Le débat public confond souvent deux notions voisines parce que :
- Beaucoup interprètent toute pression comme une domination de type colonialiste, et l’acceptation comme une soumission.
- Mais dans la diplomatie, la pression fait partie de la relation, même entre alliés proches.
Je sais, je sais… ceux qui ne veulent entendre que ce qu’ils veulent croire ne tiendront pas compte de cet article destiné à expliquer les rapports géopolitiques entre Israël et les Etats-Unis.
Mais il faut bien que quelqu’un le fasse !
Voici en clair et simple la différence entre assistance conditionnelle et soumission dans le cas des relations États-Unis / Israël sous Trump.
1. Soumission : perte d’autonomie
La soumission, dans les relations internationales, signifie qu’un État renonce à sa capacité de décider pour lui-même.
Il subordonne sa politique, ses priorités stratégiques et parfois ses institutions aux intérêts ou directives d’un autre État.
- L’État soumis ne peut pas dire non.
- Ses choix deviennent déterminés de l’extérieur.
- Son autonomie politique, militaire ou diplomatique est amoindrie.
En un mot : soumission = perte de souveraineté.
2. Conditions : logique d’alliances entre Etats souverains
À l’inverse, lorsqu’un État aide un autre État mais pose des conditions, cela relève de la négociation, de l’intérêt mutuel et de la gestion d’alliés.
- Chaque État conserve son indépendance.
- Il accepte certaines conditions non pas parce qu’il y est contraint, mais parce que l’échange est jugé bénéfique.
- Les conditions sont des leviers, pas des menottes.
En un mot : conditions = alliance contractuelle entre deux États souverains.
3. La relation Trump / Israël
Trump n’a pas cherché à subordonner Israël, mais il a cherché à moduler son soutien en fonction :
- d’objectifs stratégiques américains (stabilité régionale, rapports avec le Golfe, réduction des engagements militaires directs)
- d’objectifs politiques internes (satisfaction de sa base MAGA, image d’« homme qui obtient des accords de paix »)
C’est un usage classique de l’influence, pas une demande de soumission.
Si Israël avait été soumis, il aurait obéi automatiquement. Or, Israël a continué de poser ses lignes rouges et de décider seul (voir exemples au paragraphe suivant).
4. Quand Benjamin Netanyahou a refusé ou retardé des demandes venues de Donald Trump
- Plan de paix de Trump non adopté complètement (juin 2020)
Le plan de paix de l’administration Trump (souvent appelé « Deal of the Century ») proposait des conditions pour les Arabes, et supposait une large coopération israélo-américaine.
Netanyahou a montré des hésitations et des ajustements dans son positionnement face à ce plan : dans l’analyse, il est décrit comme ayant « échoué le test Trump » en ne donnant pas toutes les assurances attendues et en refusant finalement la demande de Trump. - Refus de se joindre à une trêve sans conditions précises (septembre 2024)
Lors des négociations sur un cesse-feu dans le conflit de Gaza, Netanyahou a déclaré qu’Israël ne participerait pas à des pourparlers car il exigeait de garder le contrôle de la frontière de Gaza. Même si cette demande venait dans le cadre des pressions américaines, Netanyahou a maintenu ses propres lignes rouges et a refusé tout compromis. - Acceptation conditionnelle des plans américains : Bibi a accepté mais en posant ses propres conditions (ex. plan de paix / cessez-le-feu de 2025)
Quand l’administration Trump a proposé une large « feuille de route » pour Gaza, Netanyahu a fini par accepter publiquement le plan mais avec d’importantes réserves et conditions (garanties de sécurité, refus d’un État palestinien, maintien d’un contrôle israélien partiel). Ce comportement illustre la logique « oui, mais » — soit l’opposé d’une obéissance automatique – une soumission. - Désaccords opérationnels récents (2025) — opérations en Syrie / réponses à des attaques : divergence politique et diplomatique
Sur certaines opérations en Syrie et sur la manière d’aborder l’Iran, des désaccords et des frictions entre les priorités d’Israël et les orientations de l’administration Trumpont été largement rapportées (d’ailleurs, quelques fois par les mêmes journalistes qui affirment que Netanyahou se soumet à Trump) : Netanyahu a poursuivi une ligne distincte ou n’a pas obtenu l’appui américain espéré. Cela montre qu’il peut agir selon ses propres impératifs de sécurité même en situation de tension avec Washington. - Fin janvier 2025, négociations sur la phase 2 d’un accord de cessez-le-feu à Gaza
Pour avancer immédiatement à la phase 2, Trump demande le retrait total des troupes israéliennes de Gaza, contre la libération d’otages et l’implication d’une force internationale pour la stabilité.
