La Syrie me rappelle en quelque sorte le conte du « joueur de flûte de Hamlin » des frères Grimm. Commissionné pour se débarrasser des rats qui infestaient Hamlin : on nous raconte qu’en l’an 1284, alors que la ville de Hamelin est envahie par les rats et que les habitants meurent de faim, un joueur de flûte inconnu arrive dans la ville et se présente comme un dératiseur. Les habitants de Hamelin promettent au joueur de flûte une prime de mille écus pour débarrasser la commune des rats qui l’ont infestée. L’homme prend sa flûte et, par sa musique, attire les rats qui le suivent jusqu’à la Weser, la rivière qui arrose la ville, où ils se noient. Bien que la ville soit ainsi libérée des rongeurs, les habitants reviennent sur leur promesse et refusent de payer le joueur de flûte, le chassant à coups de pierres.
Le joueur de flûte quitte le pays, mais revient quelques semaines plus tard pour se venger, le dimanche 26 juin. Alors que les habitants sont réunis à l’église, il joue de nouveau de sa flûte, attirant cette fois les enfants de Hamelin. Cent trente garçons, filles et servantes le suivent hors de la ville jusqu’à une grotte qui se referme derrière eux. Selon certaines versions, le joueur de flûte emmène les enfants de Hamelin non pas à la rivière, mais vers une montagne. Les parents, eux, ne les reverront jamais.
Bachar Al-Assad, piégé au cœur du triangle Russe-Iran-Israël (L’Orient XX1).
L’héritage laissé au président syrien Bachar Al-Assad par son père, comprend « l’alliance entre Damas et Téhéran ». Au fil du temps et face à la nécessité, notamment avec le déclenchement de la révolution syrienne en mars 2011, cette alliance tend à devenir un fardeau encombrant, surtout, dans le cadre de la guerre actuelle au Proche-Orient.
La Syrie à la merci de Téhéran et de Moscou
Suite au déclenchement du printemps arabe et de la révolution syrienne, l’Iran est intervenu militairement et a directement protégé Assad. Fort de son soutien à des personnalités militaires briguant des postes importants et de ses relations avec les dirigeants des services de sécurité, son influence s’est accrue au sein du régime syrien lui-même. Téhéran a aussi étoffé ses relations avec les principaux entrepreneurs syriens proches du régime. Cette ingérence s’est produite parallèlement à l’envoi sur le terrain de milliers de combattants des milices soutenues par l’Iran, venus d’Irak et du Liban, le Hezbollah. Ainsi, l’Iran est progressivement passé du statut d’allié protégeant Assad à celui de partenaire dans la gestion du territoire. Cette réalité contraint Assad à bien réfléchir avant de prendre quelques mesures qui contrarieraient les intérêts iraniens, y compris dans les zones sous son contrôle. Un éventuel conflit sur une question stratégique avec les dirigeants iraniens pourrait avoir de graves répercussions sur la situation sécuritaire et économique en Syrie et, possiblement, sur Assad lui-même. Sur la base de ces préoccupations, Assad frappe à la porte de la Russie.
Pour essayer de déloger un allié devenu envahisseur préoccupant, Hafez Al-Assad se précipite pour signer le traité d’amitié et de coopération entre la Syrie et l’Union soviétique le 8 octobre 1980, qu’il avait toujours hésité à signer. Cette démarche constitue une réponse à cette nouvelle variable.
Or la Russie, en dépit de la guerre en Ukraine et la coopération stratégique avec Téhéran, entretient toujours des relations étroites avec Israël. D’où la question fondamentale d’Assad dans son dilemme relatif à la frontière syro-libanaise : Moscou se rangera-t-il du côté de Téhéran, de Tel-Aviv ou de Damas ?
Mais entre-temps, tous ces facteurs ont omis de prendre en considération les composants de la Syrie, en reprenant la sempiternelle théorie des confessions religieuses et des minorités ethniques, des Chrétiens aux Kurdes en passant par les Alaouites, posent déjà problème. (Chrétiens, Alaouites, Druzes…) mais aussi linguistiques, ethniques, voire « nationaux » (Kurdes, Arméniens, Turcs…), ou encore, et plus simplement, se rattacher à des modes de vie particuliers (les bédouins) et celles des réfugiés dits palestiniens qui briguent aussi des droits.
La Syrie entre les mâchoires iraniennes, russes, et celles des minorités se découvre brusquement sans aucune épine dorsale. À force de vouloir chasser un ennemi en se lançant dans de nouvelles alliances, Bachar est en train de perdre du terrain dans son propre domaine, devenant du coup une opportunité pour tous les attentistes de tous bords… Un danger certain pour Israël qui réclame de Bachar Al-Assad, la fermeture hermétique des frontières entre la Syrie et le Liban et œuvre d’arrache-pied à empêcher l’écoulement de convois d’armes venus de l’Iran à travers l’Irak.
La faiblesse du Hezbollah, battu à plate couture par Israël, encourage ces minorités à se rebeller contre les intrigues politiques et stratégiques de Bachar Al-Assad…
À quel saint devrait Bachar al-Assad se vouer ?
Israël est aux aguets, les Russes et les Iraniens aussi, tandis que les vautours encerclent le palais de Bachar, se préparant à l’assaut.
Thérèse Zrihen-Dvir