Manuel Valls, ancien conseiller municipal de Barcelone et ancien Premier ministre de la France a réagit à la décision de la maire communiste de Barcelone, qui veut rompre le jumelage avec Tel Aviv. Il a publié dans le quotidien espagnol La Vanguardia, une opinion très dure contre la maire.
Valls, qui déclarait en 2019, « je veux être le prochain maire de Barcelone » a-t-il un gain politique à espérer en prenant la défense d’Israël ? Doit-on douter de la crédibilité et croire en la sincérité de son message ? Je ne pose pas la question à partir de rien, c’est lui qui a éprouvé le besoin de l’aborder et de se justifier. Chacun décidera.
Voici ce qu’il dit :
Le silence nous rend complices. Complice d’un double standard répugnant, d’une injustice sans limite qui, sous le couvert de bonnes intentions, ne fait que masquer le vrai visage d’une haine inépuisable. Je parle de l’antisionisme, cet « antisémitisme justifié, enfin à la portée de tous ». […] c’est la licence d’être démocratiquement antisémite », selon les mots du grand philosophe français Vladimir Jankélévitch.
Bien que je n’exerce plus aucune fonction, puisque j’ai quitté le Conseil municipal de Barcelone à l’été 2021, je ne peux pas rester silencieux lorsqu’il s’agit de l’avenir de l’Europe et de nos valeurs. Et il y a un sujet sur lequel je ne resterai jamais silencieux, car c’est le combat de ma vie. Celle de la lutte contre cette lèpre qui nous vient du fond des âges, toujours annonciatrice de grands malheurs : l’antisémitisme.
Je suis inquiet parce que c’est un sujet brûlant depuis un certain temps en France et que le climat se détériore, provoquant la peur chez mes compatriotes juifs français. Bien que la situation en France et en Espagne soit différente à bien des égards, je suis alarmé par un discours de plus en plus hostile envers les Juifs et Israël, au détriment de la paix civile.
En Espagne, les Juifs ont été expulsés en 1492, anéantissant toute une mémoire et une culture, les dispersant dans le reste de l’Europe et autour du bassin méditerranéen. Le pays où je suis né n’a pas participé à la Seconde Guerre mondiale, mais le discours de Franco sur les Juifs s’est nourri de l’antijudaïsme catholique traditionnel et populaire, profondément ancré dans les mentalités. [Israel24/7 : Franco a protégé les juifs]
Cette propagande a construit un discours idéologique et politique dans lequel le judaïsme apparaît, aux côtés de la franc-maçonnerie et du communisme, comme l’un des piliers d’un même ennemi intérieur et extérieur. Cependant, il est vrai qu’il n’y a pas eu de réelle collaboration avec les nazis sur cette question, si ce n’est une forme de passivité. L’Espagne était même un lieu de passage, un refuge transitoire pour les Juifs traversant les Pyrénées.
Depuis 1992, l’État espagnol reconnaît le judaïsme comme l’une des trois grandes confessions minoritaires aux racines connues, avec l’islam et le protestantisme. Le 30 novembre 2015, recevant les représentants des Juifs d’Espagne, le roi Felipe VI a prononcé un vibrant discours avant de conclure : « Comme vous nous avez manqué ! ».
Cet appel au remue-ménage a été confirmé par une loi permettant aux descendants des Juifs sépharades expulsés par les rois catholiques d’accéder à la nationalité espagnole. Une mémoire est en train de se reconstituer. Mais la population juive en Espagne est estimée à 30 000 personnes, tandis que de l’autre côté des Pyrénées, elle est estimée à 500 000 personnes. [Israel24/7 : plutôt 350 000, aujourd’hui].
La France a été la terre de l’émancipation des Juifs il y a deux cents ans, de la fameuse affaire Dreyfus et du célèbre« J’accuse » d’Emile Zola à la fin du XIXe siècle, mais elle a aussi été l’une des terres de leur martyre : 76 000 déportés et tués dans des camps de concentration pendant la période de collaboration avec les nazis.
L’antisémitisme a pris des proportions inquiétantes au cours des vingt-cinq dernières années. Combien d’entre nous ont mis en garde contre les dangers de cette vieille passion mortelle et pourtant dans un silence assourdissant ? [Israel24/7 : combien ? Personne, parce que le danger mortel est exclusivement d’origine musulmane, et qu’il est politiquement impossible, pas incorrect, impossible, de le dire sans s’attirer les foudres de la justice et de l’exclusion sociale, voir l’exemple de Georges Bensoussan pour qui doute]
La gauche institutionnelle a été trop faible, trop peu courageuse au début des années 2000, car elle n’a rien voulu voir au moment de la recrudescence des actes contre les juifs en France lors de la deuxième Intifada au Moyen-Orient. J’étais confus, car cet antisémitisme venait du monde arabo-musulman, des enfants d’immigrés et du « prolétariat » des banlieues. En d’autres termes, elle ne provenait pas de l’extrême droite traditionnelle, mais des « victimes de la terre ». La gauche a refusé de « stigmatiser » ces populations [Israel24/7 : cet aveu, honnête mais tardif, aurait eu toute son importance dans les années 2000, pas maintenant]. Comment peut-on accepter que des citoyens soient harcelés ou tués simplement parce qu’ils sont juifs ?
