Opération de contre-terrorisme sur Gaza : l’heure du bilan

En Israël, des experts considèrent que l’opération de contre-terrorisme contre Gaza, qui a duré 3 jours, est l’une des plus réussies qu’Israël ait jamais accomplie. Il y a eu très peu de blessés, aucun mort, très peu de dégâts matériels, la vie des Israéliens qui habitent près de la bande de Gaza a été bouleversée pendant un temps relativement limité, et Israël n’a presque rien cédé en échange du cessez-le-feu. Je ne partage pas leur enthousiasme, même si je ne conteste aucun des faits ci-dessus, et même si je me réjouis que cette opération ait pris fin.

A cela, j’ajoute huit faits significatifs qui sont passés relativement inaperçus :

  1. Le Premier ministre Yair Lapid a déclenché l’offensive de manière préventive, avant qu’une seule roquette ne soit tirée depuis Gaza. C’est une première, dans les guerres avec Gaza. C’est le comportement d’un politicien qui applique une doctrine très à droite, bien que cela puisse avoir été dicté par une stratégie électorale, à trois mois du scrutin.
  2. Il n’a pas cédé aux pressions, et n’a pas interdit le pèlerinage au Mont du Temple le jour de Tisha B’av.
  3. Il a procuré une protection policière au politicien situé le plus à droite de l’échiquier politique, Itamar Ben Gvir, pour s’y rendre, et en a fait interdire l’accès au député arabe Ahmad Tibi.
  4. Il a autorisé l’élimination de tous les chefs du Jihad islamique que l’armée a pu atteindre.
  5. Le Hamas ne s’est pas joint aux combats malgré ses déclarations. L’hypothèse la plus vraisemblable est qu’il ne souhaitait pas avoir l’air de se soumettre à l’agenda de son rival, le Jihad islamique soutenu par l’Iran, qui représente le second plus important groupe terroriste de Gaza.
  6. L’opération n’a pas été condamnée par l’UE, qui a au contraire condamné le Jihad islamique pour les morts arabes de Gaza sous les tirs de roquettes qui ont explosé à l’intérieur de la bande, notamment dans le « camp de réfugiés » de Jabaliya.
  7. Le conflit s’est déroulé conformément aux conflits précédents : on pourrait écrire le scénario, et on pourra écrire les prochains. Des milliers de roquettes tirées ; un Dôme de fer efficace à 95% ; de très rares dégâts collatéraux arabes (il faut toujours qu’il y ait une petite fille morte) sur lesquels la presse s’est jetée comme un vautour pour calomnier Israël ; beaucoup plus de morts et de blessés arabes que juifs, parce qu’Israël construit des abris anti-bombes et Gaza des rampes de lancement ; l’emploi de boucliers humains par les terroristes a été ignoré par le monde entier, tout comme le fait que chaque roquette qui vise des civils est un crime de guerre.
  8. Peu avant 19 heures, Yair Lapid a déclaré aux maires du Sud du pays, de manière très prématurée :

« Israël a atteint ses objectifs à Gaza, il n’y a aucun avantage à continuer. »

Cette déclaration était incompréhensible : le Jihad islamique continuait à tirer des roquettes sur Israël.

D’ailleurs, peu après cette déclaration de Lapid, des roquettes ont été interceptées au-dessus de Sderot.

À Gaza, on a fait la fête, et on avait raison. Les jeunes arabes ont défilé après le cessez-le-feu, faisant l’éloge des dirigeants du Jihad islamique tués – ce sont des « martyrs ».

Israël a perdu

Le Jihad islamique a posé des conditions en échange du cessez-le-feu, et Israël a accepté certaines des conditions – dont la libération de prisonniers. Un vainqueur n’accepte pas les conditions du perdant. Un perdant ne pose pas de conditions.

Un porte-parole militaire du Jihad islamique, Abu Hamza, a d’ailleurs déclaré victoire sur Israël, dimanche soir dans une vidéo diffusée sur Twitter.

Abu Hamza, porte-parole militaire du Jihad islamique

Certes, les terroristes n’ont pas déclaré quels objectifs ils ont atteints, pour justifier leur victoire. Certes le Jihad islamique a subi une perte importante de ses dirigeants, une grande partie de ses roquettes n’ont pas atteint Israël et sont retombées à Gaza, et beaucoup ne voient pas en quoi c’est une victoire.

Et pourtant c’est une victoire, puisqu’Israël a accepté certaines des conditions du Jihad islamique en échange d’un cessez-le-feu. Un perdant ne pose pas de conditions, et un gagnant n’accorde pas de concessions, il ne cède rien. Israël a donc perdu et le Jihad islamique a gagné. Déclarer victoire vaut victoire auprès des populations : ce qui compte n’est pas la victoire mais les apparences de victoire.

Israël vit dans le tabou. Depuis 1967, la doctrine israélienne consiste à faire des concessions aux perdants. On ne fait pas de concessions au perdant d’un conflit qui veut votre destruction. On frappe l’ennemi jusqu’à ce qu’il supplie qu’on arrête, et on arrête après lui avoir arraché tous les compromis qui permettent de garantir la sécurité de son peuple de manière aussi durable que possible. Aucun politicien n’introduit ce sujet dans les médias ou à la Knesset. C’est l’ultime tabou d’Israël.

© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24 7.org

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