Pour les amoureux de la littérature dans son expression la plus profonde et la plus intense, c’est un véritable régal qu’ils vivront tout au long de la lecture de son œuvre, Rachel, Juive de Lituanie. Philippe n’est pas avare, lorsqu’il décrit des individus, des caractères, des lieux, des circonstances, mais aussi l’horreur qu’apparemment, il a beaucoup de mal à juguler. Et cela est compréhensible.
Il faut aussi avouer qu’il a un penchant presque animal pour le juif, bien qu’il ne le soit pas lui-même. Quelqu’un m’avait dit un jour que la vie des juifs est si intéressante, qu’il est presque impossible de l’ignorer.
Cette œuvre est captivante, parfois perturbante par le déroulement des événements… événements connus plus ou moins par l’histoire, et par l’homme… et comme leur déchainement est choquant et inexplicable, nous les retrouvons dans presque tous les passages. Sorte de refrain, de litanie pénible.
Non, Philippe n’est pas masochiste, ni quelqu’un qui semble être à la recherche de séquences pénibles, qui font souffrir le lecteur et l’indisposent. Sa vision est plus honnête, plus franche et humaine. Il aime les juifs, il aime Israël et il souffre de les voir martyrisés, incompris, haïs et se demande : pourquoi ? Pourquoi le judaïsme est tant redouté ? Quelle est la cause/raison du martyrologe des Juifs ? se demande-t-il, sans réellement s’appliquer à toute recherche.
Pour ceux qui connaissent l’histoire des religions et leurs progrès au sein des peuples, ce n’est guère une énigme. Le judaïsme est la source même de la création des deux principales religions : le christianisme et l’islam. Le judaïsme est donc un danger mortel pour leur perpétuation, puisqu’il est là pour les contredire et révéler leurs dessous, leurs substitutions. Et cela se traduit par la poursuite continuelle des juifs. Poursuite absurde et infructueuse. Mais c’est aussi et surtout le syndrome de Caïn et Abel : convoitise, jalousie, compétition et enfin de compte, crime.
On suit Philippe dans « la traque des juifs » par les communistes, puis par les Lituaniens et enfin par les nazis, pour encore une fois glisser dans la nasse russe. C’est un cumul d’assassinats, de méthodes/techniques pour échapper au bourreau. Les erreurs des Juifs, leurs controverses, leur candeur, leur fuite de cette religion qui ne les épargne pas. Et la cavalcade est longue, répétitive, permanente et se poursuit à ce jour. L’ennemi peut être chrétien, laïc ou musulman. Il n’y a que très peu d’espace pour le juif, là où il se trouve.
Le juif ira jusqu’à se recréer de ses cendres en terre d’Israël, que les autres contrediront et s’uniront pour son anéantissement. Philippe s’évertue à blâmer Dieu, qui, au lieu de protéger et d’épargner « son peuple élu », les jette en pâture. Ce que Philippe ne mentionne pas, c’est que ces juifs portent une croix et une bannière, pour avoir manqué à leur parole, à leur promesse, donnée aux pieds du mont Sinaï. Et comme un père qui craint beaucoup pour son enfant, leur Dieu les guide à travers Ses lois, Sa justice… Jalons qu’ils contourneront par commodité, négligence, ambition et par tentation de vouloir ressembler aux autres, ou simplement pour survivre. Ils ne peuvent pas être comme les autres. Ils sont ceux qui ont sur leur front gravé, leur promesse non tenue tout au long des siècles.
La petite Rachel, juive de Lituanie, nous surprend par sa sensualité brutale et renversante qui la conduira à fermer les yeux sur l’amour que Gédiminas, le fils d’Antanas, nourrit pour elle, et qui le guidera vers la trahison de celle qu’il aime, et d’Antanas, son insouciant de père, et au suicide. Le père, un quinquagénaire, devenu l’amant de Rachel et plus tard, son époux, souffrira des conséquences de sa faiblesse charnelle, car, peut-on réellement imaginer qu’il ignorait les affinités de Gédiminas, son fils, envers Rachel ?
Pour ma part, le personnage de Rachel m’a perturbée et déçue… dans un sens, toute personne pragmatique dirait qu’il faut que la vie se poursuive, tant pis si les moyens employés ne sont pas des plus purs et honnêtes. Mais Rachel n’est qu’une adolescente de 16 ans qui se jette dans les bras de son sauveur, Antanas, fermant odieusement les yeux sur l’existence de la femme et de la fille d’Antanas, capturées par les Russes et prisonniers en Sibérie, et de son fils Gédiminas, amoureux d’elle.
En outre, cette œuvre est un véritable recueil d’histoire, avec la description nette et macabre de l’assassinat brutal des juifs – charognes vagabondes, que les communistes, les Lituaniens, les nazis, se déchireront. On y trouve les dates des pogroms, le nombre de juifs assassinés, les conditions et moyens employés pour les traquer et l’impossible situation de décréter toute affiliation à tout mouvement sans se retrouver brusquement face aux antagonistes. Aucun moyen d’échapper à l’étau qui se resserre chaque jour un peu plus, dans tous les pays d’Europe, autour du juif. Même à l’heure actuelle.
Un livre que je conseille aux historiens en quête de détails précis du meurtre des juifs d’Europe de l’Est. Un livre que tout juif qui ignore le cataclysme subit par les juifs qui, pour leur malheur ou bonheur, vivaient en Europe. Ces juifs, comme on peut le constater, étaient si bien assimilés, qu’il ne leur restait que très peu de leur judaïsme initial… ce qui ne les a pas épargnés.
Merci à Philippe pour son travail méticuleux, pour son amour/affection des juifs, pour sa bataille pour leur réhabilitation… et pour plus de justice, dans un monde qui va continuellement à la dérive.
© Thérèse Zrihen-Dvir