Pendant que le Premier ministre Netanyahou revenait d’une visite officielle à Londres, le ministre de la Défense Yoav Gallant est monté à la tribune – comme il voulait le faire jeudi dernier – pour demander l’arrêt temporaire de la réforme judiciaire du gouvernement, mais aussi l’annulation de la loi Deri, dont le vote est prévu cette semaine.
S’agissant d’un ministre de la Défense, un recul aussi complet a de quoi marquer les esprits.
Dans une brève déclaration diffusée à la télévision nationale, M. Gallant a déclaré :
« La mission de ma vie est la sécurité d’Israël, j’y ai consacré ma vie et, cette fois encore, je suis prêt à prendre un risque et à en payer le prix. Les menaces sont énormes, proches et lointaines – l’Iran est proche de la capacité nucléaire militaire, l’arène au nord est occupée, le terrorisme palestinien s’intensifie.
Au cours des dernières semaines, un événement dramatique s’est produit », a-t-il poursuivi. « J’ai rencontré les commandants sur le terrain et dans leurs bureaux, et je suis inquiet de ce que j’entends. Je n’ai jamais rencontré une telle intensité de colère et de douleur.
Les dissensions au sein de la société ont pénétré dans l’armée, ce qui constitue un danger immédiat et tangible pour la sécurité de l’État. Je ne participerai pas à cela.
Nous avons besoin d’un changement dans le système judiciaire. L’équilibre entre les branches du gouvernement doit être rééquilibré, ce qui renforcera la confiance du public. Mais les changements massifs doivent se faire dans le cadre d’un dialogue.
Une victoire de l’un des partis serait une perte pour l’État d’Israël. Dans l’intérêt de la sécurité d’Israël, le processus législatif doit être temporairement interrompu et des négociations doivent avoir lieu. Peu importe qui a commencé, qui a raison et qui a tort.
Je demande l’arrêt du projet de loi sur la réforme judiciaire jusqu’après Yom Ha’Atzma’ut », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il demandait également aux réservistes de Tsahal de cesser leurs grèves et aux protestataires anti-gouvernementaux de cesser leurs manifestations pendant toute la durée des négociations.
En faisant cette déclaration, M. Gallant suppose que l’opposition, dont il récompense les actions par son recul, va s’arrêter en si bon chemin, alors qu’elle ne vise en réalité rien moins que la chute du gouvernement, et pas l’arrêt de la réforme judiciaire.
- La députée socialiste Meirav Michaeli (Havoda) a déjà réagi en disant qu’il n’était pas nécessaire de discuter, et qu’il fallait organiser de nouvelles élections.
- Ehud Barak a déclaré qu’il s’agissait d’une grande victoire et que les manifestations devaient maintenant se multiplier et s’intensifier.
Le ministre de l’Agriculture et ancien directeur du Shin Bet, Avi Dichter, a également fait sécession et a appelé à l’arrêt des réformes judiciaires jusqu’à la fin de la fête de l’indépendance d’Israël, le 26 avril. Le député du Likoud et ancien président de la Knesset, Yuli Edelstein, les a rejoints dans leurs points de vue.
David Bitan, membre du Likoud, est lui aussi favorable à un arrêt des réformes.
« Comme je l’ai dit il y a quelques semaines, nous devons arrêter la législation et commencer à négocier immédiatement pour parvenir à des accords », a déclaré M. Bitan dans un communiqué.
MM. Gallant et Edelstein se sont tous deux positionnés en vue d’une future bataille pour la direction du Likoud, actuellement dirigé par M. Netanyahou.
Selon les règles du Likoud, les dissidents pourraient être exclus du parti, et remplacés par les suivants sur la liste. Politiquement, la manœuvre serait courageuse, mais risquée, dans le contexte où toute la presse s’est dressée contre Netanyahou et que le seul message audible est le message mensonger que la dictature va remplacer la démocratie.
- Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a durement critiqué Gallant.
« J’appelle le Premier ministre à renvoyer M. Gallant », a-t-il déclaré. « Il est entré au ministère de la Défense avec les voix de la droite, mais il a cédé aux pressions exercées par les réservistes qui refusent de se conformer aux ordres, et il essaye maintenant de mettre un terme à une réforme importante ».
- Le ministre des Finances Bezalel Smotrich et les membres de son parti religieux-sioniste n’ont pas encore réagi.
