La stratégie de diabolisation du bon et du mauvais juif

Juda Maccabée devant l'armée de Nicanor ; Gustav Doré, 1832

L’hystérie suscitée par le nouveau gouvernement israélien nuira au monde juif dans son ensemble.

Par Melanie Phillips. Traduction et adaptation, Albert Soued.


L’une des stratégies favorites déployées par les chasseurs de juifs consiste à diviser la communauté en bons et mauvais juifs.

Les bons Juifs ont des opinions politiquement correctes et progressistes. Les Juifs qui ne partagent pas ces opinions sont de mauvais Juifs.

Cette distinction est utile aux ennemis d’Israël, qui peuvent l’utiliser pour affirmer qu’il est impossible de haïr les Juifs, car certains d’entre eux soutiennent leur hostilité à l’égard d’Israël.

La Maison Blanche a accueilli cette semaine une table ronde sur l’antisémitisme pour discuter de l’escalade alarmante des attaques contre les Juifs américains. Pourtant, l’administration Biden a ostensiblement omis d’inviter à cette discussion la Zionist Organisation of America, la Coalition for Jewish Values et le Jewish Leadership Project.

Ces organisations défendent Israël et le peuple juif contre les idéologies de gauche. Elles sont donc de mauvais juifs.

Malheureusement, cet odieux trope Bon Juif/Mauvais Juif est maintenant promu au sein même du monde juif.

Tant en Israël qu’en diaspora, les Juifs progressistes ont été bouleversés par la composition du nouveau gouvernement formé par le Premier ministre désigné Benjamin Netanyahu. En effet, il attribue des postes gouvernementaux à trois législateurs très controversés.

L’agitateur Itamar Ben-Gvir devrait devenir ministre de la sécurité nationale. Bezalel Smotrich, qui aspire à une théocratie israélienne, serait un ministre de la défense de second rang, doté de certains pouvoirs sur les territoires contestés de Judée et de Samarie. Avi Maoz, dont le parti s’oppose aux droits des LGBTQ et à d’autres causes progressistes, se voit apparemment confier le contrôle des apports extérieurs dans le programme scolaire et un nouveau bureau consacré à « l’identité juive ».

Cette situation a donné lieu à des débordements épiques de la part des Juifs de la diaspora, qui s’empressent d’annoncer qu’ils pourraient désormais retirer leur soutien à Israël. Une telle hystérie favorise également l’agenda du bon et du mauvais juif.

Cette semaine, Richard Ferrer, le rédacteur en chef du journal britannique Jewish News, a annoncé aux lecteurs de l’édition en ligne du Times de Londres que de nombreux juifs britanniques étaient « horrifiés » par le nouveau gouvernement israélien.

Ses affirmations dans cet article étaient exagérées, déformées et absurdes. Il décrit Ben-Gvir, Smotrich et Maoz comme « les Talibans juifs théocrates à la recherche d’un Iran juif » .

Laissez de côté pour le moment que les Talibans sont des musulmans sunnites tandis que les Iraniens sont leurs ennemis chiites. L’idée que l’un de ces trois juifs israéliens représente la menace mortelle et injustifiée à la vie et à la liberté incarnée par les talibans et les atrocités qu’ils ont commises est grotesque.

De plus, les talibans sont des islamistes. Mais Ferrer ne s’était pas senti obligé de dire aux lecteurs du Times comme il l’a fait cette semaine que « Theodor Herzl devait se retourner dans sa tombe » lorsque le gouvernement de Naftali Bennett et de Yair Lapid s’est allié avec le parti islamiste Ra’am de Mansour Abbas.

Cela était en dépit du fait que Ra’am est affilié aux Frères Musulmans, qui promulgue des conspirations paranoïaques sur les Juifs et cherche la destruction d’Israël et de l’Occident.

Ferrer déclara que les trois Israéliens n’étaient « pas des démocrates aux vues libérales » et que deux au moins étaient antigays. Mais l’année dernière, son Jewish News rapportait que Ra’am était «socialement extrêmement conservateur, et Abbas avait fait un discours célèbre à un site d’information israélien en faveur d’une thérapie de conversion pour les personnes LGBTQ. Son journal n’en a pas moins ronronné sur cette coalition et qualifié Abbas de «pragmatique».

De plus, l’article de Ferrer a inversé la vérité d’une manière qui aurait rendu justice à tout propagandiste islamiste. Il a accusé BenGvir d’avoir attisé les émeutes de l’année dernière contre les Arabes israéliens qui ont déclenché un conflit avec le Hamas.

La police a en effet accusé Ben Gvir d’attiser les tensions qui ont agité les villes mixtes d’Israël en mai de l’année dernière. Mais la plus grande partie de cette violence, y compris le meurtre d’Israéliens, a été commise par des Arabes israéliens aux cris de «Avec le feu et le sang, nous rachèterons la Palestine» et «massacrons les Juifs».

