Sa vie aura été une saga romanesque, Isabelle Choko, rescapée d’Auschwitz-Birkenau et présidente de l’Union des déportés d’Auschwitz, est décédée le vendredi 21 juillet à Paris dans sa 95è année.
L’histoire, son histoire pourrait commencer par « il était une fois, une jeune fille heureuse, entourée de l’affection des siens… ». Izabela est née à Lodz en Pologne le 18 septembre 1928. Ses parents, Heinrich et Jenta Sztrauch, sont pharmaciens et francophiles. Enfant unique, Iza (Izabela, Isabelle) est scolarisée à « Nasza Szkola » (Notre Ecole). Cette école pionnière est mixte et laïque. Elle privilégie dans ses enseignements le sport, les langues étrangères très tôt dans le cursus, et l’attention portée aux pauvres. Isabelle rêve d’être chimiste et de se rendre à Paris.
A l’âge de 11 ans, elle est enfermée avec les siens dans le ghetto de Lodz, créé par les autorités allemandes en avril 1940. La grand-mère puis le père d’Isabelle meurent de privation et d’épuisement très tôt. Isabelle et sa mère sont déportées au cours de l’été 1944 au camp d’Auschwitz-Birkenau, avant d’être transférées au bout d’une semaine au camp de Waldeslust, près d’Hanovre et de Celle, où elles sont affectées à des chantiers très pénibles de construction et de pose de rails de chemin de fer avant d’être transférées au camp de concentration de Bergen Belsen en février 1945. Toutes deux contractent le typhus et sa mère en meurt.
Isabelle se rendra régulièrement en pèlerinage à Bergen-Belsen à partir des années 2000. Elle fait partie – fin 1992 – du petit groupe d’anciens déportés qui créent le comité pour l’érection au cimetière du Père-Lachaise d’un monument, inauguré le 23 mars 1994, en présence de Simone Veil.
Quand l’armée britannique libère les déportés le 15 avril 1945, Isabelle a 16 ans et ne pèse que 25 kilos. D’abord soignée sur place puis par sœur Suzanne de la mission Vaticane à qui elle vouera une reconnaissance extrême, elle est transférée en Suède où elle entame une longue convalescence.
Isabelle s’installe en France à Paris en février 1946 chez un oncle, que la sœur Suzanne a retrouvé. Elle se marie en décembre avec Arthur Choko. Trois enfants arrivent vite à leur foyer, sa revanche sur la déportation et la mort. Elle devient championne de France d’échecs en 1956, vice-championne du monde l’année suivante. Elle va entamer une carrière dans l’industrie, notamment aux Charbonnages de France puis elle accompagne son mari dans de brillantes expériences menées dans le secteur de la restauration. Arthur, son mari est un spécialiste de la cote des vins, qui publie le guide « Le Choko ». A sa retraite, Isabelle devient une référence en matière de peinture haïtienne.
A partir des années 1990, elle commence à témoigner, surtout en milieu scolaire, et s’engage au sein des associations de mémoire. Elle aura à cœur de défendre l’aide aux survivants, notamment déportés depuis l’Est et arrivés ensuite en France. Elle réussit à convaincre l’Etat en 2008 et 2009 de son projet. Elle participe longtemps à l’animation de l’Amicale des Anciens Déportés de Bergen-Belsen et de l’Association Fonds Mémoire d’Auschwitz, dont elle devient présidente puis présidente d’honneur, et l’Union des déportés d’Auschwitz qu’elle préside depuis son élection intervenue en mars 2022.
Officier de la Légion d’honneur, chevalier de l’Ordre national du Mérite et de celui des Palmes académiques, Isabelle est également auteure. Elle a notamment publié La mort en échec chez Grasset en janvier dernier, La Jeune Fille aux yeux bleus, éditions Le Manuscrit / Fondation pour la Mémoire de la Shoah, coll. « Témoignages de la Shoah » en 2014 et en 2021, avec le soutien de la Fondation pour la mémoire de la Shoah chez KomEdit, Lodz 1939 « Notre Ecole ».
Lors de la cérémonie pour la « Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de la Shoah » tenue à l’UNESCO le 26 janvier 2023, La jeune fille aux yeux bleus a lancé un appel vibrant, le dernier : « Il faut donner à la jeunesse, dans sa diversité et sa magnificence, la possibilité de s’instruire et d’évoluer grâce à la culture, à l’éducation et à l’instruction, si elles sont fondées sur les plus hautes valeurs morales et non sur le culte de la violence, la haine et l’obscurantisme. »
Barou’h ata Hachem, Elokénou méle’h haolam dayan haèmèt.
© Eden Levi-Campana pour Israël247.org
Eden Levi-Campana est cinéaste et journaliste corso-israélien, reporter et correspondant pour divers médias internationaux. Membre de « l’Union des Déportés d’Auschwitz », il est particulièrement sensible aux questions de l’antisémitisme et de la Shoah. En qualité d’auteur, de script-doctor et de biographe, Eden travaille depuis trente ans pour des sociétés de productions de films et des maisons d’éditions françaises, anglaises, américaines et israéliennes.