La montée fulgurante des exportations d’armement israélien
La victoire remarquable d’Israël dans sa guerre complexe sur sept fronts contre l’Iran et ses nombreuses forces proxy incite les pays à se procurer les systèmes d’armes de pointe de l’État juif. Les exportations de défense israéliennes ont augmenté de 37 % depuis 2021, passant de 11,4 milliards de dollars cette année-là à 12,5 milliards en 2022, 13 milliards en 2023 et 14,8 milliards en 2024.
Plus de la moitié de ces contrats dépassent chacun 100 millions de dollars. Cette croissance est stupéfiante pour une industrie qui vend des armements très sophistiqués.
Environ 48 % des exportations de 2024 concernaient :
- des roquettes, des missiles et des systèmes de défense aérienne ;
- des véhicules blindés et de transport de troupes ;
- des satellites, radars, systèmes de guerre électronique, tous éprouvés au combat.
Le ministère israélien de la Défense attribue ce boom aux réussites opérationnelles des Forces de défense israéliennes (FDI) à Gaza, au Liban, Yémen, Iran et en Syrie.
En termes simples, Israël a écrasé ses ennemis, et le monde en a pris note.
Lorsque le Hamas a déclenché son assaut du 7 octobre 2023 — massacrant 1 200 Israéliens, violant des femmes, brûlant des familles vivantes et enlevant 250 otages — Israël a réagi avec une rapidité et une férocité extraordinaires malgré le traumatisme. En deux semaines, il avait rassemblé une armée immense de 550 000 hommes, un exploit qui n’est pas souvent signalié, mais que peu de pays, surtout de sa taille, pourraient égaler.
Cependant, la réponse militaire n’était que la moitié de l’histoire.
Tout l’écosystème de défense d’Israël est passé en situation d’urgence. Les usines ont fonctionné 24/24 et 7/7, les ingénieurs et les équipes R&D ont innové à un rythme effréné, et les chaînes d’approvisionnement se sont adaptées instantanément. Aujourd’hui, ces usines tournent toujours à plein régime, non seulement pour approvisionner les FDI mais aussi pour répondre aux commandes internationales en plein essor.
Par ailleurs la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine a poussé les pays européens à se réarmer. Bien qu’ils aient critiqué Israël pour Gaza, cela ne les a pas empêchés d’acheter sa technologie de pointe.
En 2024 :
- L’Europe a représenté 54 % des exportations israéliennes (contre 35 % en 2023) ;
- Les pays Asie-Pacifique : 23 % ;
- Les États-Unis : 9 % ;
- Les pays des Accords d’Abraham (EAU, Bahreïn, Maroc) : 12 %, quadruplant leur part depuis 2023.
C’est une révolution géopolitique : Israël arme désormais des États arabes jadis ennemis.
Israël offre non seulement des systèmes éprouvés au combat, mais aussi une rapidité de livraison inégalée.
Son architecture multi-couches comprend :
- Arrow-3 : interception haute altitude des missiles balistiques ;
- Sling de David : menaces à mi-portée ;
- Dôme de Fer : défense contre roquettes/drones à courte portée.
Taux d’interception : plus de 90 %. À l’inverse, Israël a transpercé les défenses aériennes iraniennes construites par la Russie. Ce contraste a alimenté la demande israélienne, et laissé à la traîne celle de la Russie, qui vend essentiellement aux pays de l’Axe du mal.
L’Allemagne a signé un contrat de 3,8 milliards de dollars pour l’Arrow-3, développé par IAI avec l’Agence américaine de défense antimissile. Il intercepte dans l’espace à plus de 100 km d’altitude.
Après son succès en avril 2024, l’Allemagne et d’autres ont aussi acquis :
- Barak MX,
- Sling de David,
- Intégration par la Finlande dans son réseau radar.
