Avec ses mots doux et raffinés, Biden pousse Israël dans des recoins inconfortables – et Lapid encaisse

Yaïr Lapid, Joe Biden. photo diffusée sur Internet pour une utilisation en vertu de l'article 27A de la loi sur le droit d'auteur

Les Etats-Unis semblent aujourd’hui plus accommodants avec l’Iran qu’avec Israël. Mais le gouvernement israélien serre les dents, et apparait décidé à ne pas critiquer publiquement la diplomatie de Joe Biden.

Yair Lapid qui pilote (jusqu’aux élections de novembre 2022) la coalition anti-Netanyahu à la Knesset, campe ferme sur la ligne qu’il s’est fixée : ne jamais critiquer publiquement la politique iranienne des Etats-Unis. Pas question d’aller, comme Benjamin Netanyahu l’avait fait en 2015, devant la Chambre des représentants à Washington, dénoncer la politique d’« accommodement » du président des Etats-Unis avec l’Iran. En 2022, la diplomatie israélienne a pris le parti d’être polie avec le pays le plus puissant de la planète lequel se trouve être également – en principe – son meilleur allié.

Bien sûr, dans le secret des réunions au sommet, les Israéliens ne se privent pas d’évoquer leurs inquiétudes. La perspective qu’un nouvel accord entérine -plus ouvertement encore que feu le JCPOA de 2015 -, l’accès de l’Iran à l’arme nucléaire, est perçu à Jérusalem comme un danger mortel.

Biden de son côté a multiplié les déclarations d’amitié à Israël et affirme qu’il ne laissera jamais l’Iran faire partie du club des puissances nucléaires. Joe Biden et Yair Lapid ont même signé une déclaration commune dans laquelle les Etats-Unis se disent prêts à user de « tous les éléments de leur puissance nationale » pour empêcher l’Iran d’accéder à l’arme atomique.

Soit ! Mais en Israël, le doute gagne. L’équipe Biden est-elle fiable ? Que valent vraiment ses protestations d’amitié et ces déclarations communes au regard des nombreux gestes inamicaux – ou du moins perçus comme tels en Israël – en provenance de Washington ? Ainsi, à peine intronisé président, Joe Biden s’est empressé d’affirmer que cette vieille lune de « solution à deux Etats » était seule à même de mettre fin au conflit israélo-palestinien. Une manière de dire que les traités de paix entre Israël et les pays du Golfe ne devaient pas marginaliser la sempiternelle « question palestinienne ». Et pour enfoncer le clou, l’administration Biden a :

Cette demande américaine semble avoir été la goutte d’eau en trop. Pas celle qui pousse à la révolte, mais celle qui provoque une prise de conscience. Demander à Israël de « revoir les règles d’engagement de ses soldat », revient certes à interférer avec les techniques de défense très élaborées de Tsahal, mais aussi avec des règles qui sont déjà très codifiées sur le plan juridique. Mais pire encore, cela revient à exiger qu’Israël s’en remette à un pays tiers (les Etats-Unis en l’occurrence) pour sa stratégie de défense. Ce a quoi Israël ne s’est jamais résolu, ni avec la France en 1967, ni avec les Etats-Unis, jamais.

« Personne ne nous dictera nos règles d’engagement alors que nous luttons pour nos vies », a déclaré Yair Lapid, Premier ministre, lors d’une cérémonie de remise des diplômes des officiers de la marine à la base navale de Haïfa. Mélanie Philips, journaliste britannique spécialiste des Affaires israéliennes, affirme que « peut-être Israël devrait revoir ses règles d’engagement avec les Etats-Unis » plutôt que celles de ses soldats. Ariel Kahana, éditorialiste d’Israël Hayom explique qu’« avec un langage doux et raffiné, l’administration Biden pousse Israël dans des recoins de plus en plus inconfortables ».

En d’autres termes, cette pression incessante de l’administration américaine pourrait aussi avoir un but pédagogique : habituer le gouvernement israélien, ses élus et ses médias à ne rien dire… si les négociations avec l’Iran aboutissent.

Yves Mamou

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