Voilà un sujet de la plus haute importance pour la sécurité nationale et pour la vie quotidienne de chaque Israélien. Comme il est relativement complexe et technique, je vais tenter de vous le présenter de manière la plus simple possible, mais vous devez me suivre sans sauter de lignes…
Le gouvernement Bennet débattra ce dimanche 6 février de l’appel du ministre des Affaires étrangères et Premier ministre suppléant Yair Lapid (Yesh Atid) contre la décision du Comité ministériel de la législation de soutenir la loi sur la citoyenneté soumise par le député Simcha Rothman (Sionisme religieux), ainsi que d’un appel similaire déposé par la ministre Tamar Zandberg (Meretz) contre le projet de loi, qui est promu par la ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked (Yamina).
Un sujet de société fondamental
Shaked veut interdire la naturalisation des Arabes de l’AP, Lapid et Meretz veulent l’autoriser, et la décision aura un impact fort sur la société israélienne en général, sur la démographie car elle réduira la proportion de juifs dans leur pays, et sur la sécurité des citoyens en particulier.
Historique
- L’ordonnance temporaire d’interdiction a été adoptée pour la première fois le 31 juillet 2003,
- Elle a été prolongée en juin 2020 pour expirer le 6 juillet 2021.
- Comme l’opposition ne voulait pas rendre la tâche du gouvernement de coalition trop facile, le Likoud s’est opposé à sa prolongation. Les critiques ont reproché que l’opposition cédait à la politique politicienne aux dépens de la sécurité nationale.
Pour aller plus loin dans la chronologie historique :
- La décision sur la citoyenneté et les limitations à l’entrée des Arabes en Israël trouve son origine dans les jours sanglants de la deuxième Intifada, dans un ordre du Cabinet de 2002 qui a gelé la question de la citoyenneté et du regroupement familial entre les citoyens israéliens et les résidents des zones gouvernées par l’Autorité nationale palestinienne.
- La décision a été prolongée mi-2005, mais son champ d’application a été limité aux familles dont le mari a moins de 35 ans et la femme moins de 25 ans.
- Elle a été testée à l’aune des lois fondamentales d’Israël – ce qui se rapproche le plus d’une constitution – après que l’Association pour les droits civils en Israël, une organisation très à gauche qui milite pour des frontières ouvertes, ait déposé en 2003 une pétition visant à la faire annuler.
- Cependant, l’ordonnance a été confirmée par une décision de la Haute Cour à 6 contre 5 en 2006, mais l’opinion minoritaire, rédigée par le juge en chef de l’époque Aharon Barak, a souligné la nature temporaire de son effet, en faisant valoir que « l’objectif approprié d’accroître la sécurité ne justifie pas un préjudice grave pour plusieurs milliers de citoyens israéliens ».
- L’ordonnance a été remise en cause une nouvelle fois en 2007, lorsque plusieurs groupes de défense des droits de l’homme et des personnalités publiques ont adressé une pétition à la Cour suprême, arguant que la loi violait le droit à la vie familiale et le droit à l’égalité des citoyens arabes d’Israël.
- En 2012, la Cour a rendu sa décision en rejetant les pétitions et en confirmant la constitutionnalité de l’ordonnance.
La majorité de la Cour a statué qu’il n’y avait pas de violation du droit à la vie familiale ou du droit à l’égalité, et que dans la mesure où ces droits ont été violés, la violation est proportionnée et donc justifiée selon la section 8 de la Loi fondamentale : Dignité et liberté de l’homme.
La majorité a expliqué que les Arabes de Judée, Samarie et Gaza sont considérés comme des ressortissants ennemis, une distinction pertinente qui justifie l’ordonnance. - A l’expiration de l’ordonnance le 6 juillet 2021, en raison de l’opposition de Benjamin Netanyahou et de Bezalel Smotrich qui cherchaient à défier et à embarrasser la droite de la coalition, et à submerger la ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked de demandes et de paperasse, le nombre de demandes de résidence d’Arabes de l’AP a considérablement augmenté.
Ce que prévoit l’ordonnance
L’ordonnance, qui n’a jamais été promulguée en tant que loi à part entière – et cette faiblesse coupable demanderait à être évaluée de manière indépendante et rigoureuse – est à échéance annuelle.