Ce n’est qu’après que le Hamas et le Jihad Islamique Palestinien aient commencé à tirer des centaines de roquettes sur Israël depuis Gaza pendant ce soulèvement nationaliste arabe qu’Israël a entrepris une action militaire. Pourtant, Ferrer a laissé entendre qu’Israël était responsable de la violence.

Placer cette honteuse parodie dans le Times fournira sans aucun doute de nouvelles munitions aux ennemis d’Israël et diabolisera tous les Juifs qui la soutiennent. En effet, l’implication de la prétention de Ferrer à chérir l’État juif est que quiconque ne hurle pas en notre nom est un mauvais juif. Cela a eu un écho en Israël même, où la gauche a également sombré dans l’effondrement.

Maoz a provoqué l’indignation à la Knesset cette semaine en comparant le gouvernement Lapid aux Juifs hellénisants de l’histoire de Hanoukka. « Quiconque tente de créer une nouvelle religion dite libérale est dans l’obscurité », a-t-il déclaré. «Quiconque, par dissimulation et obscurcissement intentionnels, essaie de laver le cerveau des enfants d’Israël avec leurs intentions, à l’insu des parents, est l’obscurité».

Cela a provoqué Yesh Atid MK Michal Shir Segman à crier : «Qui êtes vous pour décider qui est un bon Juif et qui est un mauvais Juif ? Chutzpah.» Mais que faisait-elle si ce n’était pas exactement cela ?

Pour ces personnes, les méchants Juifs incluent toute personne ayant une conception orthodoxe et conservatrice des commandements de la Torah.

Les personnes rationnelles qui s’inquiètent, de façon compréhensible, des antécédents de ces trois personnes ou trouvent leurs positions actuelles déplaisantes attendront de voir ce qu’elles font réellement. Netanyahou n’a-t-il pas en effet clairement fait savoir qu’il entendait maintenir l’opposition en laisse.

Comme Shany Mor et Einat Wilf l’ont écrit pour la Fondation pour la défense des démocraties – en considérant les nombreuses occasions où l’élection d’un nouveau gouvernement israélien a évoqué des scénarios horribles – « Ce qui ressort, c’est que les gouvernements de Netanyahou, qui ont tous, sans exception, été accueillis avec des larmes par la partie vaincue, n’ont jamais mis en œuvre ces scénarios de cauchemar, et parfois même, c’est le contraire qui s’est produit« .

Mais les embouteilleurs de perles d’aujourd’hui n’attendent pas de voir ce qui va se passer. Ils s’opposent à la présence de ces trois personnes au sein du gouvernement. Ils paniquent à l’idée d’être associés à ces personnages parce qu’ils sont tous juifs.

Pour saisir à quel point cette réaction est curieuse, regardez-la de l’autre côté du télescope politique.

Les points de vue des juifs progressistes – sur les questions de politique identitaire telles que la race et le sexe ou sur les questions relatives à Israël et aux Palestiniens – offensent, bouleversent et effraient les autres juifs. Ils pensent que les progressistes ont tort, qu’ils sont illibéraux, hypocrites et qu’ils menacent de diverses manières l’intégrité et la sécurité d’Israël et du peuple juif.

Pourtant, ces anti-progressistes ne sentent pas que leur propre identité est compromise par ces positions ; ils ne ressentent pas le besoin de dire « pas en mon nom ».

Que nous dit cette différence ?

Premièrement, ce qui importe toujours le plus pour les progressistes, c’est la manière dont les autres les perçoivent – et dont ils se perçoivent eux-mêmes.

Or, un élément crucial de leur identité est qu’ils se définissent par ce qu’ils ne sont pas.Ils appellent leurs adversaires « la droite », non pas comme un descripteur exact (ce n’est souvent pas le cas), mais comme une référence insultante d’inacceptabilité. Plus ce critère est mauvais, plus ils deviennent vertueux. C’est pourquoi ils sont si prompts à confondre « droite » avec « extrême droite », « fasciste » ou « nazi ».

Et ce, malgré le fait qu’ils se rendent eux-mêmes ridicules, comme l’a fait le maire de Tel Aviv, Ron Huldai, qui a exhorté les Israéliens à se soulever contre l’imminente « théocratie fasciste » du pays. Mais bien sûr, sous un fascisme réel, une telle révolte ne serait pas possible. Et inciter à la révolte contre un gouvernement dûment élu n’est guère démocratique.

Peu importe. Tout Juif qui ne dénonce pas Ben-Gvir, Smotrich ou Maoz sera catalogué comme un mauvais Juif. La diffamation est un moyen de mettre fin à une discussion.

Ceux qui essaient de faire taire les autres de cette manière le font par peur. Alors pourquoi ces « bons juifs » ont-ils si peur que leur propre identité soit si vulnérable ?

Voici la dernière curiosité. C’est parce qu’ils sont terrifiés, à un certain niveau souterrain de leur psyché, que ces « mauvais Juifs » puissent avoir raison.

© Albert Soued, diffusion Israël 24/7.org

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