Le comité de la Constitution s’est réuni dimanche pour discuter des amendements à la loi fondamentale, notamment concernant le comité qui nomme les juges, la possibilité pour la Haute Cour d’annuler une loi parfaitement légale votée par la Knesset, la possibilité pour la Knesset de surmonter l’annulation prononcée par la Haute Cour, ainsi que la possibilité, pour la Haute Cour, d’annuler les décisions du gouvernement ou les lois votées par la Knesset, parfaitement légales par ailleurs, sous l’argument du « caractère irraisonnable » de ces lois et décisions.
L’un des participants au comité constitutionnel est le lauréat du prix Nobel d’économie, le professeur Israël Aumann. Il ne s’est pas contenté de défendre la réforme judiciaire, il lui reproche de ne pas aller à assez loin.
J’ai parcouru toute la presse, de gauche comme de droite, et personne ne rapporte ses propos intégralement, alors qu’ils contiennent des perles de sagesse. Chaque média extrait la phrase qui convient à sa ligne politique. Ce n’est pas très honnête. C’est le journalisme d’aujourd’hui. Et je pense que sur ce sujet fondamental (dans quel pays, des citoyens descendent dans la rue pour protester contre une réforme de la justice ?), les gens méritent d’être honnêtement informés. Ce qu’Israël 247.org tente de faire de la manière la plus transparente possible.
Aumann rapporte l’anecdote suivante, au début de son intervention, concernant le juge Aharon Barak, qui est une de ses connaissances, et qui est le premier juge à avoir étendu les pouvoirs de la Cour suprême à toutes les décisions politiques et soumis le pays à ses caprices, il a déclaré :
« J’ai demandé une fois au professeur et Juge Aharon Barak, ‘acceptez-vous que la Haute Cour légifère ?’ Et il m’a répondu que oui, parce que les Sages [de la Bible] étaient à la fois juges et législateurs ».
Le lauréat du prix Nobel a ajouté :
« Je veux dire à Barak aujourd’hui que [ce qu’il a dit] est vrai pour les sages, mais nous ne sommes pas une théocratie, nous sommes une démocratie. Nous ne sommes pas non plus une judéocratie. Le pouvoir de gouverner n’est pas entre les mains de la cour. Cela montre le point de vue de l’attitude de Barak sur tout ce sujet, ce qu’il aime, et ce qu’il a laissé pour les autres ».
Voici un extrait de sa déclaration :
Maintenant je veux me rapporter aux points de la proposition de loi que nous discutons ici.
Donc, tout d’abord, la composition du comité pour nommer les juges..
C’est bien qu’ils retirent les membres de la chambre des avocats parce que sur les questions normatives, idéologiques et politiques, comme celles qui sont discutées par les tribunaux aujourd’hui, ça n’a rien à voir avec la chambre des avocats.Les avocats ne sont pas meilleurs que des ingénieurs ou des médecins. Pourquoi la chambre des avocats devrait-elle recommander des juges ? Donc c’est une bonne chose qu’ils les aient supprimés.
Ce qui n’est pas très bien, c’est qu’ils aient gardé les juges.
Et surtout qu’ils aient laissé le président de la Haute Cour.
Et ce n’est pas seulement qu’ils les ont laissés, ils donnent au président de la Haute cour un pouvoir de veto.
Donc les juges qui seront nommés devront l’être avec l’accord du président de la Haute cour. Cela donne au président de la Haute cour un pouvoir énorme.
Et ils [les membres du Comité et Levin qui a introduit le projet de loi] ne savent pas pourquoi ils ont décidé ça.
Je veux que le chef de la commission explique quelle est la logique de cela : donner le droit [au président de la Haute Cour] de ne pas être d’accord.
Je suis pour le retrait de tous les juges du comité de nomination, en particulier les juges de la Haute cour, en particulier le président. Ils n’ont rien à voir avec le comité de nomination des juges.
Il y a 36 pays dans l’OCDE. Dans plus de deux tiers de ces pays, les juges n’ont aucun rôle dans le processus de nomination des juges, parce que c’est une violation de la séparation des pouvoirs.
Notre problème est qu’en fait les juges se nomment eux-mêmes.
Cette proposition [de réforme judiciaire] diminue le pouvoir des juges de la Haute Cour, mais ne l’annule pas. Je ne comprends pas ça.
C’est essentiel de retirer les juges de la Haute Cour. Peut-être qu’il serait même mieux de retirer tous les juges [du comité de nomination], mais il est définitivement essentiel de retirer le président de la Haute Cour de ce comité de nomination. Il ne devrait pas être là.
Si vraiment on veut des juges, dans le tribunal de paix de bas niveau et la cour supérieure, vous avez ces juges qui ont pris leur retraite, OK, mais certainement pas la Haute cour et absolument pas son président. C’est tout.
Voilà des propos de bon sens. Ca ne va pas plaire : le bon sens est devenu politiquement incorrect.
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24 7.org