Après que le Premier ministre se soit efforcé – avec succès – à apaiser les flammes et faire baisser le niveau de pression, la semaine à venir pourrait à nouveau tout enflammer.
La réforme judiciaire destinée à ramener la justice dans un processus démocratique (aujourd’hui, elle dépend de juges non élus qui décident de la marche du pays selon un agenda post-sioniste, au mépris des résultats électoraux) devrait revenir sur le devant de la scène, avec le comité de nomination des juges que la Knesset devrait choisir d’ici le 15 juin.
L’issue des pourparlers à la résidence du président approche – mais pour l’instant, il est évident qu’une solution n’est pas en vue.
« La progression ou l’arrêt de la révolution juridique dépend, dans les semaines à venir, d’une seule personne : Binyamin Netanyahou », disent les analystes politiques.
Netanyahou souhaite épuiser les discussions entre la coalition et l’opposition, principalement par respect pour le président Yitzhak Herzog. Mais sur la question centrale dont dépend la direction du pays en matière de sionisme – la composition du comité de sélection des juges – aucun accord ne sera trouvé.
« Malgré l’élan politique obtenu par l’adoption du budget à une belle majorité et l’usure des manifestants, Netanyahou comprend qu’il vit sur une bombe à retardement en termes d’opinion publique mondiale, en particulier à cause des dirigeants du parti démocrate et du président Biden », affirment les observateurs, qui ajoutent : « Il y a aussi la crainte économique des résultats de la réforme. C’est pourquoi Netanyahou gagne du temps grâce aux discussions en cours chez le président ».
« La réforme, avec ou sans accord »
Le ministre de la Justice Yariv Levin et le président de la Commission constitutionnelle Simcha Rothman attendent le feu vers de Netanyahou pour avancer.
Levin n’a pas commenté la question récemment, tandis que Rothman a déclaré :
« Si la réforme ne se fait pas avec le consentement [de l’opposition], elle se fera sans le consentement ».
Tous deux cherchent à mettre en œuvre au moins l’un des éléments clefs qui permettront de rendre la justice plus démocratique, plus conforme aux vœux de la majorité des Israéliens avant la fin de la session d’été de la Knesset, au début du mois d’août.
Levin et Rothman devraient se concentrer sur trois questions principales :
Le comité pour les élections des juges
- Levin va entamer des négociations avec la présidente de la Cour suprême, Esther Hayut, afin de parvenir à un accord sur la sélection de deux juges de la Cour suprême, pour remplacer la présidente Hayut et Anat Baron, qui prendront leur retraite à la fin du mois d’octobre.
- En l’absence de consensus au sein de la Maison du Président, la loi oblige Levin à établir le comité selon son ancienne composition : pour élire un président de la Cour suprême, une majorité qualifiée de sept des neuf membres du comité est requise. En d’autres termes, les trois juges suprêmes membres de la commission constituent un bloc de blocage qui oppose son veto à l’élection de chaque juge suprême et pourront réserver leur capacité à nommer des post-sionistes, voire même des antisionistes, en tous cas des personnes de la vieille gauche socialiste ashkénaze.
Levin n’est pas prêt à renoncer à l’élection de deux juges « conservateurs » – entendre par là sionistes de droite représentant la majorité des citoyens du pays – à la Cour suprême. La présidente Hayut ne renoncera pas à l’élection d’un juge de gauche et elle opposera très probablement son veto à l’élection d’un juge conservateur que Levin recommandera s’il est « trop extrême », selon son point de vue de gauche.
C’est dire à quel point la justice échappe à toute démocratie, le juge à la Cour suprême ayant des pouvoirs immenses sur 9 millions de citoyens alors que personne ne l’a élu.
Election au barreau israélien
En juin, le barreau élira son président. Pourquoi c’est à la fois important et scandaleux ? Parce qu’aujourd’hui, les juges se choisissent entre eux, en catimini, selon un processus totalement opaque et absolument anti-démocratique. Et fait quasiment unique dans les pays occidentaux, deux représentants du barreau siègent au comité de sélection des juges.
