Dans une lettre adressée à son homologue israélien, le président Trump demande au président Herzog d’accorder le pardon au Premier ministre Netanyahou, affirmant que les poursuites contre lui ne sont que des attaques politiques déguisées, à l’instar des nombreux procès dont il a également été victime, où la justice a été détournée en arme politique. Vous connaissez cela également en France, me semble-t-il.
Suite à cela, il a été porté à mon attention que certains, en Israël, reprochent à Trump cette demande, car elle équivaudrait à une reconnaissance de culpabilité.
Ils se trompent. Le droit est une science, et Internet ne transforme pas un observateur en spécialiste du droit constitutionnel.
Aux Etats-Unis
Demander une grâce ne signifie pas nécessairement reconnaître la culpabilité. La décision de la Cour suprême dans l’affaire Burdick c. États-Unis (1915) a établi qu’une grâce entraîne une « imputation de culpabilité » et que l’acceptation d’une grâce peut être considérée comme un « aveu de culpabilité », mais il ne s’agit pas d’un aveu juridique formel.
L’acceptation d’une grâce est souvent interprétée comme une reconnaissance pratique des accusations, mais elle ne constitue pas juridiquement un aveu de culpabilité.
Dans le contexte de la demande de Trump pour Netanyahu, il s’agit davantage d’un soutien politique que d’une reconnaissance de culpabilité.
En Israël
1. Nature du pardon présidentiel en Israël
Le Président de l’État d’Israël dispose, selon l’article 11(b) de la Loi fondamentale : le Président de l’État, du pouvoir de :
« Accorder une grâce à des délinquants et alléger des peines par commutation ou réduction. »
Ce pouvoir est discrétionnaire et indépendant du processus judiciaire.
- Il peut être exercé avant ou après condamnation.
- Il n’efface pas nécessairement la culpabilité (sauf décision explicite d’effacement de la condamnation).
- Le pardon est un acte de clémence, ce n’est ni une déclaration d’innocence ni une reconnaissance de culpabilité.
Le Président Herzog a un pouvoir de grâce très large, qui peut prendre plusieurs formes :
| Type de grâce | Effet juridique | Exemple concret |
|---|---|---|
| Commutation de peine | Réduction ou suppression de la peine (mais la condamnation reste au dossier) | Sortie anticipée de prison |
| Effacement de condamnation (pardon complet) | Suppression de la condamnation du casier judiciaire | Rare, réservé à des cas exceptionnels ou humanitaires |
| Pardon avant condamnation | Interrompt les poursuites, mais ne statue pas sur la culpabilité |
Le président peut donc effacer la condamnation, mais doit le préciser expressément dans le décret de grâce.
2. Si le pardon intervient avant condamnation
Israël, contrairement aux États-Unis, n’a pas de tradition d’accorder des grâces préventives (avant verdict), mais cela reste juridiquement possible.
Dans ce cas :
- Le pardon mettrait fin aux poursuites,
- Mais n’équivaudrait pas à une reconnaissance de culpabilité,
- Il serait plutôt interprété comme un acte politique ou humanitaire, pas juridique.
3. Si la grâce est demandée par un tiers (comme ici)
Une demande émanant d’un chef d’État étranger (Donald Trump) n’a aucune valeur juridique en Israël (heureusement) — c’est une intercession politique, pas une requête de justice.
Elle ne reconnaît aucune culpabilité de la part de Benjamin Netanyahou.
Au contraire, dans la logique du texte de la lettre, Trump présente Bibi comme victime d’une « affaire politique ».
4. Exemples où la grâce présidentielle ne signifiait pas la reconnaissance de culpabilité
Ehud Olmert (2000)
- En 2000, des discussions internes ont eu lieu au ministère de la Justice concernant la possibilité de gracier préventivement l’ancien Premier ministre Ehud Barak, visé par des enquêtes de corruption à la fin de son mandat.
→ L’idée a été écartée, mais les juristes israéliens ont confirmé que le président aurait pu le faire légalement,
→ Et que cela n’aurait pas constitué une reconnaissance de culpabilité, puisqu’aucun procès ni verdict n’avaient eu lieu.
