Sdé Teiman, Histadrout : deux affaires de corruption qui secouent l’Etat profond

Deux affaires majeures de corruption ont éclaté en même temps, et elles font transpirer les élites israéliennes impliquées – qu’on peut imaginer en ce moment en train de faire fonctionner leurs broyeurs de documents et d’effacer le contenu de leurs téléphones.

(1) un vaste coup de filet anticorruption contre le syndicat Histadrout ; (2) le scandale dit Sdé Teiman — fuite d’une vidéo montrant des abus, suivi de la démission/aveu puis arrestation et enquête sur la procureure militaire Yifat Tomer-Yerushalmi.

Elles reposent sur deux préceptes :

  1. Je fais partie des élites et des privilégiés. Je suis en droit de faire ce que je fais, car Netanyahou a trop de pouvoirs, la droite entraîne le pays dans une direction qui ne me plait pas, d’ailleurs l’armée maltraite les « pauvres victimes palestiniennes ». Ce que j’ai fait est donc moralement justifié pour révéler au monde leurs exactions, et la fin justifie les moyens.
  2. Je fais partie de l’élite. Je suis protégé, je ne risque rien, je suis au-dessus des lois, et je mérite les bénéfices que j’en tire, car je suis moralement supérieur.

1 Scandale à la Histadrout. L’affaire la plus récente n’est pas celle qui attire le plus grand nombre de commentaires, médiatiques et sur les réseaux sociaux, et pourtant, elle est la plus significative parce qu’elle met en cause une institution syndicale extrêmement puissante, la Histadrout (elle est si puissante qu’elle a été capable de fermer totalement – et illégalement – l’aéroport international Ben Gourion pendant une journée entière, lors du chantage de la gauche contre la réforme judiciaire en 2013), et d’en sortir sans la moindre réprimande ni poursuite pénale.

Et là voilà au cœur d’une affaire de corruption majeure.

1) Pots-de-vin, fraude et népotisme

D’après les informations disponibles au moment d’écrire ces lignes, le mécanisme de corruption présumé au sein de la Histadrut (j’écris « présumé » : au risque de faire vieux jeu, je crois que la présomption d’innocence – innocent jusqu’à ce qu’on soit prouvé coupable – fait encore partie des droits de l’homme, des droits fondamentaux), notamment dans son secteur de la construction, repose sur un système sophistiqué d’échanges de faveurs et de détournements d’intérêts.

Voici les éléments clés :

2) Le président de la compagnie d’assurance impliqué

Un homme d’affaire et cadre supérieur d’une grande compagnie d’assurance, très proche du président de la Histadrut Arnon Bar‑David, aurait fait nommer des personnes à la tête de comités de travailleurs et veillé à leur placement dans des conseils d’administration d’organismes publics comme El Al, Israël Railways et Keren Kayemeth LeIsrael (Fonds national juif). En retour, il aurait obtenu des contrats d’assurance municipaux valant des millions de shekels. Le dirigeant visé serait Ezra Gabai, de Gabai Insurances, selon certaines sources, et son fils Assaf Gabai. Il ont été arrêtés.

Selon les déclarations de la police relayées par la presse, Gabai est suspecté d’avoir utilisé ses relations avec Bar-David pour obtenir des mandats, des nominations et convertir des portefeuilles d’assurance (travailleurs / institutions) au profit de sa structure. On parle explicitement d’un mécanisme de « donnant-donnant » et d’avantages offerts en contrepartie (toutes des allégations au stade de l’enquête).

Assaf, le fils d’Ezra et cadre dans la même agence, a été également arrêté et sa garde à vue a été prolongée. Le tribunal a souligné un risque de subornation/altération des preuves comme motif d’extension de détention.

