Dehors, l’air chargé des vents et des senteurs de l’automne, la guerre fait rage. Là, tout au long de la bordure qui sépare la bande de Gaza des villages et des kiboutzim israéliens, détruits et saccagés, des chars sommeillent, en attente d’entrer en action.
Le centre du pays semble figé. La population est plus ou moins confinée sous la crainte des attaques de roquettes. Les écoles n’opèrent que dans les régions du centre, les moins touchées. Le nord du pays, tout comme le sud, est vidé de sa population.
Tous les Israéliens jeunes et vieux se sont alignés au front, avec pour unique slogan «Nous nous battons pour notre maison».
Ils sont des orthodoxes avec leurs papillotes et leurs tsitsit ketana (châle de prière blanc) dont la frange échappe de leurs chemises militaires vert-foncé, leurs mitraillettes en bandoulière. Ils sont des Éthiopiens au teint plombé, des Scandinaves blonds aux yeux bleus, des sépharades aux cheveux bouclés et au regard taquin, des ashkénazes étonnés, aux yeux brillants… tous affublés de leur uniforme de guerre, tous forment un cercle qui chante et danse sous tous les refrains… tous se regardent comme des frères qui s’aiment et se découvrent… avant de lancer d’une voix glorieuse :
«Écoute Israël, HaShem est notre Dieu, HaShem est UN»
Il y a aussi des Druzes et des Bédouins qui se sentent israéliens et déclarent de vive voix qu’Israël est aussi leur demeure.
C’est l’armée d’Israël.
Chaque soldat sait qu’il se bat pour son unique foyer comme le disait si bien Golda : «Nous n’avons nulle part où aller».
Autour, tous ceux qui ne se sont pas mobilisés se sont rassemblés pour préparer des repas chauds aux soldats, d’autres ont amené des lessiveuses automatiques pour permettre aux soldats de changer d’uniforme… Les mères dans leur cuisine, se sont réunies pour cuire des gâteaux, des biscuits… même Tsipi Shavit, la célèbre comédienne israélienne, s’est attelée à préparer un plat géant de viande de poulet dans son four… Elle fait partie de cette autre armée de civils qui ne demande qu’à prendre part au combat, à sa manière, avec pour uniques armes, des marmites, des fourchettes et des cuillères.
Alors que sur l’écran de la télévision, nous regards appréhensifs observent la longue liste des villes israéliennes sous attaque à la roquette, la speakerine, nous invite à assister à un mariage improvisé d’un soldat avec sa dulcinée. Il se tient debout auprès de la mariée, la mitraillette en bandoulière… kippa épinglée à ses cheveux, portant son uniforme de combat… Elle, en mariée, la tête voilée, vêtue d’une longue robe blanche.
Une cérémonie brève, amusante, cocasse, mais si émouvante… même dans le cachot d’une guerre, l’amour triomphe.
Il y a dans des hangars temporaires, des montagnes de paquets que des donneurs résolus ont amoncelés, contenant des victuailles, des savons, des paquets de lingettes, des tubes de dentifrice, des rasoirs et même un coiffeur ambulant bénévole pour traiter les chevelures des soldats ou leur barbe. C’est un essaim de personnes, où chacun est prêt à offrir tout ce qu’il possède ou ne possède pas… Des mains ouvertes, leurs mains qui ne demandent qu’à offrir…
En les observant, je me souvins de notre patriarche Abraham qui implora le Tout-Puissant de prendre sa vie et d’épargner celle de son fils, Isaac…
C’est cet amour baroque, immense du père envers son enfant qui nous imprime et qui nous fait monter les larmes aux yeux… Et ils sont tous là, ces pères et ces mères, de jour comme de nuit, défiant les roquettes et l’intempérie…
En somme, c’est tout Israël, un seul cœur qui bat, et qui s’est mué en une armée hétéroclite, qui rit et pleure à la fois, qui repousse de toutes ses forces la tristesse, le désespoir, pour insuffler à ses enfants, petits et grands, la formule inattaquable, que la vie sera ce que nous déciderons qu’elle soit… On la dédiera à l’amour, à la simplicité, à l’humilité, à la compassion qui sans doute atteindra le Tout-Puissant, baméromim – là-haut dans les hauteurs des cieux.
Nous vaincrons s’écrient-ils tous, car nous aimons la vie, nous aimons Dieu par-dessus tout…
Et pendant que la liste des héros tombés sur le champ de bataille se rallonge, on essuie rapidement ces larmes qui jaillissent de nos yeux pour nous concentrer sur le visage radieux de la mariée et celui réjoui du marié qui devra retourner à son régiment, tout de suite après avoir enfilé une bague/alliance au doigt de sa toute nouvelle épousée.
Un baiser léger sur les lèvres mouillées de la jeune femme, des bras qui s’étreignent et doivent se désenlacer… nous abandonnant à nos rêves et à nos craintes…
Pas de lune de miel… mais une bénédiction de toute l’assemblée… «Seigneur protégez-les !!!»
© Thérèse Zrihen-Dvir, repris de son blog.