Les équipes de négociation pour et contre la réforme judiciaire font état de progrès sur deux questions clefs :
- le test d’ irraisonnabilité, un fourre-tout totalement arbitraire qui permet à la Haute cour d’annuler toute décision et toute loi qui lui déplaît, c’est-à-dire des lois trop sionistes ou trop à droite pour eux, et
- le statut du procureur général et des conseillers juridiques des ministères,
- La composition du comité de nomination des juges n’a pas été résolue.
1 Le test de raisonnabilité permet aux juges d’exercer une dictature judiciaire pour invalider une décision ou une action du gouvernement parce qu’ils la trouvent « irraisonnable » ou « extrêmement déraisonnable », même si la décision en question a été effectuée dans le strict respect de la lettre de la loi. C’est un pouvoir extraordinaire que s’est arrogé la gauche, qui sort totalement du cadre démocratique pour entrer dans le domaine autoritaire, et n’a d’équivalent dans aucun pays occidental au monde. Son utilisation a été étendue dans les années 1990 par la Cour suprême d’Aharon Barak, dans le cadre de l’augmentation de l’activisme judiciaire de la Cour. C’est là qu’a commencé la révolution judiciaire. L’abusif test de raisonnabilité a même été critiqué par Yair Lapid quand il était dans l’opposition.
2 Le poste de procureur général – ou conseiller juridique des ministres, encore une fonction qui n’a pas d’équivalent dans les pays occidentaux, comporte un conflit d’intérêts inhérent puisque le même fonctionnaire sert de conseiller juridique au gouvernement et de contrôleur du système judiciaire du pays, y compris le ministère public. Cela signifie que le procureur général conseille le gouvernement sur la légalité de ses décisions et ordonne des enquêtes sur ce même gouvernement s’il ne suit pas ses conseils. De plus, étant nommé, il est aberrant qu’il dicte sa loi à des ministres qui ont été élus pour appliquer un programme, et que si ce programme ne lui plaît pas – c’est le cas en ce moment puisque la conseillère du Premier ministre a été choisie et nommée par Yair Lapid – il interdit tout simplement aux ministres de mettre en œuvre leurs décisions.
Les conseillers juridiques nommés dans chaque ministère contrôlent les actions des ministres, qui n’ont pas le droit de refuser leurs conseils juridiques sous peine d’être poursuivis en justice. Cela équivaut à ce qu’un avocat appelle la police si vous refusez de suivre ses conseils juridiques : c’est lui qui dirige votre vie. Et si cet avocat a des convictions diamétralement opposées aux vôtres, vous êtes ligoté.
Les accords annoncés devraient prolonger la durée des négociations, donnant aux parties le temps de se rapprocher sur le comité de nomination des juges, ainsi que sur la clause dérogatoire.
3 En ce qui concerne la commission de nomination des juges, le débat porte sur l’exclusion des représentants de l’ordre des avocats de la commission, ainsi que sur la question de savoir si le ministre de la Justice et la coalition devraient être autorisés à dominer les votes. Le comité de préparation de la réforme a déjà mis beaucoup d’eau dans son vin sur ce point, puisqu’il a autorisé des juges à nommer les juges qui siégeront à la Cour suprême, une situation extraordinaire, quasi unique dans les pays occidentaux. Tout le sujet revient en fait à empêcher la gauche de nommer les juges à la Haute cour et de continuer à orienter la politique du pays conformément à leur idéologie post-sioniste alors que le peuple vote à droite. En ce qui concerne la clause dérogatoire, tout le monde s’accorde à dire que la Knesset devrait avoir le pouvoir de passer outre l’annulation de ses lois par la Haute cour, la question étant de savoir par quelle marge de voix et sans supprimer le pouvoir de contrôle et d’équilibre du judiciaire, un critère démocratique essentiel.
Il se dit que lorsque les deux parties à un contrat sont mécontentes, c’est que le contrat est bon. Je ne sais pas si cela s’applique vraiment à la politique. Quoi qu’il en soit :
- L’Union nationale de Benny Gantz et de Gideon Saar a publié une réponse peu enthousiaste :
« Nous sommes déterminés à maintenir la stabilité et la démocratie en Israël et nous ne ferons aucun compromis sur la dépolitisation du système judiciaire. Malheureusement, il n’y a pas de progrès et il n’y aura pas d’accord tant que la question du comité de sélection des juges n’aura pas été résolue ».
- Le président de la commission constitutionnelle, le député Simcha Rothman, a déclaré mardi soir qu’il était
« Pessimiste quant à la possibilité de parvenir à des accords ». Selon lui, « la réforme sera avancée en partie selon la décision des dirigeants de la coalition ».
M. Rothman a également déclaré que « l’opposition est tombée amoureuse de la protestation tout en nuisant au pays ».
Les pourparlers ont repris ce mardi 16 mai, après que les collaborateurs du président ont d’abord rencontré séparément les représentants de la coalition et de l’opposition, avant de réunir les partis pour une discussion commune.
La coalition a déjà soumis au plénum de la Knesset un projet de loi finalisé qui a été adopté en première lecture concernant la commission de nomination des juges, et si les négociations échouent, elle a le pouvoir de voter et d’adopter le projet de loi avec sa majorité de 64 voix. Si d’ailleurs elle obtient une majorité absolue sur ce point, cela rendra l’annulation par la Haute cour plus difficile.
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24 7.org