Conseils pour antisémites frustrés

Pas facile aujourd’hui de se montrer ouvertement antisémite. Il faut le reconnaître, les temps sont durs. Tout un arsenal législatif a été mis en place pour réprimer non seulement les propos incitant à la haine raciale et notamment à la haine contre les juifs, assortie ou non de menaces, mais encore les insultes. Plus question de petites phrases assassines à la radio, plus de clins d’œil à la télé. Même la presse de caniveau doit déployer des trésors d’ingéniosité pour trouver des formules suffisamment ambiguës pour ne pas tomber sous le coup de la loi. Pire, les réseaux sociaux s’en mêlent et on risque de s’en voir chassé pour un texte trop explicitement raciste. Seuls les hommes politiques essaient encore de passer entre les gouttes pour ratisser plus large en cette période électorale. Une situation intolérable et une atteinte au droit fondamental à la liberté d’expression se plaignent les antisémites les plus convaincus. Comment se faire entendre ? Comment faire passer le message ? Atteindre le plus grand nombre sans risque ? Il y a une solution simple et peu coûteuse : poster un commentaire sur le site d’un quotidien à large diffusion. Non que ces organes de presse les encouragent, bien au contraire. La charte du journal Le Monde, par exemple, est explicite sur ce point :

«La discussion doit être respectueuse, sans attaque personnelle (contre les autres contributeurs et contributrices, comme contre les journalistes ou les personnes citées dans l’article) et respecter les limites de la liberté d’expression : pas de diffamation, pas d’injure, pas de propos discriminatoire, sexiste ou raciste, négationniste, ou incitant à la haine.»

Hélas, un abîme sépare la théorie de la pratique. Les modérateurs chargés de faire respecter la charte sont sans doute débordés. Ainsi, la diatribe d’un certain Robespierre, commentant la tribune du président Herzog publiée le 19 mars, se réfère ainsi au président de l’Etat d’Israël : «Le mec, particulièrement obscène…» n’a pas fait sourciller les modérateurs, qui ont dû la considérer comme «respectueuse et sans attaque personnelle.» C’est que s’agissant de l’Etat juif et de ses dirigeants, tout est permis. Il suffit apparemment d’envelopper la haine des Juifs dans le manteau de la haine d’Israël ou celle des juifs israéliens pour pouvoir s’exprimer en toute liberté. Toute une équipe de trolls s’emploie à tester la bienveillance de l’équipe de modération. Un exemple : après l’attentat de Beersheva qui a fait quatre victimes – deux femmes et deux hommes, tous civils juifs ; un certain Wakanda commente : «Soutien total au peuple palestinien victime d’une injustice historique… l’armée israélienne massacre des civils palestiniens par milliers… Gaza est le ghetto de Varsovie du XXIe siècle.» Autre commentaire, publié le 12 mars par un certain Amgala : «L’antisémite d’hier était quelqu’un qui détestait les juifs, aujourd’hui c’est quelqu’un que des juifs détestent !» Et pour terminer le 12 mars, M. Jean Passedé Mayer évoque «la proximité de style mais aussi d’idées entre Hitler et Herzl le fondateur du mouvement sioniste ; une obsession de la race qui fonde le droit de purifier le corps social des non-Aryens ou des non-juifs.»

Mais puisqu’on vous dit que ces propos ne sont pas contraires à la charte…

© Michèle Mazel pour Israël 24 7.org

Michèle Mazel est diplômée de Sciences-Po et licenciée en Droit, et a été boursière Fullbright en science politique. Pendant plus de trente ans, elle a accompagné de par le monde son mari, le diplomate Zvi Mazel, qui fut notamment ambassadeur d’Israël en Egypte, en Roumanie et en Suède. Elle en a tiré la matière de nombreux ouvrages – thrillers et romans. Elle contribue régulièrement à plusieurs organes de presse.

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