Rôle et soupçons :

3) Ce qui n’est pas (encore) confirmé ou manque de vérification

  1. Le rôle présumé du fils « Assaf Gabai » est mentionné. Toutefois, des sources indépendantes clarifiant son rôle exact, la nature de son poste dans la compagnie, etc., sont encore limitées.
  2. Le nom exact de la compagnie d’assurance (« Gabay Insurance ») et les montants (« plusieurs millions de shekels », « dizaines de millions », etc.) évoqués ne sont pas tous confirmés par des documents publics / et la presse fiable. On voit des mentions de « larges sommes », « de réseau de corruption de plusieurs millions de shekels », mais les chiffres précis ou la pleine description structurelle ne sont pas encore disponibles.
  3. Les affirmations sur les « nominations à des postes de directeurs dans des institutions publiques ou entreprises affiliées », la mécanique exacte des « contrats d’assurance détournés », etc., font partie des allégations de l’enquête.
  4. L’association politique (activiste du Likud) pour Ezra Gabay est mentionnée par Ynet (« Likud activist »), mais je n’ai trouvé pas une confirmation exhaustive à ce stade.
  5. La compagnie Gabay / גבאי (GABAY Insurance)) est active depuis des années. La presse rapporte que l’agence est au centre des soupçons parce qu’elle aurait remporté des portefeuilles publics/collectifs et encaissé des commissions liées à des institutions publiques. Les chiffres détaillés et la nature des liens ne sont pas encore publiquement démontrés dans les dossiers consultés.
  6. Détails internes des mécanismes de blanchiment ou des comptes exacts : les documents saisis mais n’ont pas été rendus publics ; donc la prudence s’impose avant de parler de schémas financiers concrets.

Le commissaire de police Danny Levy a qualifié l’affaire de l’une des plus graves qu’il ait vue et promis des investigations sans peur ni indulgence à l’encontre de hauts responsables. Il y a eu ordres de restriction de publication signalés dans certains comptes-rendus pour des noms liés à l’enquête.


2 L’affaire de Sde Teiman, ou la fuite d’une vidéo accablant des soldats de l’unité 100. L’affaire de Sde Teiman est l’autre scandale majeur en Israël, portant sur des allégations d’abus graves, y compris des violences sexuelles, qui auraient été commis par des soldats de réserve de l’armée israélienne contre des détenus arabes à la base militaire de Sde Teiman, dans le sud du pays. Cette installation, créée en juillet 2023 pour détenir des suspects de terrorisme de Gaza en raison d’une surcharge des prisons, est devenue le symbole d’accusations de torture systématique suite à la fuite d’une vidéo à la presse.

La vidéo, diffusée par Channel 12 le 6 août 2024, montre des réservistes de Tsahal isolant un détenu, un terroriste de Gaza, derrière des boucliers anti-émeute pour le malmener. Elle provient des caméras de sécurité internes de la base et dure environ 1 minute. Elle a été fuitée par le bureau de la procureure militaire Yifat Tomer-Yerushalmi, qui l’a admis le 31 octobre 2025 dans sa lettre de démission, pour « révéler la vérité » pour se venger des accusations de partialité contre les soldats formulées contre elle.

La vidéo a causé un tort majeur à Israël, qui a été, suite à sa diffusion, accusé dans des rapports de l’ONU et d’organisations de droits humains, d’avoir fait subir aux détenus – y compris des enfants (entendre par là des terroristes qui ont entre 15 et 18 ans) – des positions de stress forcées, des privations d’hygiène, de nourriture et des coups.

1) Contexte et Origines. Rôle central de la procureure générale militaire Yifat Tomer-Yerushalmi

2) L’Histoire de la Vidéo « trafiquée »

Une théorie récurrente affirme que la vidéo de surveillance fuitée en août 2024 a été manipulée ou « trafiquée » pour discréditer l’armée israélienne. Ce narratif est qualifié de « blood libel » (calomnie antisémite historique) par ses partisans, qui y voient une arme politique de l’État profond judiciaire contre les forces armées en temps de guerre. Cependant, les enquêtes officielles et les analyses indépendantes ne confirment pas ces allégations pour le moment, bien que le terme de « viol » n’ait pas été retenu dans l’acte d’accusation.

3) Yifat Tomer-Yerushalmi : Rôle et Implication

Yifat Tomer-Yerushalmi, 51 ans, est une juriste chevronnée nommée avocate générale militaire (Military Advocate General, MAG) en 2021, devenant la deuxième femme à ce poste. Juriste du parquet militaire, considérée comme proche de certains magistrats de gauche, elle est connue pour ses positions « intégristes » sur le droit humanitaire appliqué aux terroristes. Elle supervisait les enquêtes sur les crimes présumés des forces armées. Dans cette affaire, elle est accusée d’avoir approuvé la fuite de la vidéo en août 2024 pour « contrer la propagande anti-enquêteurs » et « révéler la vérité sur les violences ». Cependant, cela a été perçu comme une diffamation contre les soldats, alimentant les accusations de « blood libel » (calomnie antisémite historique).

