Le 26 octobre dernier, les autorités qataries ont condamné à mort huit citoyens indiens accusés d’espionnage pour le compte d’Israël.
Les médias ont rapporté que les accusés étaient d’anciens officiers de carrière indiens et travaillaient pour une société privée, Al Dahra Global Technologies and Consultancy Services. Ils ont été arrêtés par les services de sécurité qataris en août 2022, mais l’annonce du verdict a coïncidé avec la guerre dans la bande de Gaza.
Cela a conduit à l’hypothèse que le verdict a été imposé en raison de la position pro-israélienne de l’Inde.
En effet, le Premier ministre indien Narendra Modi, presque immédiatement après l’attaque du Hamas contre Israël, a exprimé son soutien à ce dernier et a écrit sur X :
« Nous sommes solidaires d’Israël en ce moment difficile. »
Quatre jours plus tard, lors d’une conversation téléphonique avec Benjamin Netanyahou, il a exprimé son soutien total aux actions d’Israël.
De plus, les dirigeants indiens n’ont pas appelé les parties à un cessez-le-feu (une tentative déguisée de désarmer Israël) et n’ont pas mentionné la nécessité de créer un État de Palestine, comme l’ont déclaré de nombreux chefs d’État, y compris le président russe Vladimir Poutine, le Français Macro et désormais Joe Biden.
- En 2015, New Delhi s’est abstenu de voter au Conseil des droits de l’homme de l’ONU sur un rapport critiquant la guerre menée par Israël à Gaza en 2014. C’était la première fois que l’Inde ne votait pas contre Israël dans un organe mondial.
- En juillet 2017, Modi s’est rendu à Jérusalem, où il a été reçu par Benjamin Netanyahou.
- Et en 2018, le Premier ministre israélien a effectué une visite à New Delhi. Depuis lors, les contacts entre eux peuvent être considérés comme amicaux.
Comme le suggère Foreign Policy, plusieurs facteurs influencent aujourd’hui la position de Modi.
- Tout d’abord, l’Inde est confrontée à des élections nationales l’année prochaine. Le Bharatiya Janata Party, qui est le parti de Modi, a fait une croix sur le vote musulman, et Modi ne se soucie pas du tout de leur vote, puisque son parti prône le nationalisme hindou.
- Deuxièmement, l’Inde est depuis longtemps confrontée à des problèmes d’attentats terroristes islamistes. Par conséquent, la position inflexible contre les attaques du Hamas est également un signal silencieux adressé à Islamabad, que New Delhi accuse d’avoir des liens avec les terroristes.
- Modi a déjà comparé les frappes chirurgicales de l’Inde sur des bases de terroristes dans le Cachemire contrôlé par le Pakistan à des opérations secrètes israéliennes contre des terroristes sur le sol étranger, suggérant que les prouesses militaires d’Israël méritaient d’être imitées.
- Troisièmement, l’Inde a pris note du fait qu’un certain nombre d’États arabes clés, de l’Égypte à l’Arabie saoudite, n’ont pas soutenu le Hamas. Contrairement aux crises précédentes, ces pays avaient normalisé ou étaient en train de normaliser leurs relations avec Israël lorsque le Hamas a perpétré l’attaque actuelle. L’absence de soutien total au Hamas est du à leur position prudente et à l’intervention des États-Unis dans le conflit. De ce fait, la réaction distante de certains pays arabes donne à New Delhi une certaine marge de manœuvre diplomatique. Surtout lorsqu’il s’agit de ses relations commerciales et stratégiques croissantes avec les pays du Golfe.
- De plus, la condamnation sans équivoque du Hamas par l’Inde pourrait signaler aux États-Unis sa volonté de soutenir son allié critique et de prendre ses distances avec la Russie, qui s’est rangée, comme à son habitude, du côté arabe.
Cette prise de position publique peut apaiser les inquiétudes de l’administration américaine quant à la position changeante de l’Inde vis-à-vis de la Russie, Modi n’ayant pas condamné la guerre en Ukraine, ce qui a suscité la déception de Washington. - Enfin, l’Inde et Israël sont liés par une étroite coopération militaro-technique. L’Inde est devenue l’un des principaux acheteurs d’équipements militaires et de munitions israéliens depuis les années 90, et a ensuite commencé à acquérir des drones, des radars et des systèmes de défense antimissile. L’Inde effectue ainsi des achats auprès d’Israël d’une valeur de plusieurs milliards de dollars.
- D’autre part, Israël a permis aux entreprises technologiques indiennes d’accéder à son marché. Il existe également une coopération dans les domaines de l’agriculture et de l’énergie. Et les services de renseignement indiens ont utilisé le célèbre logiciel d’espionnage Pegasus de la société israélienne NSO pour espionner les extrémistes.
Bloomberg écrit que l’Inde est en train de créer un système de surveillance utilisant des véhicules aériens sans pilote sur tout le périmètre de sa frontière extérieure afin de repousser les attaques islamistes surprises comme celle du Hamas en Israël. Les responsables du ministère de la Défense du pays ont déjà rencontré six fournisseurs israéliens de drones de surveillance et de reconnaissance, rapporte Bloomberg, et la commande devrait être annoncée le mois prochain. L’armée espère que le système sera lancé sur certaines sections de la frontière dès le mois de mai.
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24/7