Du coup, il y a eu un double exode, externe, des Juifs français vers Israël, et interne, des banlieues vers Paris. J’ai été de ceux qui ont fait le bon diagnostic. Celui d’un antisémitisme historique qui se nourrit des nouvelles théories du complot (on l’a encore vu lors de la pandémie) ou de l’islamisme radical, et dont le nouveau visage puise sa force dans l’exécration de l’État d’Israël.
La réincarnation de la haine des Juifs dans l’antisionisme est son camouflage le plus dangereux. Le prétexte inattendu d’avoir le droit, et même le devoir, de haïr Israël. Au fil des années et de l’évolution des événements au Moyen-Orient, la force et la puissance de feu supérieures d’Israël ont été considérées comme une preuve irréfutable de sa « culpabilité morale ».
Depuis la conférence de Durban, en 2001, jusqu’aux calomniateurs désespérés qui qualifient la politique d’Israël d’apartheid, on a tenté de présenter l’État juif comme une nouvelle puissance dominatrice et colonialiste. Cela a donné de nombreux arguments à une partie de la gauche – Podemos et Comuns en Espagne, La France insoumise de Mélenchon, Corbyn en Grande-Bretagne – pour sauter sur le cheval de l’antisionisme. La romancière Rosa Montero soupçonnait déjà dans une chronique d’El País en 2006 « que la phobie anti-israélienne est en train de devenir une nouvelle marque de fabrique d’une certaine pseudo-gauche ».
L’antisionisme, qui balaie l’Europe depuis le début de ce siècle, est le carrefour de l’extrême droite [Israel24/7 : on recense très peu d’exemples d’antisionisme d’extrême droite], de l’extrême gauche, des islamistes et d’autres groupes radicaux unis dans leur haine des Juifs et d’Israël. L’antisionisme est un antisémitisme. La France et l’Espagne s’engagent dans cette triste voie.
L’État d’Israël repose sur onze lois fondamentales qui font de ce pays un État démocratique et égalitaire régi par l’État de droit, garant de la dignité humaine et des libertés de tous ses citoyens. Tel Aviv est un exemple de ville démocratique, ouverte et progressiste qui partage de nombreuses similitudes avec sa sœur catalane. Et pour ne rien dévoiler, le pays fait figure d’exception dans la région.
Chacun en Europe est libre de critiquer les politiques des gouvernements israéliens, d’être indigné par le sort des Palestiniens, mais c’est en Israël même que la critique ou l’inquiétude se fait le plus entendre. Cette démocratie n’existe pas dans les territoires gérés par l’Autorité palestinienne ni à Gaza, qui est sous le joug du Hamas. Les personnes LGBTI y sont persécutées et obligées de chercher soutien et protection …à Tel Aviv.
Considérer Israël uniquement à travers le prisme du conflit israélo-palestinien est une grave erreur. Barcelone et Tel Aviv sont des sociétés ouvertes et accueillantes, des villes de premier plan qui entretiennent un partenariat long et fructueux depuis de nombreuses années. Les accusations de « crimes d’apartheid » lancées par les initiateurs de la proposition de rupture du jumelage sont insupportables et n’ont d’autre motif que de discréditer le seul État démocratique du Moyen-Orient, capable de construire les accords d’Abraham avec de nombreux pays arabes.
Je demande au conseil municipal de Barcelone de rejeter cette proposition indigne. Je rappelle que le mouvement BDS a été condamné en Espagne des dizaines de fois pour discrimination à l’initiative d’ACOM (Action et Communication pour le Moyen Orient) [Israel24/7 a rapporté que la Cour suprême espagnole a récemment déclaré que le boycott d’Israël est discriminatoire et antisémite]. Une ville aussi importante ne peut pas faire partie d’un mouvement de boycott aussi méprisable qui légitimerait les discours antisionistes et haineux par des moyens institutionnels.
L’antisionisme et l’antisémitisme nous concernent tous, au-delà de toute considération religieuse ou nationale. Peut-être qu’un jour nous nous rendrons compte que nous devons combattre toutes les formes d’antisémitisme, rien que pour nous-mêmes.
Une société qui se perd dans la haine n’est autre qu’une société qui se détourne sans cesse de la défense des valeurs communes au détriment de la vérité et de la paix. Je l’ai dit et répété sur la terre de mon cœur, et je regrette de devoir le faire sur la terre de ma chair.
© Equipe de rédaction Israel247.org.
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Source : https://www.lavanguardia.com/local/barcelona/20230206/8732888/manuel-valls-barcelona-telaviv.html
Bravo !.
Je le crois profondément sincère.
Qu’aurait-il à gagner alors qu’il prend le contre-pied de tous les haineux, les hypocrites et les trouillards que sont la plupart de nos « hommes » politiques.
Déjà, lorsqu’il était premier ministre il a fait enfin entendre cette voix forte pour dénoncer, condamner et stigmatiser ce nouvel antisémitisme.
Je me souviens qu’il citait déjà Vladimir Jankelevitch qui affirmait avec tellement de justesse que « l’antisionisme est la trouvaille miraculeuse, l’aubaine providentielle qui réconcilie la gauche anti-impérialiste et la droite antisémite ; l’antisionisme donne la permission d’être démocratiquement antisémite. » Formule magistrale qu’il m’apprenait à l’époque.