La « Marche du million » organisée jeudi soir près de la Knesset à Jérusalem a-t-elle atteint son objectif ? Les organisateurs parlent de 600 000 participants, ce qui, pense la droite, a réussi à mettre fin aux affirmations de l’opposition selon lesquelles les Israéliens sont unis contre la réforme du système judiciaire. Elle se met encore le doigt dans l’œil. Elle a également apporté un soutien au gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou, qui n’a pas cette fois Donald Trump pour lui apporter le courage qui lui manque.
Jeudi, la manifestation a été monumentale. Vendredi matin, les médias de gauche, l’opposition, pansaient leurs plaies. Vendredi après-midi, ils préparaient leur attaque. Samedi soir, ils sont passés à l’attaque. Tous d’un coup comme un seul homme, car le mot d’ordre a été donné. La gauche ne se défend jamais, elle attaque. La droite est molle, naïve et crédule, elle se justifie, et une partie importante cherche toujours à être acceptée par la gauche ; elle fait des gestes de bonne volonté, tend la main pour montrer sa bienveillance. En face, ce sont des chacals, ils attendent ça, ils n’attendent que ça, et ils mordent.
Samedi soir, disais-je, l’opposition est passée à l’attaque. De partout, le même mot d’ordre disais-je
- Samedi soir, le Mouvement pour la qualité du gouvernement a déposé plainte auprès de la Cour suprême et demandé l’ouverture d’une enquête criminelle contre les organisateurs de la Manifestation du million. Ils accusent les participants d’avoir commis des délits d’incitation à la violence et de sédition. Selon eux, au cours de la manifestation, des manifestants ont été enregistrés en train de marcher sur d’immenses banderoles portant les photos de juges de la Cour suprême et de la conseillère juridique du gouvernement, et des déclarations graves auraient été faites à leur encontre lors des discours prononcés par des membres de la Knesset et des personnalités de droite.
- Le soir même, Benny Gantz reprenait à son compte exactement les mêmes accusations. Il déclarait :
« Il est insupportable pour moi qu’en Israël, les gens marchent sur une affiche avec les photos des juges de la Haute Cour et du procureur. Le fait que nous n’ayons pas encore entendu la condamnation de Netanyahou pour ces dérives n’en est pas moins troublant. »
Les partisans de la réforme ont été lents à réagir aux manifestations qui se sont déroulées pendant des mois et qui ont fait reculer la coalition, ce qui a conduit M. Netanyahou à suspendre le processus et à entamer des négociations avec l’opposition sous les auspices du président Isaac Herzog.
Les partisans de la réforme craignent que le résultat ne soit qu’une version édulcorée de la législation qui laisse intacts les privilèges de la gauche. Parmi les chants de la foule lors du rassemblement, on pouvait entendre : « Arrêtez d’avoir peur » et « Nous ne voulons pas de compromis ». Dire à quelqu’un qui a peur d’arrêter d’avoir peur revient à peu près au même que dire à un asthmatique de respirer normalement.
Parmi les nombreux hommes politiques et personnalités de droite qui se sont adressés à l’assemblée, les plus grands applaudissements sont allés aux principaux architectes de la réforme judiciaire : Le ministre de la Justice, Yariv Levin, du Likoud, et Simcha Rothman, membre de la Knesset, du parti sioniste religieux, qui préside la commission de la constitution, du droit et de la justice du Parlement.
« Plus de deux millions d’Israéliens ont voté il y a six mois lors du véritable référendum : les élections. Ils ont voté en faveur d’une réforme judiciaire », a déclaré M. Levin. « Nous sommes ici sur cette scène avec 64 mandats pour réparer une injustice. Plus d’inégalité, plus de système judiciaire unilatéral, plus de tribunal dont les juges sont au-dessus de la Knesset et du gouvernement.
On nous dit que si la réforme est adoptée, il y aura une dictature. Il n’y a pas de plus gros mensonge que celui-là. Montrez-moi une seule démocratie dans laquelle les conseillers juridiques décident [de la politique du gouvernement] à la place du gouvernement », a dit Levin, ajoutant sous les applaudissements : « Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour apporter le changement souhaité au système judiciaire ».
Pour sa part, Simcha Rothman a déclaré :
« Si quelqu’un m’avait dit il y a quelques années qu’en 2023 il y aurait un tel consensus dans la société israélienne sur la nécessité d’une réforme judiciaire et que la situation actuelle n’est pas démocratique, je lui aurais dit qu’il se faisait des illusions », a déclaré M. Rothman. « Corriger le système judiciaire est la mission de ma vie et je continuerai à la promouvoir par tous les moyens.
Avichay Boaron, membre du Likoud à la Knesset, était le maître de cérémonie. Il a expliqué :
« L’objectif de la manifestation est de rappeler et d’exiger de nos représentants élus au sein du gouvernement et de la coalition que le peuple veut une réforme judiciaire, que le peuple est derrière eux, que le peuple leur donne de la force », a-t-il déclaré.
Que voyons-nous dans ces déclarations ? Exactement les mêmes que depuis trois mois. Rien de nouveau, rien n’a changé. Et ils s’imaginent que les mêmes actions peuvent apporter des résultats différents ?
Netanyahou « profondément ému »
M. Netanyahou, qui n’était pas présent pour des raisons de sécurité, a tweeté, en réaction à la massive manifestation :
« Je suis profondément ému par l’énorme soutien du camp national qui est venu en masse à Jérusalem ce soir. Nous tous, les 64 mandats qui ont mené à notre victoire, sommes des citoyens de première classe. Vous m’avez fait chaud au cœur et je remercie chacun d’entre vous ».
Et si le moment n’était pas à l’émotion, mais à l’action ?
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24 7.org