À l’heure actuelle, s’il n’expulse pas les membres qui ont cédé aux pressions, le gouvernement ne dispose pas de la majorité de 61 voix à la Knesset. Sans les quatre mandats de Gallant, Dichter, Edelstein et Bitan, Netanyahou ne dispose que de 60 voix en faveur de la réforme. Techniquement, cependant, 61 votes ne sont pas nécessaires pour adopter une législation à la Knesset. Il existe des lois fondamentales spécifiques et, en leur sein, des sections spécifiques qui requièrent une majorité spéciale à la Knesset. Dans le cas de la loi fondamentale sur le pouvoir judiciaire et de la section concernant la composition du comité de sélection des juges, elle peut également être adoptée à la majorité simple.
Et pour compliquer les choses, si la loi Deri n’est pas adoptée avant Pessah, ou si le président du parti Shas, Aryeh Deri, n’est pas nommé Premier ministre suppléant, le Shas quittera probablement la coalition, mettant ainsi fin à l’actuel gouvernement Netanyahou.
Des sources du bureau du ministre de la Justice, Yariv Levin, ont déclaré que le ministre attendrait que le Premier ministre Netanyahou revienne et se prononce avant de faire une déclaration.
Outre la crainte exprimée d’un refus massif d’accomplir le service de réserve de Tsahal, il y a aussi la crainte que les anarchistes ne mettent à exécution leurs menaces de perturber les cérémonies du Memorial Day et du Jour de l’Indépendance, ce qui constituerait une nouvelle ligne rouge divisant le pays.
L’Histadrout (les syndicats) entre dans la danse
Immédiatement après le ministre de la Défense Yoav Galant, Arnon Bar-David, président de la puissante association syndicale Histadrout, a lancé un appel public à l’arrêt immédiat de la réforme judiciaire. Cela pourrait marquer un tournant : la Histadrout est capable de véritablement paralyser la vie du pays, et le Premier ministre ne peut pas renvoyer Bar David.
Il est clair que la gauche refuse de discuter. Il est clair qu’avec d’immenses moyens financiers, des professionnels de la déstabilisation, bien rodés, qui connaissent parfaitement les mécanismes d’excitation des foules, ont mis sur pied, et depuis longtemps, une stratégie complète avec plusieurs étapes successives pour faire tomber le gouvernement Netanyahou et protéger pour longtemps le pouvoir suprémaciste que la gauche exerce sur la politique israélienne au travers de la Haute cour.
Netanyahou joue une partie d’échecs pour la sauvegarde de la démocratie
On peut supposer que le discours de M. Gallant a été prononcé en collaboration et avec la bénédiction de Netanyahou, afin d’essayer de contourner politiquement et habilement, comme il sait si bien le faire, les obstacles dressés devant lui.
Netanyahou connait désormais la force de l’adversaire : il est redoutable, résolu et dangereux. En incitant les réservistes à boycotter Tsahal, l’opposition a montré qu’elle n’hésitera pas à laisser détruire totalement l’Etat juif par les terroristes pour arriver à ses fins, qu’elle préfère briser le front sécuritaire pour encourager l’Iran à lancer le Hezbollah contre un Etat juif qu’il pense très affaibli, plutôt que de perdre son pouvoir.
Netanyahou doit mieux préparer ses coups à l’avance, car la démocratie a pour l’instant beaucoup perdu. Elle souffre de ce coup d’Etat à petites doses. Les grands perdants sont les électeurs de novembre, qui ont voté à une large majorité pour des réformes que le gouvernement n’est pas capable de livrer.
Conclusion : Netanyahou est le dernier rempart de la démocratie
L’opposition a annoncé qu’elle exige une reddition totale : l’annulation de toutes les lois qui ont été votées qui lui déplaisent. Ils prétendent défendre la démocratie, alors qu’ils la piétinent en crachant sur le résultat des élections de novembre dernier. Ils ont perdu les élections, mais rejettent leurs conséquences : ils exigent par le chantage au chaos et à la destruction du pays, que la majorité des Israéliens se soumette à la volonté d’une poignée.
Face à une opposition mobilisée, structurée et prête à tout, soutenue par des forces extrêmement puissantes, d’immenses capitaux déstabilisateurs étrangers, par les Démocrates américains, par la presse locale et internationale, qui a réussi à tromper jusqu’à ceux qui n’ont pas du tout confiance en elle, et par les grandes institutions internationales, la coalition Netanyahou doit faire la preuve de sa capacité à défendre la démocratie, et respecter le bulletin de vote des électeurs israéliens, qui pour l’instant voient qu’ils ont voté pour lui, et que c’est la gauche qui dicte sa loi. Netanyahou est le dernier rempart pour protéger la démocratie israélienne. S’il tombe, elle sera le grand perdant.
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24 7.org