Guido Reni
C’est accepter d’être, naturellement, en se conformant à la Loi !
Voilà un roman qui normalement devrait faire beaucoup parler de lui, d’autant plus que le contexte s’y prête à merveille. En fait, c’est plus qu’un roman, c’est un essai, un appel à un nouvel existentialisme, un existentialisme où à l’angoisse du Juif répond plus que jamais le message de Hashem.
Dès sa naissance, le petit de l’homme est posé – par qui ? Dieu ? Le Malin ? Le hasard ? – sur une embarcation que cet inconnu effrayant, justement parce qu’inconnu, pousse d’un grand coup de reins, vers le large. Et très tôt, le petit de l’homme sait qu’il n’aura jamais un port d’attache ou tout au moins que celui-ci ne sera que… la mort ! Sa vie durant, la mer sera souvent agitée jusqu’à se transformer parfois en tempêtes. D’autres fois, elle sera calme, sans aucun souffle dans les voiles de l’embarcation. D’autres fois encore par contre, le petit de l’homme – qui devient homme avec les ans qui passent -, ira de l’avant, sans encombre, presque joyeux. Et cela, parce que se sentant seul maître à bord, il aura fini, inquiet tout de même, par se choisir une étoile pour se guider et échapper, du moins le croira-t-il, à l’inconnu effrayant qui tient les rênes de son destin. C’est là le propre du défi d’être…
Mais il est un peuple à part dont l’océan sur lequel il a toujours vogué n’a jamais connu de calme plat, mais au contraire, que d’horribles tempêtes l’entraînant toujours dans une suite irrépressible de naufrages. Ce peuple, c’est le peuple juif, évidemment ! A-t-on envie d’ajouter et « le défi d’être… Juif » va être ainsi plus prégnant pour lui que pour les autres peuples, à cause justement de cet acharnement répété sur son destin. Mais lui, plus que tous les autres, il s’est choisi une étoile qui lui a permis de mieux tenir le cap tout simplement parce qu’elle a initié, il y a plus de 5 000 ans, un profond dialogue avec lui et l’a désigné comme son propre peuple, un peuple à qui il a confié la mission d’instructeur des autres peuples. Ce n’est pas rien !
Or voilà qu’aujourd’hui, la lumière de cette étoile, hier si puissante et si réconfortante, s’estompe de jour en jour jusqu’à presque disparaître, même si certains la perçoivent encore distinctement. Et c’est alors le sens de l’existence du peuple juif qui disparaît, et avec lui, la pénombre qui s’impose, la perte de tout repaire et avec elle, l’éparpillement de la communauté et l’apparition d’une multitude de clans, même pas capables de s’entendre comme ils s’étaient entendus, certes dans la perversion, au temps du Veau d’or. C’est l’époque des Laïcs, des renonciateurs, du troupeau dispersé sans âmes, à deux pas du précipice.
Mais alors, qu’est-ce qui pousse Jérémie, le héros du roman qui vit en banlieue parisienne, à écarter à grands coups d’esprit le brouillard qui cache la lumière de l’étoile ? Bref, pourquoi s’engage-t-il lui, comme un volontaire en temps de guerre, à contre-courant de la doxa ? Pourquoi en fait, renoue-t-il lui, avec « le défi d’être … Juif », c’est-à-dire de marcher sur le chemin de la Guéoula Chéléma ? Pourquoi décide-t-il, presque sur un coup de tête, de risquer s’engouffrer dans ce qu’on a appelé le martyrologe juif, cet océan perpétuellement en tempêtes, finissant donc toujours en milliers de naufrages ?
D’abord, parce que le hasard – sa circoncision – le fait découvrir juif. Ensuite, parce que son meilleur ami Daniel est juif, avec des parents juifs de tradition, et qu’il va l’aider dans cette voie. Et cette voie va alors carrément le plonger dans une exaltation salvifique, alors qu’étrangement, Daniel progressivement va suivre la voie inverse, c’est-à-dire se déjudaïser, et aller ainsi d’échec en échec, comme si son retrait du judaïsme s’apparentait à une immense punition. Heureusement, quelque temps avant sa mort, dans le combat contre le Hamas après le 7 octobre, grâce à l’amour d’une jeune femme très croyante, il renouera avec le judaïsme, comprenant alors avec Jérémie que rien ne vaut mieux que de suivre la voie proposée par Hashem aux enfants que Celui-ci a élus.
Pour l’auteur du livre, « Le défi d’être… Juif », c’est se dire :
« On m’a placé là alors que je n’avais rien demandé et l’on m’a enjoint de passer ce temps qu’on m’a imparti. Alors le défi d’être, et pour que ce temps, ma vie donc, ne s’analyse pas en une pauvre absurdité, c’est de l’affronter, de la prendre au cou, de la serrer pour dire que je triomphe. Or je sais, en même temps, que je ne suis pas seul, que celui qui me met face à ce défi me soutient, paradoxalement ! Qu’il fait que ma vie et mon combat ont un sens ».
Les parents de Jérémie, qui sont juifs, ont été traumatisés – le mot est encore trop faible ! – par la Shoah. Sur l’océan, une immense partie du peuple juif a sombré dans les profondeurs froides du néant. Et beaucoup de Juifs se sont dits alors que cette fois, ce n’était plus possible, que l’horreur exterminatrice était allée beaucoup trop loin ; et qu’il était désormais urgent de renoncer, surtout pour les enfants, qui devaient vivre comme tous les enfants du monde ; et qu’enfin, « le défi d’être… Juif », était désormais fini pour eux, qu’ils se contenteraient… d’avoir celui des autres, en toute simplicité, sans revendication d’aucune originalité, cette originalité qui n’avait été jusque-là qu’un boulet accroché au pied de tous les Juifs, comme s’ils avaient plus péché que les autres.
Mais Jérémie est un adolescent, et donc un rebelle. Il ne l’entend pas ainsi : lui deviendra Juif et jusqu’à devenir rabbin, n’en déplaise à ses parents, surtout à sa mère, puisque son papa lui, est bien plus ouvert d’esprit. Son inconscient collectif, c’est-à-dire ses puissantes racines juives vibrantes en son esprit, lui ont livré l’intuition exacte du chemin qu’il devait suivre : « l’année prochaine à Jérusalem ! ». Il accomplira son alyah. Il a senti à travers elle le sens infini de son existence, infini parce qu’il a compris en un instant qu’il était en fait le souffle de Hashem qui se manifestait en lui et l’interpelait. Mieux ! Il a compris que le Créateur l’aidait à braver le défi que Lui-même avait assigné aux hommes. Tout « Le défi d’être… Juif » est là : dans la symbiose parfaite entre le Créateur et sa Création. « Le défi d’être… Juif », c’est une adéquation parfaite, mathématique même ! Entre ce qu’Unamuno appelait « le sentiment tragique de la vie » qui a trouvé un sens qui fait que tout devient ordre presque parfait, et ainsi satisfaction générale. Bref, « Le défi d’être… Juif », c’est d’avoir tout compris et être tout simplement heureux. En conclusion, « Le défi d’être… juif » est un espoir pour les Juifs et même pour les Laïcs, étant entendu que vibre toujours en chacun d’eux un brin de judéité. C’est même une voie à suivre, non seulement spirituelle, mais surtout peut-être, une voie politique dont Israël jamais ne devrait s’écarter.
Merci à Thérèse Zrihen-Dvir de nous avoir conduits vers cette évidence !
Cette œuvre, l’auteur espère la publier en trois langues : Français, Anglais et Hébreu
Philippe Arnon