Columbia University a publié son quatrième et dernier rapport sur l’antisémitisme.
Il dresse un portrait « troublant » de la vie des étudiants juifs à la prestigieuse université, où des enseignants ont dénigré les Juifs et les Israéliens en les qualifiant « d’occupants », de « meurtriers » et ont utilisé des cours sans lien apparent, comme l’astronomie, pour dénoncer un « génocide » à Gaza.
Le rapport relate plusieurs « incidents troublants en classe » que la task force de Columbia sur l’antisémitisme a identifiés à travers des entretiens avec des étudiants juifs et israéliens.
Certains incidents — comme l’envahissement en janvier d’un cours d’histoire israélienne par des étudiants portant des keffiehs qui distribuaient des tracts pro-Hamas et harcelaient des Juifs — ont été largement médiatisés au moment des faits. D’autres ne sont devenus publics qu’avec la publication du rapport.
Une section intitulée « Faire des étudiants juifs et israéliens les boucs émissaires en raison de leurs liens avec Israël » détaille de nombreux cas où des enseignants de Columbia « ont stigmatisé des étudiants juifs et israéliens en les tenant pour responsables en raison de leurs liens – réels ou supposés, peu leur importait – avec Israël », en violation des directives fédérales anti-discrimination.
Un étudiant israélien s’est vu dire :
« Vous devez en savoir beaucoup sur le colonialisme de peuplement. Qu’en pensez-vous ? »
Un autre a été traité d’« occupant », tandis qu’une troisième a entendu qu’en raison de son service dans « l’armée de meurtriers » d’Israël, elle « devrait être considérée comme l’un de ces meurtriers ».
Des étudiants juifs américains également visés
Un étudiant juif américain a témoigné auprès des enquêteurs qu’un enseignant lui avait dit :
« C’est tellement dommage que votre peuple ait survécu pour commettre un génocide de masse. »
Un autre étudiant a envoyé un email à son professeur pour contester la manière dont la guerre d’Israël contre le Hamas était présentée, et le professeur a lu l’email à toute la classe sans l’autorisation de l’étudiant, en le tournant en ridicule.
Le contenu du rapport rejoint le diagnostic de l’administration Trump sur la présence d’un antisémitisme généralisé à Columbia.
Il suggère également que Columbia a encore beaucoup à faire pour traiter le problème, même après que l’université a accepté un règlement anti-discrimination de 221 millions de dollars avec le gouvernement fédéral.
Columbia affirme que cet accord préserve son « autonomie et son autorité sur le recrutement du corps professoral, les admissions et les décisions académiques. »
C’est cependant sous le couvert de cette autonomie que Columbia a recruté sur son campus des membres du corps professoral et des enseignants diplômés qui sont critiqués dans le rapport pour le harcèlement des Juifs.
Des cours sans rapport avec le sujet, détournés pour condamner Israël
Selon le rapport, nombre de ces enseignants ont utilisé « des cours dont le contenu est éloigné du sionisme, d’Israël et du Moyen-Orient » pour formuler « de vives condamnations d’Israël. »
- Dans un cours d’astronomie d’initiation, un enseignant a commencé le semestre par une unité intitulée « Astronomie en Palestine », écrivant sur le programme du cours : « alors que nous assistons au génocide qui se déroule à Gaza, il est aussi important de raconter l’histoire des Arabes au-delà du rôle de sujets d’une occupation militaire. »
- Dans un cours d’arabe d’initiation, un enseignant a utilisé la phrase « Le lobby sioniste est le plus favorable à Joe Biden » pour une leçon de vocabulaire.
- Et dans un cours sur le féminisme, « la professeure a ouvert la première séance en annonçant que 100 jours s’étaient écoulés depuis qu’Israël avait commencé à faire la guerre à Gaza. »
- Le rapport évoque des incidents similaires dans des cours de photographie, d’architecture, de gestion associative, de cinéma, de musique, d’humanités et d’espagnol.
Il rappelle que le manuel du corps professoral de Columbia exige pourtant des enseignants qu’ils « s’en tiennent à leur matière en classe. »
Au lieu de cela, un groupe « s’est encouragé mutuellement à ‘enseigner pour la Palestine’ dans leurs cours sur une grande variété de sujets. »
Professeur Kayum Ahmed : « ce qu’on appelle Israël » est un « État colonial de peuplement »
Le rapport mentionne également un professeur, Kayum Ahmed, qui enseignait un cours obligatoire de santé publique et a fait l’objet d’un article du Wall Street Journal en mars 2024 intitulé « Certains professeurs de Columbia accusés d’endoctrinement pro-Hamas. »
Ahmed est cité dans le Journal comme ayant mené les étudiants dans un « chant de manifestation» et affirmé qu’Israël est un « État colonial de peuplement ».