- Si le candidat Efi Neve, qui a déjà occupé le poste de président de la chambre, est élu, il devrait convenir à la coalition et à Levin.
- Si Amit Bachar est élu, il devrait coopérer avec l’opposition et les juges de la Cour suprême.
Votre sort, le sort de votre pays, est entre les mains d’une poignée de copains avocats qui se nomment entre deux tapes dans le dos, des coups bas et des petits fours. Et ils osent appeler cela « démocratie » parce qu’ils ont les médias de leur côté.
Conséquence, leur sélection est d’une importance capitale pour tout ce qui concerne la sélection des juges en général et des juges de la Cour suprême en particulier.
La riposte
Si Levin ne peut rééquilibrer la justice, il ne se précipitera pas pour convoquer le comité et il est même possible qu’avec la retraite de Hayut et de Baron, la Cour suprême ne fonctionne qu’avec 13 juges.
Les accords entre Levin et Hayat donneront également lieu à un accord sur la question de savoir si le prochain président de la Cour suprême sera élu selon le système d’ancienneté, auquel il s’oppose fermement parce que c’est la garantie d’élire encore un socialiste. Par conséquent, sur ce point également, s’il n’y a pas d’accord sur l’ancienneté, on s’attend à ce que le chef suprême soit le député Uzi Fogelman, avec tous les pouvoirs dont dispose le président suprême.
Le pouvoir exorbitant des conseillers juridiques
Voilà encore un dossier exclusivement israélien, et qu’aucune démocratie au monde ne tolérerait : les conseillers juridiques ont le dernier mot sur les décisions du gouvernement, Premier ministre y compris.
Levin et Rothman cherchent à promulguer la loi sur les conseillers juridiques du gouvernement avant la fin de la session d’été, bien qu’elle soit à l’ordre du jour des réunions de négociation à la Maison du Président. L’objectif de la coalition est de faire de ce poste une position de confiance pour le ministre, contrairement à la pratique actuelle dans laquelle les conseillers servent de représentants de la gauche post-sioniste, et sont soumis aux décisions de la Haute Cour, elle aussi à couleur socialiste.
Dans un premier temps, Levin et Rothman tenteront de faire adopter la loi en tant que projet de loi gouvernemental. Toutefois, compte tenu des faibles chances que la conseillère juridique du gouvernement, Gali Beharve-Miara qui, cela doit être souligné, se trouve au-dessus des lois et n’a pas à s’abstenir en cas de conflit d’intérêt, accepte la législation dans la formule qu’ils ont proposée, ils pourraient se tourner vers l’un des députés qui la soumettra à la commission constitutionnelle de la Knesset.
La loi sur le médiateur
Les hauts fonctionnaires de la coalition estiment qu’en plus de la loi sur les conseillers juridiques, le gouvernement tentera de promulguer une loi plus démocratique sur le médiateur.
Le projet de loi devrait proposer que le procureur général soit choisi à chaque fois par le gouvernement actuel et par un comité de recherche choisi par lui. En outre, le projet de loi devrait proposer un changement vers plus de transparence et de pluralité et que le bureau du médiateur se compose du procureur général et du médiateur lui-même. Aujourd’hui, le conseiller cumule ces deux postes et délègue ses pouvoirs au procureur, ce qui permet tout abus d’autorité. Et il n’en manque pas.
Conclusion
Comme l’a très bien fait remarquer le célèbre avocat constitutionnaliste Alan Dershowitz, si la coalition n’était pas composée d’autant partis religieux qui effraient la gauche et l’opposition au plus haut point, jamais aucune manifestation n’aurait été suivie pour protester contre une réforme judiciaire.
Les quelques paragraphes que je viens de publier sont éloquents et lui donnent raison, lorsqu’il ajoute que la réforme judiciaire est trop complexe et que le débat avait sa place entre juristes de haut niveau dans des salons feutrés, pas dans la rue.
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24 7.org