Dans une lettre adressée au président Herzog, le Premier ministre a demandé dimanche 30 novembre la grâce présidentielle pour les poursuites pénales contre lui.
Avant lui, le président Trump avait demandé au président Herzog d’accorder la grâce au Premier ministre Netanyahou, affirmant que les poursuites contre lui ne sont que des attaques politiques déguisées, à l’instar des nombreux procès dont il a également été victime, où la justice a été détournée en arme politique.
Certains, en Israël, affirment que cela équivaudrait à une reconnaissance de culpabilité, d’autres, comme Benny Gantz, président du parti Bleu Blanc, affirme que la procédure n’est pas régulière.
Ils se trompent tous. Voici pourquoi.
1. Nature du pardon présidentiel en Israël
Le Président de l’État d’Israël dispose, selon l’article 11(b) de la Loi fondamentale : le Président de l’État, du pouvoir de :
« Accorder une grâce à des délinquants et alléger des peines par commutation ou réduction. »
Ce pouvoir est discrétionnaire et indépendant du processus judiciaire.
- Il peut être exercé avant ou après condamnation.
- Il n’efface pas nécessairement la culpabilité (sauf décision explicite d’effacement de la condamnation).
- Le pardon est un acte de clémence, ce n’est ni une déclaration d’innocence ni une reconnaissance de culpabilité.
Le Président Herzog a un pouvoir de grâce très large, qui peut prendre plusieurs formes :
| Type de grâce | Effet juridique | Exemple concret |
|---|---|---|
| Commutation de peine | Réduction ou suppression de la peine (mais la condamnation reste au dossier) | Sortie anticipée de prison |
| Effacement de condamnation (pardon complet) | Suppression de la condamnation du casier judiciaire | Rare, réservé à des cas exceptionnels ou humanitaires |
| Pardon avant condamnation | Interrompt les poursuites, mais ne statue pas sur la culpabilité |
Le président peut donc effacer la condamnation, mais doit le préciser expressément dans le décret de grâce.
2. Si le pardon intervient avant condamnation
Israël, contrairement aux États-Unis, n’a pas de tradition d’accorder des grâces préventives (avant verdict), mais cela reste juridiquement possible.
Dans ce cas :
- Le pardon mettrait fin aux poursuites,
- Mais n’équivaudrait pas à une reconnaissance de culpabilité,
- Il serait plutôt interprété comme un acte politique ou humanitaire, pas juridique.
3. Si la grâce est demandée par un tiers (comme précédemment par le président américain)
Une demande émanant d’un chef d’État étranger (Donald Trump) n’a aucune valeur juridique en Israël (heureusement) — c’est une intercession politique, pas une requête de justice.
Elle ne reconnaît aucune culpabilité de la part de Benjamin Netanyahou.
Au contraire, dans la logique du texte de la lettre, Trump présente Bibi comme victime d’une « affaire politique ».
4. Exemples où la grâce présidentielle ne signifiait pas la reconnaissance de culpabilité
Ehud Olmert (2000)
- En 2000, des discussions internes ont eu lieu au ministère de la Justice concernant la possibilité de gracier préventivement l’ancien Premier ministre Ehud Barak, visé par des enquêtes de corruption à la fin de son mandat.
→ L’idée a été écartée, mais les juristes israéliens ont confirmé que le président aurait pu le faire légalement,
→ Et que cela n’aurait pas constitué une reconnaissance de culpabilité, puisqu’aucun procès ni verdict n’avaient eu lieu.
Aryeh Deri (1993)
- Ministre de l’Intérieur condamné pour corruption.
- Libéré en 2002, il a obtenu en 2013 une réhabilitation partielle de son casier pour pouvoir se représenter.
- Le décret de grâce n’a pas mentionné de culpabilité, mais a invoqué : « les années écoulées, la réinsertion et les services rendus à l’État »
- En d’autres termes : le pardon n’effaçait pas la condamnation morale, mais ne réaffirmait pas non plus la culpabilité.
→ Juridiquement, neutralité absolue sur la faute.
Rehavam Ze’evi et le dossier « Sabra et Chatila » (1983)
- Certaines personnes impliquées ont reçu des grâces administratives pour des fautes présumées commises dans un contexte militaire controversé.
- Ces grâces ont été présentées comme des gestes de réconciliation nationale,
→ Sans mention ni reconnaissance de culpabilité,
→ Et avant toute condamnation formelle.
En résumé
Si le président Herzog décidait de gracier Netanyahou, cela pourrait :
- Mettre fin aux poursuites,
- Ne pas le déclarer coupable,
- Et selon la formulation de son décret, soit effacer la condamnation, soit simplement lever les sanctions ou poursuites.
La Haute Cour peut annuler le pardon
La Haute Cour de Justice israélienne (Bagatz) peut théoriquement annuler un pardon présidentiel, mais uniquement dans des cas extrêmes d’abus de pouvoir, et cela n’a encore jamais été fait dans la pratique, car le pouvoir du président, en la matière, est discrétionnaire, et qu’il n’est pas encadré par une procédure spécifique.
Conclusion
La demande du Premier ministre est légale, ce n’est pas un cas unique, et elle n’est pas une reconnaissance formelle de culpabilité, d’autant qu’il décrit clairement ces poursuites judiciaires comme une « attaque politique ».