Netanyahou refuse. Il maintient sa position et donne la priorité à la « victoire totale » sur le Hamas.
Trump augmente les pressions sur Netanyahou, mais sans rupture immédiate. Netanyahou reste intraitable. Trump abandonne sa demande. - Début mars 2025, après un cessez-le-feu temporaire en janvier, Trump cherche à stabiliser Gaza via un plan de reconstruction et d’émigration « volontaire » des Arabes, avec un délai de 5 ans pour la reconstruction.
Netanyahu rompt le cessez-le-feu en imposant un nouveau siège sur Gaza (début mars), interdit les livraisons de nourriture et de médicaments et refuse les négociations permanentes avec Hamas pour éviter une « trêve définitive » qui permettrait au Hamas de se renforcer. - Entre le 7 et le 25 juillet, négociations pour un cessez-le-feu de 60 jours avec libération d’otages et retrait partiel des troupes.
Trump rencontre Netanyahou pour un dîner et pousse pour un accord permanent. Netanyahu refuse le retrait du corridor Philadelphi demandé par l’administration Trump, contre l’avis de ses chefs militaires et de renseignement ; il abandonne les négociations en juillet, qualifiant les demandes du Hamas d' »inacceptables » et reprend les frappes sur le groupe terroriste. - Netanyahou suit une ligne de moindre patience, de plus grande autonomie militaire, ce qui peut créer des tensions/déphasages avec Washington.
Israël, par ses opérations de frappes en Syrie, prend des initiatives militaires-offensives sans attendre nécessairement l’aval complet ou la participation active des États-Unis. Israël a d’ailleurs lancé des frappes en Syrie qui ont perturbé la stratégie américaine de stabilisation et de négociation avec Damas.
L’administration américaine aurait demandé à Israël de faire une pause et de privilégier un dialogue avec la Syrie, tandis qu’Israël a continué des actions militaires visant à fragmenter les forces liées à l’Iran, voire encourager un « découpage » politique de la Syrie pour mieux contrôler les menaces iraniennes ou du Hezbollah. - Septembre 2025 – Trump présente son plan de paix en 21 points à l’ONU, incluant cessez-le-feu immédiat, désarmement de Hamas, retrait progressif israélien et gouvernement transitoire international.
Trump demande à Netanyahou d’approuver sans réserve le plan, incluant des réformes pour l’Autorité palestinienne et une perspective d’État palestinien à long terme ; Trump appelle Netanyahu 5 fois, menaçant : « Prends-le ou laisse-le, et le laisser signifie qu’on te lâche. » Netanyahu hésite initialement et puis refuse.
Netanyahu finit par accepter mais indique publiquement ses restrictions : il refuse toute implication de l’AP dans Gaza, s’oppose à un État palestinien (« Ce n’est pas écrit dans l’accord »), et maintient que Tsahal restera dans « la plupart du territoire » de Gaza. - Israël frappe des officiels Hamas au Qatar contre les conseils de Trump.
Trump force Netanyahu à s’excuser auprès du Qatar. Les tensions montent, avec Trump frustré par la prolongation de la guerre que Netanyahou ne parvient pas à gagner. - Octobre 2025, Trump propose l’inclusion de la Turquie dans la force de stabilisation de Gaza et dans la reconstruction.
Netanyahu refuse catégoriquement la proposition de Trump d’inclure la Turquie, jugeant cela une menace sécuritaire ; Il refuse également, tout aussi catégoriquement, la présence de l’Autorité palestinienne à Gaza, quel que soit leur rôle.
5. Conclusion
Poser des conditions, c’est négocier entre égaux.
Imposer la soumission, c’est priver l’autre du droit de décider.
Trump négocie, il n’annexe pas, il ne soumet pas, il ne colonise pas. Netanyahou garde le cap des intérêts d’Israël, tout comme Trump garde le cap des intérêts des Etats-Unis. Les médias inventent des brouilles selon la doctrine diviser pour régner.