Éléments de corruption et contradiction sur sa capacité à témoigner :

Accusations contre Tomer-YerushalmiDétails
Fuite de matériel classifiéApprobation de la transmission de la vidéo aux médias pour « contre-propagande ».
Obstruction de justiceEnquête interne ; fausses déclarations à la Cour suprême.
Contradiction sur témoignageDéclarée « incapable » par son camp, mais police affirme son aptitude ; risque de non-audition pour éviter révélations.
Éléments corrompusCoordination via WhatsApp ; implication possible de la procureure générale Baharav-Miara.

4) Pourquoi a-t-elle démissionné ?

La Démission de Yifat Tomer-Yerushalmi.

Extrait clé de sa lettre (traduit de l’hébreu, publié le 31 octobre 2025) :

« J’ai approuvé la publication de matériel aux médias dans une tentative de contrer la propagande mensongère dirigée contre les autorités d’application de la loi de l’armée, et pour protéger mon personnel d’une campagne de délégitimation. Il est de notre devoir d’enquêter sur toute suspicion raisonnable d’actes de violence contre un détenu, indépendamment de son statut. »

5) A-t-elle démissionné ou a-t-elle été limogée ?

5) David Zini : Le Nouveau Chef du Shin Bet et Son Rôle Pivot

David Zini, major-général de 51 ans (père de 11 enfants, issu d’une famille religieuse d’Ashdod), a été nommé chef du Shin Bet le 5 octobre 2025 par Benjamin Netanyahu, succédant à Ronen Bar dans un contexte de tensions avec le Premier ministre qui a déclaré avoir perdu confiance en lui.

Comme Zini n’est pas un homme appartenant à l’élite de gauche, son mandat de cinq ans, approuvé par le cabinet, a été controversé : la Cour suprême a initialement bloqué la nomination pour « conflit d’intérêts », mais un compromis a été trouvé en juillet 2025.

Il se dit que sans Zini, l’affaire ne serait jamais sortie.

6) Les Derniers Rebondissements : La « Disparition » d’Hier (2 novembre 2025)

Le 2 novembre 2025 marque un pic dramatique.

7) Conséquences judiciaires (3 novembre 2025)

Un tribunal de Tel-Aviv prolonge la détention de Tomer-Yerushalmi et Solomesh jusqu’au 5 novembre, citant les risques d’obstruction. Cinq arrestations au total ; saisie de plusieurs téléphones. Les accusés dans l’affaire d’abus exigent l’annulation des poursuites pour « procès inéquitable » dû à la fuite de la vidéo.

La coalition tente d’écarter Baharav-Miara de l’enquête pour conflit d’intérêts, risquant une crise constitutionnelle.

L’enquête s’élargit, avec des témoignages internes accusant des irrégularités dans la justice militaire depuis deux ans.

Le président Herzog appelle au calme pour éviter les « attaques mutuelles ».

Sur X, les débats font rage : à gauche, on protège, et on salue la fuite de la vidéo comme un acte de lanceur d’alerte, à gauche, on y voit une conspiration judiciaire, un acharnement anti-Netanyahou et une haine contre l’armée.

L’avocat des soldats accusés, Ephraim Demri, met en cause le système judiciaire d’avoir « inventé une affaire » pour humilier Tsahal.

8) Réactions de la gauche / médias de gauche

Sur l’affaire Sde Teiman

Sur l’affaire Histadrout (corruption)

9) Derniers développements

L’époux de Yerushalmi a été interrogé brièvement par la police sur le téléphone manquant.

La Commission Zini (Shin Bet) a reçu les premiers rapports de cyber-analyse du téléphone retrouvé.

Selon Channel 14 à 19 h 45, une note interne du Shin Bet aurait confirmé des échanges compromettants entre Yerushalmi et un conseiller juridique du ministère de la Défense – qui n’a pas été nommé.

Le procureur militaire en chef a suspendu deux officiers impliqués dans la chaîne de décision initiale.

Aucune déclaration officielle du bureau de Baharav-Miara.

Conclusion

L’affaire exacerbe les clivages : la droite contre « l’Etat profond » judiciaire, au milieu du cessez-le-feu fragile à Gaza.

© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24/7.org

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