Israel247.org : Pierre Lurçat, pourquoi Jabotinsky est-il presque inconnu de la jeunesse israélienne, pourquoi elle est pourtant très jabotinskyenne?
P.L. Je pense qu’il y a là à la fois une ignorance générale de l’histoire et un phénomène propre à l’histoire du courant sioniste de droite, qui a longtemps été ignoré, diabolisé, ou minimisé dans le meilleur des cas. Concernant votre deuxième question, effectivement la jeunesse en Israël est pour ainsi dire « naturellement » proche des idées de Jabotinsky, même lorsqu’elle ne le connait pas. Cela tient au fait que Jabotinsky prônait une politique réaliste et marquée au coin du bon sens. Il avait même fait l’éloge de la « cervelle » non-juive (Goyisher kopf) qu’il opposait au pilpoul juif, souvent éloigné des réalités.
A quel point la politique Netanyahou s’approche ou pas de sa doctrine ?
P.L. C’est une question complexe… Je suis convaincu, après avoir longtemps réfléchi à cette question, que Nétanyahou se considère comme un héritier de Jabotinsky et qu’il l’est dans une certaine mesure. Il l’est ainsi lorsqu’il poursuit depuis des décennies une politique ferme sur le dossier iranien, ou lorsqu’il signe les accords Avraham, dans les deux cas en appliquant la doctrine du Mur de fer. Il faut lire à ce sujet son autobiographie récemment parue en Israël, où l’on découvre ce qu’il doit à son père, lui-même proche disciple de Jabotinsky.
Le dossier sur lequel Nétanyahou s’écarte de la pensée de Jabotinsky est à mon avis celui des inégalités sociales et de l’économie en général.
Comme beaucoup d’hommes politiques de la droite israélienne, il est convaincu qu’on ne peut être de droite qu’en étant libéral (en économie). Or Jabotinsky montre justement qu’il existe une troisième voie, ni socialiste ni capitaliste, inspirée de la Bible hébraïque, comme je l’ai montré dans mon recueil de textes, La rédemption sociale*.
* Le Mur de Fer et La rédemption sociale sont tous deux publiés dans la collection La bibliothèque sioniste, aux éditions L’éléphant.