Aryeh Deri (1993)
- Ministre de l’Intérieur condamné pour corruption.
- Libéré en 2002, il a obtenu en 2013 une réhabilitation partielle de son casier pour pouvoir se représenter.
- Le décret de grâce n’a pas mentionné de culpabilité, mais a invoqué : « les années écoulées, la réinsertion et les services rendus à l’État »
- En d’autres termes : le pardon n’effaçait pas la condamnation morale, mais ne réaffirmait pas non plus la culpabilité.
→ Juridiquement, neutralité absolue sur la faute.
Rehavam Ze’evi et le dossier « Sabra et Chatila » (1983)
- Certaines personnes impliquées ont reçu des grâces administratives pour des fautes présumées commises dans un contexte militaire controversé.
- Ces grâces ont été présentées comme des gestes de réconciliation nationale,
→ Sans mention ni reconnaissance de culpabilité,
→ Et avant toute condamnation formelle.
En résumé
Si le président Herzog décidait de gracier Netanyahou, cela pourrait :
- Mettre fin aux poursuites,
- Ne pas le déclarer coupable,
- Et selon la formulation du décret, soit effacer la condamnation, soit simplement lever les sanctions ou poursuites.
La Haute Cour peut annuler le pardon
La Haute Cour de Justice israélienne (Bagatz) peut théoriquement annuler un pardon présidentiel, mais uniquement dans des cas extrêmes d’abus de pouvoir, et cela n’a encore jamais été fait dans la pratique, car le pouvoir du président, en la matière, est discrétionnaire, et qu’il n’est pas encadré par une procédure spécifique.
Conclusion
La demande de Trump est donc davantage un geste politique, et elle n’est pas une reconnaissance formelle de culpabilité de la part de Netanyahu, d’autant qu’il décrit clairement ces poursuites judiciaires comme une « attaque politique injustifiée ».

Cher Monsieur le Président,
C’est un honneur pour moi de vous écrire en ce moment historique, alors que nous venons, ensemble, d’instaurer une paix recherchée depuis au moins 3 000 ans. Je tiens à vous remercier, ainsi que tous les Israéliens, pour votre hospitalité généreuse et chaleureuse, et j’aborde ici un sujet clé de mon discours à la Knesset.
Alors que le grand État d’Israël et le remarquable peuple juif sortent d’une période extrêmement difficile qui a duré trois ans, je vous invite à accorder votre pardon total à Benjamin Netanyahou, qui a été un Premier ministre formidable et déterminé en temps de guerre et qui conduit aujourd’hui Israël vers une période de paix, dans le cadre de laquelle je poursuis mon travail avec les principaux dirigeants du Moyen-Orient afin d’ajouter de nombreux autres pays aux accords d’Abraham qui changent le monde.
Le Premier ministre Netanyahou a défendu Israël face à de puissants adversaires et à des obstacles de taille, et son attention ne doit pas être détournée inutilement.
Bien que je respecte absolument l’indépendance du système judiciaire israélien et ses exigences, je pense que cette « affaire » contre Bibi, qui a longtemps combattu à mes côtés, notamment contre l’adversaire très coriace d’Israël, l’Iran, est une attaque politique injustifiée.
Isaac, nous avons établi une excellente relation, dont je suis très reconnaissant et honoré, et nous avons convenu dès mon investiture en janvier que l’accent devait être mis sur le retour des otages et la conclusion de l’accord de paix.
Maintenant que nous avons obtenu ces succès sans précédent et que nous tenons le Hamas en échec, il est temps de permettre à Bibi d’unir Israël en lui accordant son pardon et en mettant fin une fois pour toutes à cette campagne judiciaire.
Je vous remercie de l’attention que vous porterez à cette question.
Cordialement,
DONALD J. TRUMP
PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE


Je compare un peu cette affaire à celle de SARKO qui ne voulait surtout pas être grâcié , il préférait la prison pour que la vérité soit prouvée .