Commençons par savourer ce texte de 189 mots :
Un Palestinien tué par les forces israéliennes en Cisjordanie occupée
Des violences meurtrières perdurent depuis dix jours dans ce territoire et en Israël.
Un Palestinien a été tué, vendredi 1er avril, par des tirs des forces israéliennes à Hébron, dans le sud de la Cisjordanie occupée, a rapporté le ministère de la Santé palestinien. Des heurts ont éclaté dans le centre de cette ville entre des habitants palestiniens et les forces israéliennes, a constaté un journaliste de l’AFP.
Le Palestinien âgé de 29 ans a été tué « à balles réelles », a précisé le ministère de la Santé. Il a été identifié comme étant Ahmad al-Atrash, un ancien détenu ayant passé six ans dans une prison israélienne, selon l’agence officielle palestinienne Wafa. Cette mort survient alors que des violences meurtrières ont lieu depuis ces dix derniers jours en Cisjordanie occupée et en Israël. L’armée israélienne n’a pas commenté dans l’immédiat.
Le Croissant-rouge palestinien a également déclaré avoir pris en charge 70 personnes blessées dans des affrontements avec l’armée israélienne dans le secteur de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie. L’armée israélienne a déployé des renforts dans le territoire occupé.
https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/un-palestinien-a-ete-tue-par-les-forces-israeliennes-en-cisjordanie-occupee_5057587.html
Cette dépêche AFP / France-Info est un pur joyau. Ça a l’air simple comme cela, mais décortiquons un peu.
- Leçon n° 1 : Victimiser. « Il a été tué … » et comme rien n’indique qu’il se soit passé quoi que ce soit, il est implicitement une victime qui n’a rien fait, rien demandé à personne, et qu’on est venu tuer.
Le passage sur les « balles réelles » est un peu stupide, car tout le monde sait bien que les balles à blanc ne sont guère létales, mais ça enfonce le clou. - Leçon n° 2 : Humaniser. Il est très important de donner le nom de la « victime ». Bizarrement, en parcourant les articles de France-Info sur les récents attentats de Bersheva, Hadera et Bnebrak, je n’y ai pas trouvé le nom d’une seule des onze victimes israéliennes …
- Leçon n° 3 : Occulter. Il n’est pas pertinent de préciser qu’il s’est fait tirer dessus alors qu’il lançait un cocktail Molotov sur les forces de l’ordre. Trop d’information peut perturber le lecteur.
- Leçon n° 4 : Jouer avec la chronologie. Habilement, ces émeutes sont brièvement évoquées, mais après. Laissant ainsi à entendre qu’elles pourraient être consécutives à cet « assassinat ».
- Leçon n° 5 : Retourner les faits. Ainsi ses 6 années de prison n’en font pas un « repris de justice » ou un « terroriste », on laisse flotter l’image du « résistant emprisonné ».
- Leçon n° 6 : Noyer le poisson. « 10 jours de violence en Cisjordanie occupée et en Israël ».
Splendide : pas de rappel des attentats, juste une généralité.
Et en plus le territoire israélien – où se sont produits tous les attentats – est cité en second. - Leçon n° 7 : Discréditer. « L’armée israélienne n’a pas commenté dans l’immédiat » : simplement parfait. Le silence est toujours le fait du coupable.
- Leçon n° 8 : Répéter. Le mot « occupé » est présent 4 fois, c’est important. C’est ainsi que font aussi les publicistes pour que le consommateur mémorise bien le message.
On pourrait croire naïvement être face à une petite dépêche factuelle écrite à la va vite… Il n’en est rien, ces journalistes ont travaillé dur.
Rendons-leur hommage et souhaitons qu’ils décrochent un jour le Pulitzer. Avec ces techniques, France Info et l’AFP auraient parfaitement pu écrire au lendemain du 14 juillet 2020 : « Un musulman assassiné par la police française sur la Promenade des Anglais devant des milliers de personnes. »
© Patrick van Straaten pour Israël 24.7