Les systèmes Elbit (PULS) ont conquis l’artillerie européenne. Ce lanceur monté sur camion (portée : 300 km) est devenu le choix privilégié quand l’Europe a envoyé sa propre artillerie en Ukraine.
Commandes notables :
- Allemagne : 65 M€ puis 57 M$ ;
- Grèce : 500 à 700 M€ ;
- Pays-Bas, Danemark, Serbie : commandes également.
Le Maroc a acquis :
- ATMOS 2000 (canon automoteur) pour 150–200 M€ ;
- Barak MX ;
- Satellites de reconnaissance.
Les chars Merkava Mk4 utilisés contre le Hamas ont conduit à :
- Commandes des Philippines : 20 chars pour 400 M$ ;
- Croatie : 30 chars pour 600 M$ ;
Trophy APS de Rafael (armure active) :
- USA : 2,2 Md$ pour 1 000 unités ;
- Royaume-Uni : 500 systèmes pour 1,1 Md$.
Sur le champ de bataille moderne, le changement majeur est l’usage des drones. Israël est à la pointe avec l’Ukraine. Les géants américains sont trop rigides pour produire rapidement des drones bon marché et modulables.
Les FDI ont utilisé les Hermes 900 pour éliminer des commandants du Hamas, déclenchant :
- Colombie : commande de 180 M$ ;
- Azerbaïdjan : 300 M$ ;
- Inde : accord en négociation (1 Md$).
Les munitions Harop et Harpy ont été utilisées contre le Hezbollah. Résultat :
- Corée du Sud : 200 M$ ;
- Maroc : 120 M$.
La demande pour la défense anti-drones explose. Le Dôme de Drone de Rafael neutralise les drones aériens :
- Singapour : 150 M$ ;
- EAU : 100 M$.
Israël a développé des systèmes opérationnels puissants et discrets :
- Gospel
- Lavender
- Fire Factory
- Fire Weaver
Ils fusionnent surveillance, renseignement et données pour recommander des cibles et munitions, avec des centaines de recommandations par jour.
Bien que rarement vue comme puissance navale, Israël a démontré la valeur de sa corvette Sa’ar 6 (interceptions au Yémen). Fabriquée en Allemagne selon spécifications israéliennes :
- Commandes : Grèce (2 Md$), Vietnam (1 Md$).
Le ministère de la Défense a investi 275 M$ avec Elbit Systems pour :
- Étendre la production de bombes lourdes ;
- Assurer l’approvisionnement national et les exportations malgré les tensions logistiques mondiales.
Israël a noué des coentreprises intelligentes pour surmonter la résistance politique de l’administration Biden et des pays européens hostiles :
- Avec l’allemand KNDS (PULS, fabrication locale) ;
- Slovaquie et Suède : Barak MX avec production locale ;
- Finlande : Sling de David intégré aux réseaux radar.
Ces partenariats créent des emplois et désamorcent l’opposition publique. Par exemple :
- Le gouvernement socialiste espagnol a suspendu les achats à IMI Systems ;
- La France a exclu des sociétés israéliennes de salons de défense.
Le succès au combat est le meilleur argument commercial pour Israël.
Surtout, ses concurrents ne peuvent pas livrer aussi vite. Alors que la norme est 5 à 7 ans, Israël livre en moitié moins de temps, même en temps de guerre.
Les crises géopolitiques ont créé une boucle où Israël s’est intégré :
- La guerre crée la demande ;
- Les armes éprouvées se vendent ;
- Les ventes financent la défense ;
- La défense prépare la réaction aux guerres futures et les exportations.
Cette logique implacable reflète une nouvelle réalité où la survie prime à nouveau sur les idéaux, même en matière de commerce.
Et Israël a une fois encore pris conscience qu’il ne peut pas dépendre d’une grande puissance – les Etats-Unis – qui peut passer de comportement amical lorsqu’un républicain est président, à une situation hostile lorsque c’est un démocrate comme Obama ou Biden.
