Il semble possible que les objectifs de la guerre soient atteints sur le front nord, mais à Gaza, Israël n’a pas obtenu les succès promis par Benjamin Netanyahou tout au long de l’année dernière, lorsqu’il s’opposait aux ultimatums de l’administration Biden.
- Il n’y a pas eu de récupération des otages,
- il n’y a pas eu de démantèlement du Hamas,
- il n’y a pas eu d’empêchement du Hamas de se reformer,
- il n’y a pas eu de rétablissement de la sécurité pour les habitants de la région frontalière,
Je suis un spécialiste de Donald Trump, pour avoir couvert quotidiennement son premier mandat, et beaucoup m’ont contacté, inquiets, et m’ont demandé pourquoi Donald Trump force Netanyahou à signer ce mauvais accord pour libérer les otages, alors que c’est un ami d’Israël et qu’il ne veut que le bien de l’Etat juif.
Donald Trump ou ses conseillers n’ont fait aucune déclaration qui permet de connaître exactement leurs motifs. Nous devons donc avancer des hypothèses, et la plus réaliste d’entre elles, celle qui tient compte de la réalité et non des envies ou des désirs ou de l’aveuglement émotionnel est celle-ci.
Pourquoi le président Trump a-t-il poussé au mauvais accord qui se dessine ?
Un grand nombre de terroristes pourraient être libérés, alors que l’accord Shalit, 1 000 contre 1, a vu la libération de Sinwar, qui a perpétré le massacre du 7 octobre. En libérer 3 000, chiffre évoqué par les Arabes – mais que le bureau du Premier ministre n’a pas démenti, c’est multiplier par trois le risque qu’un 7 octobre se reproduise. Se retirer de Gaza, c’est garantir à 100 % qu’un autre conflit sera déclenché par le Hamas d’ici deux ou trois ans.
Alors pourquoi ?
Parce que les conseillers de Donald Trump sont très bien informés, et qu’ils ne sont pas des idéologues, mais des gens de bon sens. Ils sont arrivés à la conclusion que les mêmes causes produisant les mêmes effets, Benjamin Netanyahou, avec la meilleure volonté du monde, n’a pas eu la force de lutter efficacement contre l’Etat profond israélien, pendant ces plus de 400 jours de guerre.
Israël, un pays de droite avec une armée de gauche.
L’establishment de l’armée, du Mossad, des services de renseignement et de la Haute Cour sont de gauche. C’est une réalité établie, démontrée, confirmée par nos rapports sur les déclarations publiques des uns et des autres – et pas sur notre opinion. Les ministres du gouvernement l’ont déclaré, le Premier ministre l’a déclaré, eux-mêmes l’ont démontré.
Il n’y a pas de mal à être de gauche, d’autant qu’ils ont prouvé être de grands professionnels dans leurs spécialités. Mais ces guerriers et ces services de renseignement aux prouesses reconnues par le monde entier sont sous la coupe de leur idéologie. Ils combattent non pas pour écraser l’ennemi, mais parce qu’ils n’ont pas le choix. Ils le font à regret, à contre-cœur, comme un mal nécessaire.
Je fais une pause pour développer, car le concept interdit d’être manichéen. Imaginez le meilleur ébéniste au monde, mais qui refuse, pour des raisons idéologiques, d’utiliser de l’ivoire pour ses travaux. Il réalise les plus beaux meubles, mais comme ils n’emploient pas d’ivoire, ceux-ci restent incomplets, non finis. C’est ainsi que fonctionnent la tête de Tsahal, la direction du Mossad et les directeurs des services de renseignement. Le meilleur savoir-faire, les meilleurs outils, mais le refus d’utiliser d’aller jusqu’au bout pour réussir.
L’ennemi le sait, c’est ce qui lui a permis de perpétrer le 7 octobre, en donnant à croire à l’establishment sécuritaire de gauche ce qu’il avait envie de croire : que le Hamas avait tourné le dos au terrorisme et reconstruisait l’économie de la bande de Gaza.
Pendant plus d’un an, Tsahal a tourné autour du pot
- Au lieu de faire pression maximum sur le Hamas pour faire libérer les otages, ils ont apporté une aide humanitaire.
- Au lieu de les écraser, ils ont jeté des tracts pour prévenir des bombardements.
- Au lieu d’installer la population dans un endroit préparé pour ça, et de lui interdire de bouger, ils les ont déplacés d’un coin à l’autre, par humanité, pour leur permettre de rentrer chez eux, facilitant à chaque fois les déplacements des combattants du Hamas infiltrés parmi eux.
- Au lieu d’exhiber les prisonniers du Hamas en petite culotte, et de diffuser largement les images sur les réseaux sociaux, comme les soldats ont eu la bonne idée de le faire au début, ils ont sanctionné les soldats et interdit d’humilier l’ennemi.
- Au lieu d’exiger en échange des preuves sur l’état de santé des otages, la preuve que les médicaments leur parvenaient, ils ont libéré des Gazaouis qu’ils avaient probablement arrêtés par erreur sans rien exiger en échange.
- Au lieu d’empêcher les agents du Hamas de s’emparer de l’aide humanitaire et la détourner, ce qui leur a permis à la fois de s’enrichir en la revendant, et de conserver leur emprise sur les habitants de Gaza, ils les ont laissé faire pour ne pas contrarier les puissants clans et familles locales.
On ne livre pas d’aide humanitaire quand on veut forcer à rendre les otages.
Trump a compris que Netanyahou n’est pas plus capable aujourd’hui qu’hier de vaincre l’Etat profond israélien, donc que la guerre ne pourra que s’éterniser. Le Hamas recrute, et ne subit pas assez de pression pour libérer les otages. A ce point, Trump a sans doute conclu que continuer sur cette voie ne produira que les mêmes résultats, et a donc poussé le Premier ministre israélien à accepter sa défaite.
Car ne nous trompons pas, l’accord sur les otages constitue une reconnaissance de l’échec des objectifs du Premier ministre. C’est la situation réaliste actuelle.
Il est donc préférable que plusieurs dizaines de personnes puissent rentrer chez elles. Un certain nombre de familles pourront « tourner la page » sur cette terrible épreuve.
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24 7.org