtenues – sans oublier la direction probable de la bande de Gaza.
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24/7.org


Merci JPG. Le potentat met en avant l’opinion publique chez lui, mais il ne paraît pas bien préoccupé par la propagande qui la façonne. Après le 7/10, faire des Pallos des héros, il faut y aller quand même…
Il n y aura aucun etat arabe en judee samarie , donc bye bye les relations officielles ( bidon a mon avis ) avec les saoudiens .il reste les relations officieuses , qui , a mon avis , sont largement suffisantes au vu de l inconsistance des relations humaines avec les pays arabes : en bref , on peut nous aussi continuer comme aujourdhui sans s avancer avec des etats qui n ont aucune parole .