La violente polémique et les manifestations publiques incessantes suscitées depuis quelques mois en Israël par le projet de réforme judiciaire posent une question essentielle.
Comment expliquer que des dizaines de milliers d’Israéliens manifestent en scandant « Démocratie ! », alors même que l’objectif affiché de la réforme judiciaire est précisément de renforcer la démocratie et l’équilibre des pouvoirs ? Il y a là, de toute évidence, deux conceptions opposées de la nature du régime démocratique.
Pour comprendre les enjeux de ce débat fondamental, il est nécessaire de revenir en arrière, aux débuts de la « Révolution constitutionnelle » menée par le juge Aharon Barak dans les années 1980 et 1990. C’est depuis lors que la Cour suprême s’est octroyée la compétence de dire le droit à la place du législateur, d’annuler les décisions du gouvernement et de l’administration, les nominations de fonctionnaires et de ministres et les décisions des commandants de l’armée, etc. Aucun domaine n’échappe plus à son contrôle omniprésent.
Dans son nouveau livre, Quelle démocratie pour israel ?, Pierre Lurçat retrace l’histoire de cette Révolution passée inaperçue du grand public et explique les enjeux du projet de réforme actuel, en la replaçant dans son contexte historique. Il rappelle ainsi pourquoi Israël ne possède pas de Constitution et montre comment l’extension du domaine de la compétence de la Cour suprême a affaibli les pouvoirs exécutif et législatif, en la transformant de facto en premier pouvoir.
Replaçant la problématique israélienne dans un contexte plus vaste – celui de la montée en puissance d’un « gouvernement des juges » dans la plupart des pays occidentaux, il s’interroge également sur les causes profondes de l’engouement pour la notion d’un pouvoir des juges et du rejet concomitant de la démocratie représentative et du pouvoir politique en général.
Né à Princeton, Pierre Lurçat a grandi à Paris et vit à Jérusalem. Il a publié plusieurs essais, parmi lesquels des Préceptes tirés de la sagesse juive (Presses du Chatelet), Israël, le rêve inachevé (éditions de Paris), et Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain (éditions L’éléphant). Il a fondé en 2021 la Bibliothèque sioniste, qui vise à mettre à la portée du lectorat francophone les grands textes des fondateurs du mouvement sioniste et dirigeants de l’Etat d’Israël.