Je suis sidéré par l’organisation et l’ampleur des émeutes et celle des décisions extrêmes prises par les différentes composantes de l’opposition, aussitôt qu’une Knesset (chambre de députés) de majorité de droite a été élue et que le gouvernement de Benjamin Netanyahou a été formé.
La gauche, qui prônait une démocratie libérale et tolérante et qui a œuvré à la renaissance de l’état juif d’Israël, l’a dirigé pendant les 30 premières années d’indépendance.
Un peu partout en Occident cette gauche d’après guerre n’a pas réussi à juguler tous les problèmes nés après les années de développement rapide, appelées « les 30 glorieuses ». Et progressivement cette gauche a perdu son aura, s’engluant dans la doctrine et, depuis peu, dans le « wokisme », le politiquement correct et le langage admis.
En Israël, la gauche a réussi à conquérir nombre de domaines depuis la justice jusqu’à l’information en passant par l’éducation, l’université, les start-up et tutti quanti. Dans ces conditions, pour une intelligentsia installée de longue date, perdre la Knesset et le pouvoir politique est une véritable humiliation.
En 75 ans, la population d’Israël a été multipliée par 12 et la démographie change la société. Une immigration venant de plus d’une centaine de pays, l’accroissement des naissances, notamment en milieu religieux, et une vie plus longue ont engendré une nouvelle structure de la société et la « gauche » politique n’est plus assurée de toujours dominer.
La gauche a perdu la majorité à la Knesset aux élections de novembre 2022. Du fait de l’évolution de la démographie, elle n’a pas de certitude de la retrouver. Il ne lui reste plus qu’un seul moyen rapide pour récupérer le pouvoir, faire appel à la rue, à la première opportunité (1). Car, à travers ses différents organes établis dans le pays depuis plus d’un siècle, la gauche a les moyens de mobiliser un maximum de partisans protestataires en peu de temps.
L’opportunité de la « réforme judiciaire » est venue à point nommé pour déclencher la reprise du pouvoir par la rue, selon un processus classique prévu à l’avance, la mise en œuvre d’une structure pyramidale : au sommet un petit nombre de manipulateurs (2), puis les cadres, les chefs d’organisations, groupes, syndicats…, suivis de la masse de militants de la gauche endoctrinée, et en bas celle de la foule embrigadée par une désinformation massive.
Avec un narratif rôdé et largement diffusé par un grand nombre de medias acquis à la cause, un narratif agitant le danger irréel de perte de la démocratie et de dictature,
Avec un appel à la désobéissance civile, à la rébellion, voire à la guerre civile, par des gens d’autorité, tels que des généraux à la retraite…,
Avec un financement de centaines de milliers de drapeaux, d’une gigantesque campagne d’affichage couvrant les rues des cités et des routes, de cabinets publicitaires…(3)
En l’espace de quelques mois presque 10% de la population est dans la rue ou manifeste d’une manière ou d’une autre, en cessant de travailler ou de se présenter sous les armes, ou en semant le chaos.
De plus sans vergogne, la gauche a fait appel au président américain et à l’Union européenne pour faire pression sur le gouvernement élu afin qu’il renonce à son projet de réforme, une ingérence inadmissible dans un véritable esprit de démocratie.
Or cette réforme était désirée par la majorité de la population, dans toutes les mouvances politiques. En restreignant l’usage abusif du critère de « raisonnabilité », qui permettait aux juges de la Cour suprême d’annuler n’importe quelle loi, mesure ministérielle ou décision publique, aux motifs qu’elle ne serait pas raisonnable, de manière arbitraire et sans aucun fondement légal, la Knesset va rendre au gouvernement élu un peu du pouvoir qui lui a été confisqué. En 1993, le juge Aharon Barak avait procédé à un coup de force judiciaire, en renforçant les prérogatives d’une Cour Suprême qui lui était acquise, afin de contrer la montée de la droite, ce qui n’a jamais été fait dans aucun autre pays démocratique (4).
Et contrairement au narratif répandu dans la population, l’annulation des critères de « raisonnabilité » n’empêchera pas le contrôle juridique et ne conduira pas à une violation des droits de l’homme. La plupart des motifs de contrôle en droit administratif demeureront… L’abrogation des critères de vraisemblance exigera du tribunal qu’il contrôle les décisions fondées sur des bases juridiques solides, et non sur les visions du monde ou les préférences opposées de juges nommés à vie et non élus, et laissera les décisions de valeur aux représentants élus.
