Il se passe des choses stupéfiantes en France.
Un « humoriste » antisémite, qui traite le Premier Ministre israélien de « nazi sans prépuce », ne reçoit qu’un simple avertissement de la direction de France Inter. Un autre « humoriste » sert de conseiller au président français et lui recommande de ne pas aller manifester contre l’antisémitisme pour ne pas enflammer les banlieues. Une exposition intitulée « Ce que la Palestine apporte au monde » est prolongée en raison de son succès, et l’antisémitisme atteint de nouveaux sommets. Mais le plus désolant est sans doute de voir un commentateur médiatique juif, qui depuis trente ans se fait passer pour « pro-Israélien », défendre bec et ongles la politique arabe de la France et l’attitude de plus en plus hostile du président Macron envers Israël.
Alors que la position de la France dans la guerre lancée par le Hamas contre Israël suscite l’indignation générale, il faut écouter l’interview qu’a donnée Frédéric Encel sur Radio France Internationale. Il s’y livre à un plaidoyer pro-Macron et pro-Quai d’Orsay, qui n’étonnera que ceux qui croyaient encore que Frédéric Encel défendait des valeurs proches de celles d’Israël. Plutôt que de longs commentaires, mieux vaut livrer au lecteur la transcription des moments clés de cette interview, sobrement intitulée : « Dans le discours diplomatique français, il y a une volonté d’originalité ».
Verbatim :
F. Encel. « Le discours diplomatique français a évolué de manière relativement logique… Je m’inscris en faux par rapport à beaucoup d’observateurs qui considèrent que la politique d’Emmanuel Macron est erratique… En réalité il y a une volonté d’originalité, avec deux faits marquants qui ont paru contradictoires mais qui me paraissent assez cohérents. Le premier c’est la proposition française d’une coalition internationale contre le Hamas, façon Daech. Même Biden ne l’a pas proposé. Et puis la demande assez originale d’un cessez-le-feu… Ce cessez-le-feu correspond finalement après cinq semaines de guerre à quelque chose d’assez banal… Il y a une quête d’originalité, quant à l’efficacité des propositions françaises, c’est difficile de préjuger de leur succès
RFI : La France a appelé à une trêve humanitaire à Gaza, puis à un cessez-le-feu, c’est quand même un changement de position ?
F.E. : Oui, vous avez raison… Mais c’est un changement qui paraît cohérent avec la durée, l’ampleur et la nature de la guerre. Une trêve humanitaire, cela signifie laisser souffler la plus grande partie de la population civile palestinienne, qui évidemment n’est pour rien dans les massacres du 7 octobre.
RFI : Ces changements de sémantique que vous estimez logiques, Frédéric Encel, ne sont-ils pas dus à la peur d’une importation du conflit sur le territoire français ?
F.E. : Je vais vous dire quelque chose d’assez fort, avec beaucoup de vigueur… La France est un Etat souverain, c’est en principe une puissance considérable. L’instrumentalisation de la cause palestinienne c’est juste intolérable ! (…) Je ne pense pas pour l’instant qu’Emmanuel Macron joue la partition de la France au Proche-Orient en fonction de la paix civile sur le sol de la République…
RFI : Mais est-ce que la position de la France dans ce dossier est vraiment si différente de celle des alliés occidentaux de la France ?
F.E. : Eh bien non, non seulement elle n’est pas très différente, mais elle n’est pas différente de celle qui prévalait depuis 1967… En réalité, le Quai d’Orsay et l’Elysée ont maintenu systématiquement la même position française depuis 1967, qui d’ailleurs est une position onusienne, c’est la solution des deux Etats, moyennant une sécurité et des frontières sûres et reconnues pour Israël… Il n’y a rien de nouveau. On le dit peut-être avec moins de conviction. La France comme d’autres Etats ont considéré avec raison que ce conflit était devenu un simple contentieux local… »
Mais le meilleur est pour la fin (In cauda venenum !) :
RFI : Frédéric Encel, on apprend ce matin que plusieurs ambassadeurs de France au Moyen-Orient disent regretter le virage pro-israélien d’Emmanuel Macron dans ce dossier, c’est quelque chose de nouveau ?
F.E. : Oui, c’est vrai… Le Quai d’Orsay n’est pas, contrairement à ce que fantasment beaucoup de gens, super pro-arabe… Il tient compte des réalités. Il y a 22 Etats arabes, il y a un Etat juif c’est Israël et on considère chez ces diplomates que la France est en train de perdre une partie de son influence dans le monde arabe ».
Non, M. Encel, la politique étrangère d’Emmanuel Macron n’est ni logique, ni originale, ni cohérente et le Quai d’Orsay ne tient pas « compte des réalités ».
Non, M. Encel, la population civile de Gaza n’est pas innocente des crimes du Hamas, nombreux sont ceux qui y ont participé et encore plus s’en sont réjouis, à Gaza comme à Ramallah.
Oui, M. Encel, « Emmanuel Macron joue la partition de la France au Proche-Orient en fonction de la paix civile sur le sol de la République », c’est son conseiller banlieues, Yassine Bellatar, qui l’a confirmé.
Si le Quai d’Orsay a trahi l’amitié franco-israélienne, cela ne rend pas sa politique plus respectable. Quand Israël se bat pour sa survie, chacun a le droit d’espérer que les démocrates du monde entier se rangent à ses côtés.
Aujourd’hui, défendre la politique étrangère d’Emmanuel Macron au Proche-Orient n’est pas seulement une erreur politique. C’est une faute morale.
Après avoir écouté Frédéric Encel encenser la politique étrangère française et flatter Charles Enderlin sur BFM TV, reste à se demander ce qu’il attend de ses flagorneries.
Un poste au Quai d’Orsay ?
Une ambassade ?
Des contrats bien rémunérés ?
Se réconcilier avec Pascal Boniface ?
Ah, qu’il est loin le temps où Frédéric Encel signait ses messages par « Salutations Jabotinskiennes » !
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