La politique est un sale métier, mais il faut bien que quelqu’un le fasse, ou comment la droite israélienne, piégée par l’Annexion symbolique, oublie Trump.
Quand j’observe que la droite israélienne adopte le discours de la gauche américaine, je sais que quelque chose ne tourne pas rond.
L’opposition a monté l’affaire du vote à la Knesset pour retourner la droite contre Trump. Chapeau, c’est un sans faute.
J’ai assisté la semaine dernière à une partie d’équilibrisme tordu qui ne restera pas dans les annales, car elle met la honte à la droite israélienne et aux sionistes, qui s’empresseront de l’oublier. Avec un vote vicieux soutenu par l’opposition à Netanyahou, la Knesset a approuvé symboliquement – exactement au moment de la visite de Vance et de Rubio – l’annexion de la Judée Samarie.
L’opposition a piégé le Premier ministre, et ceux qui le soutiennent ont acclamé le vote en critiquant Trump. Ils ont validé le piège ! Ils ont fait le jeu de ceux qui ont piégé Netanyahou, et l’ont même amplifié ! L’opposition a monté l’affaire du vote à la Knesset pour retourner la droite contre Trump et a réussi au-delà de ses espoirs. Chapeau, c’est un sans faute.
La gauche médiatique israélienne et américaine passe le plus clair de son temps à faire en sorte que les Maga commencent à détester Israël et que les bibistes et les sionistes rejettent le président Trump. Ceci, la droite ne le nie pas. Les bibistes et les sionistes rejettent de plus en plus le président Trump. Les médias les ont influencés – ceci, ils ne le reconnaîtront pas. Jamais.
J’ai compris qu’ils ont la mémoire courte, à droite, quand j’ai observé la montée du ressentiment anti-Trump. Alors, laissez-moi leur rafraîchir la mémoire…
Accords Abraham
- En 2020, les démocrates américains et la gauche en général ont dénoncé les Accords Abraham que la droite applaudissait. Ils disaient qu’ils ne valaient rien, car ces pays n’étaient pas en guerre avec Israël. Ils ont fortement dévalorisé l’avancée diplomatique et stratégique obtenue, au point de les considérer comme des non-événements.
- En 2020, ceux qui soutenaient Netanyahou, et plus généralement la droite israélienne, comprenaient l’accomplissement du président Trump, et voyaient sa dimension géopolitique à moyen-terme (et pas à court terme, à quoi la gauche voulait la réduire).
- En 2024, la droite israélienne tient désormais le discours de la gauche, sur ces Accords, les considère comme négligeables, certains allant jusqu’à affirmer qu’ils ne profitent qu’aux Etats-Unis.
Jérusalem, confirmée comme capitale d’Israël par le déplacement de l’ambassade des Etats-Unis, et reconnaissance de la souveraineté sur le Golan
- Le 6 décembre 2017, le président Trump reconnaît la souveraineté d’Israël sur Jérusalem et transfert l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem. Ils l’ont oublié. Ou le relativisent, eux dont le cœur a battu si fort lors de l’annonce par Donald Trump.
- Trump reconnaît la souveraineté d’Israël sur la région du Golan. Les USA deviennent le premier pays à le faire. Oublié.
- Trump modifie la politique américaine sur les « colonies israéliennes en Cisjordanie » : la position que celles-ci sont « par principe » illégales selon le droit international a été abandonnée. Oublié.
- Il éjecte les bureaux de l’Autorité palestinienne à Washington. Oublié.
- Réduction de l’aide américaine à l’Autorité palestinienne. Oubliée.
- Trump réduit les contributions annuelles des États-Unis à l’UNRWA (250 à 400 millions de dollars), affirmant que l’UNRWA est corrompu, perpétue le problème des « réfugiés palestiniens » et que ses écoles engendrent de l’hostilité envers Israël et les Juifs. Oublié.
- Trump refuse de jouer le rôle de médiateur « neutre » entre Israël et l’Autorité palestinienne, Trump affirmant que la politique américaine est alignée sur Israël. Oublié.