Le prochain objectif de la réforme est de redéfinir le « Comité de sélection des juges », avec si possible un large consensus, si l’opposition recherche réellement une solution et accepte l’idée de négocier (5).
Pour le moment on se trouve devant une escalade protestataire et la poursuite des appels à l’insubordination et à la rébellion, voire devant une dangereuse haine gratuite.
Pris en tenaille par des états et des milices ennemis à la solde de l’Iran, si Israël est affaibli de l’intérieur, il disparaîtra comme il a disparu à différentes reprises dans le passé millénaire.
On peut conclure avec Shmuel Trigano : « Le peuple juif se tient à un carrefour de son destin. La majorité silencieuse doit se ressaisir. Et il n’y a aucune fatalité ! »
Notes
(1) Un clip vidéo a fait surface, montrant Barak en mars 2020 s’adressant au « Forum 555 », un groupe de pilotes et de navigateurs retraités de l’armée de l’air israélienne.
Le plan prévu consistait à inciter la population civile à se révolter en affirmant faussement que la démocratie israélienne était en danger. Ehoud Barak a déclaré : « J’ai un ami historien qui m’a dit un jour : « Ehoud, ils feront appel à toi pour diriger lorsque des cadavres flotteront dans la rivière Yarkon ». Mais je tiens à souligner que ces cadavres ne seront pas ceux de travailleurs infiltrés depuis les « territoires », ni ceux d’Arabes israéliens. Les corps qui flotteront seront ceux de Juifs tués par des Juifs ».
Voilà un homme qui a été Premier ministre, chef du renseignement militaire et chef de l’état-major général de Tsahal et qui exhorte à une insurrection de masse et à une guerre civile qui, selon lui, se traduirait par des juifs tuant des juifs – parce que cela le mènerait au pouvoir.
Dans toute démocratie digne de ce nom, Barak serait en prison pour sédition. La ministre israélienne des transports, Miri Regev, a demandé l’ouverture d’une enquête judiciaire sur Barak et Forum 555. Mais elle a adressé sa demande au procureur général, Gali Baharav-Miara. Accédera-t-elle à une telle demande ? Très peu probable.
(source : Melanie Phillps, journaliste anglaise)
(2) Selon des experts, il y aurait Ehoud Barak, l’avocat Gilead Scher, Dan Haloutz, Yaïr Lapid, Nadav Argaman …
(3) Selon la revue « Tablet », il existe des preuves d’un financement américain au sommet, notamment par le milliardaire Soros et diverses ONG…
(4) Le juge Aharon Barak est à l’origine de trois évolutions fondamentales de la Cour, devenue en quelque sorte « le gouvernement des juges » :
Un, n’importe qui peut agir devant la Cour suprême, même sans aucun intérêt à agir, même une ONG financée depuis l’étranger, contre n’importe quelle décision administrative ou loi.
Deux, il n’existe aucune limite à ce dont la Cour peut connaître. Tandis que les cours occidentales reconnaissent l’existence de matières dans lesquelles elles n’ont rien à dire — le budget, les affaires étrangères — la Cour du juge Barak n’hésite pas à intervenir sur tous les sujets, sans aucune exception.
Trois, la Cour suprême d’Israël annule une décision dès lors qu’elle lui paraît ‘déraisonnable’.
(Source : Drieu Godefridi pour Dreuz.info)
(5) Selon Jonathan S. Tobin, politologue américain : « Les appels à l’unité sont louables. Mais la démocratie ne consiste pas tant à mettre tout le monde d’accord qu’à faire des choix décidés par le résultat des élections. Au lieu de supposer que Netanyahou doit reculer, ses opposants devraient peut-être considérer que si le pays doit être sauvé du chaos, c’est peut-être eux qui devraient ravaler leur déception et attendre les prochaines élections en espérant que leur camp gagne afin de pouvoir travailler à l’adoption d’une législation différente. Quoi que l’on pense de l’effort de réforme judiciaire, la seule position défendable pour ceux qui observent de loin devrait être de respecter le droit du peuple israélien et de ses représentants élus à se gouverner eux-mêmes ».
© Albert Soued, écrivain, http://symbole.chez.com pour www.nuitdorient.com
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