Tout ça pour ça ? Voici le projet de réforme judiciaire qui doit rendre aux Israéliens la démocratie confisquée par les juges

Simcha Rothman et Yariv Levin

Après des semaines de manifestations de colère tous les samedis soirs par les perdants de l’élection de novembre, et les menaces en tous genres contre la « législation fasciste » qui veut en fait renforcer la démocratie et réduire le pouvoir de la gauche, Simcha Rothman (sionisme religieux), président du Comité de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset, a publié son projet de loi, intitulé « Loi fondamentale : Le pouvoir judiciaire (amendement n° 3, renforcement de la séparation des pouvoirs) » – le terme renforcement de la séparation des pouvoirs étant le bon, car il s’agit de modifier dans un premier temps le comité de sélection des juges, jusqu’à présent contrôlé par la Cour suprême, soit un ensemble totalement déconnecté de la démocratie, des élections et du contrôle des citoyens et de leurs représentants à la Knesset.

Voici le projet de loi qui devrait être soumis au plénum pour la première lecture lundi prochain, avec mes remarques entre guillemets :

Le comité sera composé de neuf membres, qui seront :

Rappel de la situation antérieure

Le projet de loi modifie la « loi fondamentale de 1984 : Le pouvoir judiciaire », selon laquelle la commission était composée de neuf membres, comme suit :

Mon analyse à ce stade

Nous arrivons à 4 personnes de gauche et 5 de la coalition, un équilibre acceptable à mes yeux – mais qui seront 8 personnalités de gauche et une seule de droite si la gauche arrive au pouvoir. Pas bon du tout. Et une fois encore, les juges – et surtout le président de la Cour suprême – n’a rien à faire dans la nomination du comité. Je dirais même : « tout ça pour ça ? » Que faut-il à Israël pour rétablir la démocratie ? On nous a bassinés avec l’idée que c’est le gouvernement le plus à droite qu’Israël ait connu, la droite est légitimiste par essence, la gauche étant réformiste, et c’est tout ce dont ils sont capables ?

Ce changement signifie qu’au lieu que le président de la Cour suprême contrôle 5 voix (celles de la Cour et celles du barreau), le ministre de la Justice contrôlera désormais 5 voix. De plus, l’association du barreau est éliminée du processus, ce qui l’empêche effectivement de choisir les juges devant lesquels ses membres plaideront leurs affaires.

Pour sauver les murs

Comme les législateurs ont manqué de courage et n’ont pas osé remettre le président de la Cour suprême à sa place dans son rôle à la Cour suprême et nulle part ailleurs, ils ont pris un chemin détourné, par lâcheté, qui sera interprété par la gauche comme une faiblesse, et les encouragera probablement à intensifier les manifestations et les pressions (des entreprises High tech dirigées par des gauchistes ont déjà suivi la doctrine antisémite de BDS et ont décidé de désinvestir d’Israël : plus besoin d’ennemis antisémites, on a les nôtres sur place). Le projet de loi précise que le quorum de la commission sera de 5 membres (ce qui prive le président de la Cour suprême de la possibilité de paralyser la commission en boycottant ses réunions). C’est une bien faible compensation, qui ne tient pas compte des pressions, du chantage et de la corruption morale du président de la Cour suprême.

Rothman a ensuite inséré une clause qui n’a rien à voir avec le protocole de nomination des juges, qui est plus importante que ce qui précède, et il l’a fait en douce. En s’imaginant quoi ? Qu’à gauche, personne ne verrait rien ?

Contrôle juridictionnel de la validité d’une loi fondamentale :

Cela signifie que si la Knesset décide d’élever la législation au niveau d’une loi fondamentale, le tribunal n’a pas le pouvoir de la renverser, de la révoquer, de l’annuler ou de la supprimer. Quid des lois non-fondamentales ? Pas de changement. Quid du vote d’une loi fondamentale qui se trouverait contredire la « Constitution » israélienne, c’est-à-dire la Loi fondamentale : rien n’est prévu. Ainsi, si la gauche arrive au pouvoir, la droite vient de lui offrir un boulevard pour avancer vers l’Etat de tous les citoyens dont elle rêve, le projet post-sioniste.

La droite a renversé le pouvoir de la gauche en 1977. La gauche a alors saisi tous les rouages de l’administration, et continué à dicter sa loi par en dessous, car elle échoue depuis à convaincre les Israéliens du bien-fondé de ses objectifs et projets. Israël a un gouvernement de droite depuis, qui est entravé. La démocratie a été confisquée. Elle revient doucement. Avec tout le bruit que la réforme a suscité, les législateurs, la commission, à mon sens, aurait dû aller jusqu’au bout du projet. Les Israéliens méritent mieux que ça.

© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24 7.org

Inscription gratuite à la newsletter Israël 24/7
Quitter la version mobile