Des citations attribuées à lui dans le rapport vont plus loin : dans un cours, il a ciblé trois donateurs juifs de Columbia, affirmant qu’ils « avaient fait leurs dons dans le but de ‘blanchir de l’argent de sang’ ».
Il a également mentionné l’Etat juif avec les mots « ce qu’on appelle Israël » et a dirigé un exercice demandant aux étudiants « de considérer la possibilité qu’une hypothétique ‘équipe de développement soit préoccupée par le fait que travailler en Palestine pourrait détourner des donateurs américains fortunés qui soutiennent Israël’. »
Ahmed n’était pas titulaire d’un poste permanent, et Columbia a choisi de ne pas renouveler son contrat. Néanmoins, le rapport note que l’école de santé publique de Columbia « n’a officiellement jamais rien déclaré au sujet de sa conduite en classe. »
Avant de quitter Columbia, Ahmed a décrit ses détracteurs comme
« une poignée d’étudiants privilégiés et blancs, qui n’ont probablement jamais été confrontés à un cadre qui les pousse à réfléchir de manière critique aux avantages qu’ils tirent du système de suprématie blanche, du patriarcat et du capitalisme. »
D’autres enseignants tout aussi peu contrits face à leurs étudiants juifs
- Un enseignant qui a encouragé les étudiants à quitter la classe pour participer à une manifestation anti-Israël sur le campus a ainsi dit à un étudiant mal à l’aise avec la proposition qu’« il ne devrait pas venir en cours ».
- Un autre étudiant juif s’est opposé à la tenue d’un examen programmée le jour de Yom Kippour.
« Lorsque l’étudiant a demandé au directeur du programme un aménagement, le rapport indique que l’étudiant aurait été encouragé à prendre un congé plutôt qu’à manquer les examens et les cours en raison de fêtes religieuses — même si la politique de l’université exige que les enseignants accommodent l’observation religieuse dans ce cas. »
Le rapport formule un certain nombre de recommandations pour protéger les étudiants juifs et israéliens
Aucun professeur qui ne soit pas explicitement anti-sioniste est titulaire
d’un poste permanent et sur la voie de la permanence
Il demande à Columbia d’offrir « des aménagements religieux raisonnables », de veiller à ce que les enseignants ne « demandent pas » ou ne « fassent pas pression pour que les étudiants participent à une manifestation », et de s’abstenir de discriminer des personnes en raison de leur race, de leur genre ou de leur religion.
Les règles de Columbia et les lois fédérales interdisent déjà de tels comportements, de sorte que le rapport présente en grande partie la question de l’antisémitisme comme une question de non application.
Dans certains cas, il appelle l’université à recruter des professeurs du Moyen-Orient qui ne soient pas « explicitement anti-sionistes » — il n’existe selon le rapport aucun professeur de ce type qui soit titulaire d’un poste permanent et sur la voie de la permanence.
Le rapport du groupe de travail a même révélé que tous les professeurs spécialisés dans le Moyen-Orient sans exception sont antisionistes !
Il reste flou qui sera chargé d’appliquer durablement les règles de Columbia. L’université avait initialement fixé au 1er janvier 2026 la date d’arrivée d’un président permanent pour remplacer sa dirigeante par intérim, ancienne correspondante nationale senior de Good Morning America, Claire Shipman.
Mais l’école a prolongé ce délai lundi, annonçant qu’un nouveau président prendra ses fonctions « au-delà du début de l’année prochaine. »
Shipman a salué la publication du rapport dans une lettre.
« Le travail de cette task force a été une part essentielle des efforts de l’université pour répondre aux défis auxquels sont confrontés nos étudiants, notre corps professoral et notre personnel juifs, » a écrit Shipman.
« À l’avenir, l’université continuera de mettre en œuvre les recommandations de la task force et de lutter contre l’antisémitisme sur notre campus, sous la direction du bureau de la présidence, » a-t-elle ajouté, précisant que combattre « la discrimination et la haine de manière plus large sur nos campus » constitue un autre objectif de l’établissement.