Elle dit que les habitants non-Israéliens de la Judée, de la Samarie et de Gaza sont inéligibles à l’octroi automatique de la citoyenneté israélienne, et surtout, aux permis de résidence normalement accessibles aux citoyens israéliens par le biais de ce fameux regroupement familial que la France, par exemple, a regretté d’avoir voté (dixit le président Giscard d’Estaing).
Elle n’a jamais été promulguée en tant que loi permanente, de peur que la Haute Cour ne l’annule complètement, marquant le déficit démocratique des institutions israéliennes, qui permettent à des juges non-élus, d’annuler des décisions prises par les élus du peuple.
Où en sommes-nous ?
- Le projet de loi sur la citoyenneté a été approuvé par le Comité ministériel de la législation, malgré les objections des ministres de gauche Tamar Zandberg (Meretz), Karine Elharrar (Yesh Atid) et Meir Cohen (Yesh Atid), le ministre Nachman Shai (Avoda) s’étant abstenu. Le ministre de la Justice Gideon Sa’ar, qui préside le comité, a déclaré aux opposants, y compris les députés du Ra’am :
« Vous ne serez pas en mesure d’empêcher l’approbation de cette loi. Plus vous monterez haut, plus vous tomberez bas ».
Mais Lapid a ensuite appuyé de tout son poids pour faire capoter le projet et naturaliser les Arabes de Gaza, de Judée et de Samarie, et autoriser le regroupement familial.
- Le projet de loi sur la citoyenneté du député Rothman est similaire dans son esprit au projet de loi présenté par la ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked la semaine dernière, mais il comprend des quotas et une transparence concernant la déclaration du regroupement familial pour les Arabes de l’AP.
Selon Rothman, les quotas vérifiables sont destinés à faire face « à une situation où, pour la première fois dans l’histoire de l’État d’Israël, il y a des éléments au sein de la coalition qui sont intéressés par l’entrée en Israël de résidents arabes de Judée et Samarie en grand nombre. »
- Une vive confrontation a éclaté entre Sa’ar, Shaked et Zandberg lors d’un débat la semaine dernière au Comité ministériel de législation, suite à l’opposition du Meretz à l’avancement du projet de loi.
Après le vote, Lapid a déposé un appel auprès du secrétariat du cabinet, ce qui signifie que le projet de loi sur la citoyenneté de Rothman ne sera pas promu avant un nouveau débat au gouvernement, ce dimanche.
Nous en sommes là.
Que dit Shaked ?
La ministre Shaked a déclaré dans l’émission Meet the Press de News12 samedi soir, qu’au moins 100 députés soutiennent le projet de loi Rothman, et elle a exhorté Lapid de permettre aux députés de la coalition de voter selon leur conscience.
« L’opposition s’est comportée de manière complètement illogique il y a six mois, mais elle est maintenant prête à soutenir le projet de loi », a déclaré Shaked.
Notons que la coalition de l’époque avait également refusé de considérer la loi alternative de Rothman, appelée « Loi fondamentale sur l’immigration ».
Shaked a fait remarquer que 40% des personnes impliquées dans les récentes émeutes dans le Néguev venaient de familles qui avaient fait l’objet d’un regroupement familial avec des Arabes de l’AP. Israël 24/7 n’a pas été en mesure de vérifier si ce chiffre de 40% est exact, mais il ne choque pas la logique.
« La plupart des Arabes israéliens qui commettent des attentats terroristes sont issus de telles familles », a affirmé Shaked.
La ministre de l’Intérieur, Ayelet Shaked, a demandé à l’Autorité de la population, de l’immigration et des frontières de continuer à agir comme si l’interdiction faite aux Arabes de l’AP de demander la citoyenneté israélienne était toujours en vigueur jusqu’à ce que, le 11 janvier, la Cour suprême émette un ordre ordonnant au gouvernement « d’agir conformément à la seule loi existante », indiquant au ministère de l’Intérieur « qu’il n’est plus autorisé à agir sur la base d’une loi, de dispositions d’urgence ou de règlements qui ont été émis en vertu de celle-ci tant que cette loi n’est pas en vigueur. »
Pendant cette période, Rothman et Shaked ont mené des négociations discrètes pour parvenir à un compromis, ce qui est maintenant proposé par les deux.
Mais Lapid, le parti travailliste et le parti Meretz pourraient les battre cette fois, et l’exploitation par les Arabes ennemis d’Israël se poursuivrait.
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24 7.org
Source : https://www.jewishpress.com