- Le 11 juin 2020, Donald Trump autorise le gel des avoirs, l’interdiction de visa et des restrictions financières à l’encontre du personnel de la CPI (dont la procureure Fatou Bensouda et d’autres hauts fonctionnaires) impliqué dans des enquêtes sur des ressortissants américains et Israël. Oublié !
- Juillet 2020 : Trump dénonce la Cour pénale internationale (CPI) dans ses efforts d’enquête sur des actions israéliennes, et apporte son soutien américain explicite à Israël face à la CPI. Oublié !
Oublié, oublié, oublié !
Résultat, en 2025, une partie de la droite israélienne affirme que « Donald Trump est prêt à abandonner Israël pour ses propres intérêts », soit mot pour mot le narratif de la gauche américaine anti-Trump qui cherche à lui faire perdre le soutien des évangéliques – sans expliquer quels seraient ces « fameux intérêts ».
Trump second mandat
- Dès le premier jour du second mandat de Trump, levée des sanctions de l’administration précédente envers des « colons israéliens en Cisjordanie. » Oubliée.
- Notification et planification pour une importante vente d’armes à Israël (et contournement du Congrès) : soutien militaire massif renforcé. Oubliées.
- Maintien et renforcement de l’exemption d’Israël des revues américaines de l’aide étrangère, et orientation politique américaine explicitement pro-Israël. Oublié.
- Politique de soutien sans réserve à Israël dans le conflit avec l’Iran, suivi du monumental, historique et inimaginable bombardement des installations nucléaires iraniennes.
Quelque chose de majeur pour la survie du peuple juif venait de se produire : la menace nucléaire d’un nouvel holocauste qui planait au-dessus de l’Etat juif s’est évaporée. Cela fait 15 ans que chaque année à l’ONU, le Premier ministre évoque la menace. La salle, distraite, bâillait. Je suppose que la droite bâillait avec eux toutes ces années, car elle a déjà oublié. - L’administration Trump continue de bloquer ou révoquer les efforts internationaux contre Israël (CPI, ONU, CIJ, UNRWA) qui visent Israël ou remettent en question ses actions et son existence. Oublié.
- Et en septembre 2025, dévoilement d’un « plan de paix de 20 points » pour Gaza, révisé avec l’accord du Premier ministre Netanyahou, visant notamment un cesse-le-feu, le retour d’otages, la démilitarisation de Gaza et une gouvernance intérimaire. Oublié ! (Comme cela ne s’est pas produit dans un claquement de doigts, la droite déraisonnable voit cela comme un piège.)
Tout cela est oublié.
On hurle, crie ou grince des dents, à droite, offusqués que Trump serve les intérêts des Américains d’abord, et fasse avancer la doctrine MAGA – Make America Great Again. Par une vision égocentrique aigüe, la droite israélienne considère que le traitre Trump est supposé s’occuper d’Israël avant tout, et qu’Israël n’a aucun compte à rendre à l’Amérique. Venant de la droite que l’on décrit comme souverainiste, ça donne à sourire.
« Trump s’allie avec le Qatar ! »
Oui, pour faire libérer les otages. Ils ont déjà oublié que Trump les a tous fait libérer, les derniers otages vivants, là où Bibi a échoué. Et ils ont oublié que Trump a salué Israël pour avoir facilité cette libération en augmentant la pression militaire sur la ville de Gaza.
« Trump va créer un Etat palestinien parce qu’il est acheté par le Qatar » !
Trump n’a pas créé d’Etat palestinien. Et ils ont déjà oublié combien ils l’ont critiqué, lorsque le New York Times les a roulés dans la farine en leur servant cette désinformation si bien faite, qu’ils l’ont gobée tout cru, et qu’ils gobent déjà la suivante.
