La diffamation de Damas a commencé en 1840 et constitue un prototype de la manière dont les fausses nouvelles sur les Juifs se propagent comme une traînée de poudre, laissant un territoire dévasté sur son passage.
L’affaire de Damas de 1840, souvent appelée « diffamation antisémite de Damas » ou « affaire du crime rituel de Damas », est un événement historique marquant qui illustre la résurgence de l’antisémitisme sous la forme d’une fausse accusation de meurtre rituel.
Voici un résumé précis de ce qui s’est passé :
- Le 5 février 1840, à Damas (alors sous contrôle égyptien de Méhémet Ali), un moine capucin italien, le père Tommaso da Calangiano, et son domestique, Ibrahim Amara, disparaissent sans laisser de traces.
- Rapidement, une rumeur se répand parmi les chrétiens locaux, notamment les « Grecs » (chrétiens de rite orthodoxe), accusant la communauté juive d’avoir assassiné les deux hommes pour utiliser leur sang dans des rituels liés à la Pâque juive — une vieille calomnie antisémite connue sous le nom de « diffamation de sang » ou « blood libel », née en Europe médiévale.
- Le consul de France à Damas, Ulysse de Ratti-Menton, joue un rôle central dans cette affaire. Soutenant les accusations, il supervise une enquête menée par les autorités égyptiennes.
- Plusieurs membres de la communauté juive, treize au total, sont arrêtés, interrogés sous la torture, et certains « avouent » sous la contrainte.
- Des violences éclatent : des synagogues sont pillées, des propriétés juives saccagées, et la situation dégénère en pogroms locaux.
- Ratti-Menton fait même publier un texte en français et en arabe reprenant ces accusations, renforçant leur légitimité apparente.
L’affaire prend une dimension internationale lorsque les Juifs d’Europe occidentale, horrifiés par ces événements, se mobilisent. Des figures comme Adolphe Crémieux (France) et Moses Montefiore (Royaume-Uni) interviennent auprès de Méhémet Ali pour demander la libération des accusés. Sous la pression diplomatique, notamment de l’Autriche et d’autres puissances rivales de la France, les prisonniers survivants (neuf sur treize, quatre étant morts sous la torture) sont libérés le 28 août 1840.
Plus tard, en novembre 1840, après le retour de Damas sous contrôle ottoman, le sultan Abdülmecid Ier publie un décret dénonçant officiellement la diffamation de sang comme une calomnie sans fondement.
Cet épisode est considéré comme un tournant dans l’histoire juive moderne
Il révèle la persistance de préjugés antisémites médiévaux, même dans un contexte « éclairé » du XIXe siècle, et préfigure des affaires comme celle de Dreyfus en France. Il marque aussi une prise de conscience chez les communautés juives d’Europe, qui commencent à s’organiser collectivement face à l’antisémitisme, contribuant à la création ultérieure de l’Alliance Israélite Universelle en 1860.
En résumé, la diffamation antisémite de Damas de 1840 est un cas emblématique d’accusation mensongère qui a ravivé des stéréotypes antijuifs, amplifié par des acteurs officiels comme le consul français, avant d’être démentie par une mobilisation internationale.
Conclusion
Ulysse de Ratti-Menton n’a pas été un spectateur passif mais un instigateur clé de la diffamation antisémite de Damas de 1840, utilisant son autorité pour légitimer une accusation fabriquée de toutes pièces qui a conduit à la torture, à la mort et à des souffrances généralisées, jusqu’à ce que l’indignation internationale impose une résolution.
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24 7.org

