Je viens de mettre en ligne le texte de notre ami Maître Michel Calvo sur la question du droit international concernant les concessions octroyées par l’Empire ottoman à la France dans la ville de Jérusalem.
Peuvent-elles être considérées comme territoire français où la police israélienne n’y aurait pas accès ni autorité, comme dans les ambassades ou consulats ?
Le dernier incident ayant défrayé la chronique dans les médias français, il est bon de savoir de quoi il retourne, abstraction faite de tout a priori idéologique.
Maître Michel Calvo :
La diplomatie française considère que Jérusalem Est et Ouest n’est pas sous souveraineté israélienne. A cet égard, les concessions (capitulations) de l’Empire ottoman octroyées à la France à Jérusalem durant les siècles précédents, la diplomatie française estime qu’elles constituent des territoires français au même titre que les représentations diplomatiques comme ses ambassades et consulats. Pour cette raison, deux gendarmes français accompagnant le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot se sont crus autorisés à bousculer des policiers israéliens encadrant la sécurité de cet invité de marque et à ne pas leur présenter leurs papiers diplomatiques. S’en est suivi un incident où les policiers israéliens ont arrêté ces deux écervelés qui ne s’attendaient pas à ce que la police de l’Etat juif ne plaisante pas quand il est question de son exclusive juridiction à y préserver la loi et l’ordre.
Regrettablement, le discours du Gouvernement français hostile actuellement à l’encontre de l’Etat d’Israël et à ses dirigeants mise sur l’ignorance pour diffuser de la désinformation. Maître Michel CALVO nous aide à y voir clair sur ce sujet de droit international.
Pour tout savoir sur la querelle diplomatique provoquée par la France, qui a été filmée et diffusée sur le net. Oui, car il y avait des personnes qui ont filmé cela et l’ont diffusé, et ils parlaient, semble-t-il, français… Tout semble avoir été préparé à l’avance.
Sachez que tout Etat a l’obligation d’assurer la sécurité des personnalités étrangères, pour qu’elles ne soient pas agressées ou tuées lors de leur voyage. Se rendant en Israël, l’Etat juif se doit d’assurer la sécurité du Ministre français des Affaires étrangères.
A Jérusalem (Est et Oouest), l’autorité palestinienne ne peut assurer cette sécurité. Seul Israël dispose des pouvoirs d’assurer la sécurité. C’est son obligation de facto et de jure.
A Jérusalem (Est), (en fait Jérusalem-Est couvre également le Nord de Jérusalem et tous les territoires qui font partie du Foyer Juif du Mandat Britannique), territoire sur lequel les Juifs ont droit de s’installer en vertu d’accords internationaux bafoués par les mêmes Etats qui les ont signés, comme la France, territoires qu’elle appelle « territoires occupés », alors qu’il s’agit de territoires libérés de l’emprise Jordanienne (de 1948) et qui lui appartiennent en vertu du Mandat Britannique.
Comme expert en droit international, je peux vous certifier ceci :
- Il n’y a pas de territoire français en Israël.
- Ce lieu nommé Eléona appartiendrait à la France, mais il ne s’agit pas d’une ambassade ou d’un consulat qui dispose d’une protection diplomatique.
- Ce territoire n’est pas la France.
- Ce lieu est un lieu de culte que la France laïque gère.
- Il ne s’agit pas non plus d’un territoire appartenant à la France, sur lequel elle serait souveraine.
- Il ne s’agit pas d’une enclave française dans un pays étranger.
- Il ne s’agit pas d’un « protectorat » français.
- La France n’a pas de protectorat à Jérusalem ni en Israël.
En avril 1920 à San Remo, toutes les « capitulations » ont été abolies. Dans la résolution adoptée le 24 avril 1920, la France s’est engagée à reconnaître la fin de son protectorat religieux 1.
En réalité, la France n’avait pas durant l’occupation Ottomane de « protectorat » au sens juridique du terme, mais le statut de « protecteur » sur un territoire donné pour protéger les religieux et missionnaires latins en terre sainte.
L’abolition des « capitulations » est prévue à l’article 28 du Traité de Lausanne du 24 juillet 1923, conclu entre l’Empire britannique, la France, l’Italie, le Japon, la Grèce, la Roumanie, et l’État serbe-croate-slovène avec la Turquie. L’article 28 de ce Traité prévoit que :
« Les Hautes Parties contractantes déclarent accepter chacune en ce qui la concerne, l’abolition complète des Capitulations en Turquie à tous les points de vue 2.»
La France n’a donc aucune souveraineté sur le territoire Israélien.
Les capitulations sont des privilèges conférés par un Etat (plus faible) A à un Etat B, en vertu desquels les nationaux de ce dernier sont exemptés de certains aspects de la compétence de l’Etat A : elles représentent des dérogations à la souveraineté de ce dernier Etat.
Les privilèges français ainsi que tous les privilèges des puissances européennes résultant d’accords conclus avec l’Empire ottoman, ont disparu. Pour la France, ce ne sont que des honneurs liturgiques octroyés aux consuls français qui ont subsisté. Et les consuls de la France laïque s’en « délectent », pouvant montrer leur pouvoir aux autres Etats d’Europe et d’ailleurs.
Il n’y a donc pas de dérogation de souveraineté d’Israël au profit de la France.
Oui ! Mais la France ne reconnait pas la souveraineté israélienne sur Jérusalem (tout Jérusalem). Oui tout Jérusalem! Même Jérusalem-Ouest où j’habite. D’ailleurs, sur les passeports français de ceux qui résident à Jérusalem-Ouest, l’Etat d’Israël n’est pas mentionné. Les Etats-Unis agissaient de même jusqu’à que Trump soit élu en 2016 et reconnaisse Jérusalem comme la capitale de l’Etat d’Israël et y transfère l’ambassade US.
Si vous voulez savoir ce que le Quai d’Orsay ne reconnait pas, en dépit d’une recherche faite par le Centre de Recherche Français de Jérusalem (antenne du CNRS à Jérusalem), lisez cette recherche, complète et conforme au droit international : La fin du protectorat religieux de la France à Jérusalem (1918-1924), Catherine Nicault, Bulletin du Centre de Recherche Français de Jérusalem, 4/ 1999, p. 7-24 3.
© Docteur Michel CALVO – Avocat honoraire au Barreau de Paris – Avocat au Barreau d’Israël, Docteur en droit des Organisations et des Relations Economiques Internationales (Panthéon Sorbonne – 1986).
Reproduit depuis un article publié sur Jerusalem24.net 4
- Accords de San Remo : https://ecf.org.il/media_items/299 ↩︎
- Traité de Lausanne : https://treaties.un.org/doc/publication/unts/lon/volume%2028/v28.pdf ↩︎
- https://journals.openedition.org/bcrfj/3472?lang=en ↩︎
- https://jerusalem24.net ↩︎