Dernier épisode de la manipulation, le vote de la Knesset en faveur de l’annexion de la Judée Samarie
Le 22 octobre 2025, la Knesset a approuvé en lecture préliminaire (première étape d’un processus législatif qui en compte quatre) deux projets de loi visant à appliquer la souveraineté israélienne sur des territoires de la Judée-Samarie. Ces votes sont symboliques et non contraignants, et ils nécessitent encore trois lectures pour devenir loi. Ils ont été organisés par l’opposition et par ceux, au sein de la coalition, qui veulent forcer le Premier ministre à annexer la Judée Samarie, ce qu’il refuse de manière constante.
Le vote a été vicieusement organisé en pleine visite du vice-président américain J.D. Vance, et du Secrétaire d’Etat Marco Rubio afin de provoquer le rejet de Trump par la droite israélienne et les amis d’Israël, et d’exacerber le rejet des uns par les autres et réciproquement, puisque Trump s’oppose à toute annexion.
« Le président Trump a déjà clairement indiqué que nous ne soutenions pas de telles initiatives pour l’instant », a déclaré Marco Rubio.
« Trump a des accords cachés avec les pays du Golfe », hurle encore la droite. Ah bon ? Pourquoi n’accusent-ils pas aussi Netanyahou d’avoir des accords cachés avec les pays arabo-musulmans, puisqu’il a donné l’ordre au Likoud de ne pas voter ce projet de loi, et qu’ils se sont tous abstenus (sauf un).
Qu’a dit Netanyahou ?
« Une semaine on dit qu’Israël contrôle les États-Unis. Une semaine plus tard, on dit que les États-Unis contrôlent Israël. C’est du n’importe quoi ! » – Netanyahou
Il a qualifié les votes de la Knesset de « provocation politique » de l’opposition pour embarrasser son gouvernement. Tiens donc, la droite ne relève pas.
Le bureau de Netanyahu a publié un communiqué le 23 octobre 2025, qualifiant le vote de « provocation politique délibérée par l’opposition visant à semer la discorde pendant la visite du vice-président J.D. Vance en Israël ».
- Netanyahu a ensuite ordonné à la coalition de ne pas avancer ces projets de loi et a réaffirmé son opposition à l’annexion sans condition favorable (diplomatiques et sécuritaires).
- Marco Rubio, en déclarant que « Le président Trump a déjà clairement indiqué que nous ne soutenions pas de telles initiatives pour l’instant », n’a rien dit d’autre. Mais c’est ou-bli-é !
Puis, lors d’une conférence de presse le 22 octobre 2025, Benjamin Netanyahu s’est moqué des commentateurs de droite israéliens et a déclaré que Israël « n’est pas un État-client » ou « un protectorat des États-Unis », mais bien un partenaire égal. Il a précisé :
« Une semaine on dit qu’Israël contrôle les États-Unis. Une semaine plus tard, on dit que les États-Unis contrôlent Israël. C’est du n’importe quoi ! Nous avons un partenariat, une alliance de partenaires qui partagent des valeurs et des objectifs communs. »
Conclusion
Le discours des commentateurs de droite est toujours crispé autour d’une notion utopique de paix, et ils se sentent trahis par un président Trump qu’ils ne comprennent pas – car sa philosophie politique n’est pas présente dans la culture européenne. La vision de Trump est – et a toujours été – axée sur une logique pragmatique de sécurité/économie, et pas autour de grandes idées.
Ceux qui à droite se laissent tromper par son mode d’expression rejoignent ceux qui, à gauche, le décrivent comme une girouette instable, lui reprochent ses mots amicaux envers le dictateur nord-coréen, ses mots doux envers Poutine, ses flatteries envers Macron, et ses ronds de jambe aux dirigeants des Etats du Golfe.
Mai quand à droite, on épouse les critiques de la gauche américaine envers Trump, je sais que quelque chose ne tourne pas rond.
Ni les uns ni les autres ne comprennent Trump, et ils s’accrochent aux branches fragiles et superficielles de l’immédiateté.
Franchement, si j’étais eux, je m’intéresserais plutôt à un vrai sujet de souveraineté : le Centre de coordination civilo-militaire (CMCC) dirigé par les États-Unis à Kiryat Gat, en Israël.
© Jean-Patrick Grumberg pour Israël 24/7.org
